L'escalade dans l'intensité des différends entre les milices pro-iraniennes opérant en Irak menace de creuser le fossé entre elles, ont expliqué plusieurs observateurs irakiens.
Ces différends sont particulièrement prononcés entre la Kataeb Hezbollah et Asaib Ahl al-Haq, alors que chacune tente de s'imposer sur l'autre.
Ces litiges remontent à février, lorsqu'il avait été annoncé que le haut commandant de la Kataeb Hezbollah, Abdoul Aziz al-Mohammadawi, alias « Abou Fadak » ou « al-Khal » avait été désigné comme successeur d'Abou Mahdi al-Mouhandis.
Al-Mouhandis, commandant en second des Forces de mobilisation populaire (FMP), avait été tué par une frappe américaine près de l'aéroport de Bagdad en janvier, en compagnie de Qassem Soleimani, le commandant de la Force al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique.
Cette nomination d'al-Mohammadawi a irrité les autres milices, notamment Asaib Ahl al-Haq, car elle vient consolider l'influence de la Kataeb Hezbollah au sein des FMP.
Mouzahim al-Huweit, porte-parole des tribus arabes de la région kurde, a expliqué à Diyaruna que tous les groupes armés fidèles à l'Iran, parmi lesquels la Kataeb Hezbollah et Asaib Ahl al-Haq, sont d'accord pour « servir le projet iranien ».
Ces milices pro-iraniennes, appelées « loyalistes », répondent aux ordres du Guide suprême Ali Khamenei, a-t-il expliqué, en particulier sur le ciblage des missions diplomatiques et de la présence militaire internationale en Irak.
Il n'y a aucun conflit entre elles sur ce point en particulier, a-t-il précisé.
Le cœur des désaccords porte en revanche plus sur le désir de chacune des parties de supprimer la concurrence de l'autre et de monopoliser la fidélité et l'influence, a-t-il ajouté.
« Lorsque l'hégémonie concerne une source de richesse, les relations entre ces parties ne sont certainement pas au mieux et une profonde défiance est la règle », a-t-il poursuivi.
Lutte pour les ressources et l'expansion
Al-Huweit a expliqué que les intermédiaires de l'Iran se partagent l'influence sur le terrain tout en luttant en secret pour étendre la zone où leurs combattants sont présents et tentent d'optimiser leurs sources de revenus.
Ils le font en se livrant à la corruption, à la contrebande et à la conduite d'activités illégales, a-t-il ajouté.
Lors d'un entretien télévisé retransmis par la chaîne iranienne al-Alam le 5 décembre, l'ambassadeur d'Iran à Bagdad Iraj Masjedi a reconnu que des litiges existaient entre les milices.
Mais il a minimisé ces tensions, les qualifiant de « chose normale » et réfutant que le gouvernement iranien en soit l'auteur et le responsable.
Ce qu'a affirmé Masjedi dans cette interview est que l'Iran ne soutient pas les groupes armés qui ne suivent pas les ordres de l'État irakien, des affirmations qui ont provoqué l'indignation des Irakiens sur les médias sociaux.
Plusieurs semaines auparavant, dans une indication claire de l'escalade des litiges entre les intermédiaires de l'Iran, le commandant de la Force al-Qods du CGRI s'était rendu à Bagdad.
Selon des informations, sa visite était destinée à préserver la trêve du 10 octobre annoncée par des groupes liée à la Kataeb Hezbollah, qui appelait à la suspension des attaques contre les intérêts américains et internationaux.
Ce cessez-le-feu a déjà été violé à deux reprises depuis.
Le 17 novembre, une volée de missiles avait frappé la Zone verte de la capitale et les quartiers environnants et occasionné la mort d'une fillette.
Et le 10 décembre, deux convois transportant des équipements logistiques pour la coalition internationale avaient été attaqués, l'un à proximité de Bagdad, l'autre dans le sud du pays.
« Le but réel » de la visite de Qaani
Selon les observateurs, dont al-Huweit, le but réel de la visite de Qaani était de calmer l'escalade des tensions entre les intermédiaires de l'Iran par crainte que les relations entre eux ne se détériorent et échappent à tout contrôle.
Cela est particulièrement préoccupant à l'approche des élections, prévues le 6 juin 2021, et du début de la campagne électorale, a poursuivi al-Huweit.
Dans une attitude qui laisse à penser que les efforts de Qaani n'ont pas réussi à soulager ces divisions, le leader d'Asaib Ahl al-Haq, Qais al-Khazaali, a minimisé, lors d'un entretien à la télévision d'État, le 9 novembre, le rôle que son rival Abou Fadak avait joué dans l'accord de cette trêve.
Il a également annoncé qu'elle avait pris fin.
Ghazi Faisal Hussein, le directeur du Centre irakien d'études stratégiques, a expliqué à Diyaruna que les milices pro-iraniennes n'adoptent pas un agenda national « et qu'elles poussent toujours le pays vers un tourbillon de problèmes, de crises et d'instabilité ».
« Ce sont des groupes rebelles qui sèment le chaos et qui travaillent à mettre en œuvre la stratégie d'expansion de l'Iran, fondée sur la propagation du chaos, la destruction et la promotion de l'extrémisme dans la région », a-t-il ajouté.
« Ces groupes adoptent ce comportement belliqueux même entre eux », a-t-il ajouté, soulignant que « des signes de division étaient déjà apparus ».
Un chiisme entre les milices fidèles au Wali al-Faqih (Khamenei) et les groupes affiliés aux autorités religieuses de Najaf a déjà existé, a-t-il conclu.
Les quatre factions alignées sur Najaf, Liwa Ansar al-Marja'iyya, Liwa Ali al-Akbar, la Division de combat al-Abbas et la Division de combat de l'Imam Ali, ont réitéré le 4 décembre leur engagement à sauvegarder l'autorité de l'État.