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Criminalité et Justice

Des groupes pro-iraniens derrière les attaques de magasins de liqueur

Faris al-Omran

Un magasin de vente d'alcool du district de Zayouna dans Bagdad attaqué par des miliciens le 2 novembre. [Photo extraite de la page Facebook Badger (Demain)]

Un magasin de vente d'alcool du district de Zayouna dans Bagdad attaqué par des miliciens le 2 novembre. [Photo extraite de la page Facebook Badger (Demain)]

Ces dernières semaines, plusieurs attaques de type mafieux ont frappé des commerces de Bagdad qui vendent de l'alcool, dont au moins six ont visé des magasins dans plusieurs quartiers du centre de la capitale.

L'incident le plus violent est survenu le 31 octobre, lorsque plusieurs magasins de vins et spiritueux du quartier de Karrada ont été visés par des engins explosifs, faisant des victimes parmi la population et des dommages matériels, et provoquant un incendie.

Les bureaux d'Emirates Airlines tout proches ont été quelques-uns des bureaux qui ont été endommagés, selon un communiqué de l'armée irakienne.

Fin juin, un haut membre opérationnel de la milice pro-iranienne de la Kataeb Hezbollah, Abou Ali al-Askari, avait approuvé les attaques contre des magasins de vente d'alcool dans un post dans les réseaux sociaux.

Magasins endommagés par une explosion le 23 juin imputée à une milice pro-iranienne dans le district d'al-Karrada de Bagdad, notamment ceux qui vendent de l'alcool. [Photo extraite de la page Facebook Al-Karrada]

Magasins endommagés par une explosion le 23 juin imputée à une milice pro-iranienne dans le district d'al-Karrada de Bagdad, notamment ceux qui vendent de l'alcool. [Photo extraite de la page Facebook Al-Karrada]

Des magasins du quartier d'al-Karrada de Bagdad montrent les dégâts consécutifs à une attaque à la bombe du 23 juin. [Photo via la page Facebook Salahef]

Des magasins du quartier d'al-Karrada de Bagdad montrent les dégâts consécutifs à une attaque à la bombe du 23 juin. [Photo via la page Facebook Salahef]

Un groupe se faisant appeler Ahl al-Qura (Les villageois) avait revendiqué les attaques les plus récentes dans des communiqués postés en ligne.

Les observateurs ont souligné que ce groupe n'est que l'une des nombreuses factions similaires affiliées à la Kataeb Hezbollah, notamment Ousbat al-Thaerin, Ashab al-Kahaf et Roubou Allah.

Collectivement, ces groupes ambitionnent de semer le chaos et d'affaiblir l'appareil de sécurité.

« Les groupes qui sont derrière les attaques contre des magasins de vente d'alcool sont les mêmes que ceux qui s'en prennent à la sécurité de l'Irak en tirant des missiles contre les missions diplomatiques dans la Zone verte », a expliqué le journaliste Ziad al-Sinjari à Diyaruna.

Ce sont eux qui assassinent les activistes qui participent aux manifestations, attaquent des journalistes et incendient les bâtiments des chaînes satellitaires, a-t-il ajouté.

L'argent est leur objectif ultime

Pour al-Sinjari, ces attaques s'inscrivent dans le cadre d'une campagne d'hostilité lancée par des groupes qui ambitionnent de déstabiliser la société irakienne, menacer et affaiblir les institutions de l'État, précisant qu'elles sont lancées dans le but d'obtenir de l'argent.

« Les attaques contre des magasins d'alcool ne sont pas interprétées comme un comportement extrémiste par ces milices, découlant de l'interdiction religieuse de la consommation d'alcool, mais plutôt comme une manière employée pour soutirer de l'argent aux propriétaires de ces magasins », a-t-il poursuivi.

« Ceux qui refusent de payer se voient menacés d'avoir leur magasin détruit par une bombe à tout moment », a ajouté al-Sinjari.

Les milices contrôlent les magasins d'alcool, par des agents ou des intermédiaires, a-t-il indiqué, comme cela est le cas pour les boîtes de nuit, les bars et les casinos.

En août 2019, a-t-il noté, les forces irakiennes avaient arrêté Haji Hamza al-Shemmari et l'avaient accusé d'être à la tête d'un très important réseau d'activités illégales lié au jeu, à la prostitution et au trafic de drogue.

Al-Shemmari entretenait des relations étroites avec des milices pro-iraniennes comme Asaib Ahl al-Haq, et il était soupçonné de leur faire passer de l'argent.

La plupart des propriétaires des magasins de vente d'alcool de Bagdad possèdent des licences officielles pour pouvoir fonctionner, mais cela ne les empêche malheureusement pas d'être pris pour cibles.

Ainsi, le propriétaire d'un magasin d'alcool de Bagdad qui a demandé à conserver l'anonymat a expliqué à Diyaruna qu'il était contraint de payer au moins 500 dollars par jour « d'argent de protection » aux milices, et que les propriétaires de magasins plus importants devaient payer encore plus.

« Nous sommes obligés de payer cet argent en échange de nos vies », a-t-il indiqué. « Mais cela ne signifie pas pour autant que nous soyons totalement débarrassés de la perfidie de ces milices. »

« Ces extorsions doivent cesser »

Après la récente vague de violence, le ministère de l'Intérieur a intensifié ses mesures de protection des magasins d'alcool et des boîtes de nuit, en déployant des patrouilles et en mettant en place des postes de garde à proximité.

Selon Ghanem al-Abed, analyste politique spécialiste de la sécurité, ces milices n'arrêteront pas de défier les responsables de la sécurité et la loi.

Elles continueront de s'en prendre aux biens et aux personnes, de menacer leurs vies et leurs intérêts et de perturber les efforts de sécurité pris contre leurs agissements, a-t-il expliqué à Diyaruna.

Elles doivent être combattues, et les extorsions à grande échelle, qui visent des commerçants, des hommes d'affaires et des investisseurs en plus des magasins d'alcool et des bars, doivent cesser.

Outre l'extorsion, a-t-il poursuivi, ces groupes sont impliqués dans la contrebande de pétrole et d'autres ressources de l'État, ainsi que dans les trafics de drogue et d'armes et la manipulation d'enchères sur des devises fortes.

La plupart des revenus qu'ils en retirent sont destinés à soutenir l'économie iranienne, qui pâtit des lourdes sanctions, et à financer les intermédiaires du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Syrie, au Liban et au Yémen.

Ces activités illégales pèsent sur l'économie de l'Irak, a conclu al-Abed, entraînent un endettement et un affaiblissement des services publics, et exacerbent la pauvreté et le chômage.

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