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L'appel d'al-Sadr au renouveau de la « Maison chiite » suscite la controverse

Faris al-Omran

L'imam populiste Moqtada al-Sadr reçoit sa carte d'électeur dans un centre de délivrance des cartes sur cette photo d'archive datée du 5 mars 2018. [Photo fournie par la Commission électorale irakienne]

L'imam populiste Moqtada al-Sadr reçoit sa carte d'électeur dans un centre de délivrance des cartes sur cette photo d'archive datée du 5 mars 2018. [Photo fournie par la Commission électorale irakienne]

Le récent appel de l'imam populiste irakien Moqtada al-Sadr en faveur du renouveau de la « Maison chiite » suscite la controverse dans les milieux politiques.

Certains le voient comme un appel à revenir à une ère d'ancrage sectaire et d'intérêts de factions, d'autres comme le prélude à un plus large consensus politique.

Al-Sadr a lancé cet appel dans un message publié le 2 décembre sur Twitter.

« Je trouve qu'il est dans l'intérêt public et urgent de mettre de l'ordre dans la Maison chiite par des rencontres intensives, pour tenter de documenter un code de l'honneur idéologique et politique », a-t-il déclaré.

Cet appel d'al-Sadr n'a pas reçu un accueil très chaleureux de la part de nombreuses forces influentes sur la scène irakienne, car il reflète une tendance « surannée » remise au goût du jour avec de vieux slogans et discours pour gagner le soutien des masses, ont indiqué des observateurs.

Il s'est également heurté à un certain scepticisme, dans la mesure où al-Sadr affiche souvent des positions très fluctuantes.

Le politologue Hatem al-Falahi a expliqué à Diyaruna qu'il estime que cet appel d'al-Sadr est de nature « sectaire » et « nous renvoie à la case départ avec l'alignement sectaire des blocs politiques ».

À son apogée en 2005, ce type d'alignement sectaire avait eu des conséquences désastreuses, a-t-il rappelé, car le pays avait plongé dans un cycle de violences sectaires et de crises sécuritaires, politiques et économiques.

Tentative « d'influencer les élections »

Le but de cet appel est de « contrôler le mouvement de contestation populaire » qui a vu le jour il y a plus d'un an et contre lequel al-Sadr s'est retourné ces derniers mois, lorsqu'il a qualifié les manifestants de « petits garçons » et de « bouffons », a rappelé al-Falahi.

Les partisans d'al-Sadr se sont appuyés sur lui lorsqu'ils ont réprimé les manifestations de fin novembre sur la Place al-Haboubi à al-Nasiriyah, a-t-il expliqué. Ils s'en sont pris aux manifestants, en tuant et en blessant plusieurs et incendiant leurs tentes.

Des observateurs ont expliqué à Diyaruna que pour eux, al-Sadr souhaite unifier ses opposants et ses anciens alliés, les chefs des blocs et des factions chiites armées fidèles à l'Iran, à des fins électorales, dans le but de dominer la scène politique.

Al-Falahi a décrit l'initiative d'al-Sadr de vouloir « mettre de l'ordre dans la Maison chiite » comme une manière de peser sur les prochaines élections et de ravir suffisamment de sièges pour que son parti soit en mesure de nommer le Premier ministre.

Mais l'ancien député irakien Taha al-Lahibi a expliqué à Diyaruna que les chances des sadristes d'influencer la nomination du prochain Premier ministre sont très minces.

Il paraît peu probable qu'ils enregistreront des gains électoraux, a-t-il ajouté, car le nombre de leurs sièges dans le prochain parlement pourrait passer des 54 qu'ils détiennent actuellement à moins de 30, maintenant que « les mensonges de leurs slogans sur les réformes et la lutte contre la corruption ont été dévoilés ».

Il a ajouté que selon lui, cela explique la récente déclaration d'al-Sadr, qui coïncide avec les tentatives de l'Iran de réprimer les manifestations qui rejettent ses ingérences néfastes en Irak.

L'Iran tente par ailleurs de rassembler les leaders chiites et de forger des accords et des partenariats politiques fondés sur le principe de l'affiliation sectaire.

Certaines sources proches de la Force al-Qods du CGRI ont déclaré au quotidien Al-Jarida en novembre qu'une réunion avait eu lieu à Beyrouth sous les auspices du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui avait rassemblé al-Sadr et le chef de la coalition de l'État de droit, l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki.

Le but de cette réunion était de parvenir à réconcilier les deux parties et de renforcer le bloc chiite pro-iranien en Irak à l'approche des élections législatives, avait précisé cet article.

Pour al-Lahibi, ce mouvement « appartient au passé et s'éloigne de la tendance populaire et du mouvement de la jeunesse qui appelle aujourd'hui à construire une nation irakienne inclusive qui rassemble toutes les sectes et toutes les affiliations et protège les droits de chacun ».

« Cela signifie un Irak fort et unifié qui conserve sa souveraineté et son indépendance, plutôt que de permettre à l'Iran ou à n'importe quel autre pays de s'ingérer dans ses affaires intérieures, et dont les citoyens jouissent de la stabilité et de la prospérité », a-t-il poursuivi.

« Réel désir de guérir »

Mais de l'avis d'Issam al-Faily, professeur de science politique à l'Université al-Mustansiriya, al-Sadr est motivé par un réel désir de guérir les divisions de l'Irak.

Il a expliqué à Diyaruna que le but de l'imam est « de parvenir d'abord à un compromis entre chiites, puis de réaliser la même chose avec les autres factions pour tenter de panser les divisions à l'approche des prochaines élections ».

« Cet appel n'est pas nouveau, le responsable politique aujourd'hui décédé Ahmed al-Chalabi avait été le premier à militer pour une telle posture », a-t-il ajouté.

Il a souligné que différentes écoles de pensée existent parmi les chiites, qui suivent diverses autorités religieuses et s'identifient comme libérales ou laïques.

« Les gens veulent maintenant un bloc politique qui obtienne des résultats dans leur intérêt, quel que soit son titre, au sein duquel de nouveaux talents travaillent à la mise en place d'un État d'institutions et de services », a conclu al-Faily.

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