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Le dernier projet de Soleimani en Irak, une menace pour la région

Hassan al-Obeidi à Bagdad

Cette photo prise le 20 juin 2018 montre une affiche de propagande de la milice pro-iranienne Kataib Hezbollah dans le centre de Bagdad, la capitale irakienne. [Ahmad al-Rubaye/AFP] 

Cette photo prise le 20 juin 2018 montre une affiche de propagande de la milice pro-iranienne Kataib Hezbollah dans le centre de Bagdad, la capitale irakienne. [Ahmad al-Rubaye/AFP] 

Avant son élimination en janvier, le commandant de la Force al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI-FQ) Qassem Soleimani supervisait la mise en place d’une nouvelle entité armée en Irak, ont expliqué des spécialistes militaires irakiens.

Ce projet, de dimension régionale, concernait l’implication de l’Iran en Syrie, au Liban, au Yémen et ailleurs, et aurait représenté une menace encore plus grande pour la stabilité de l’Irak s’il avait vu le jour, ont-ils indiqué.

La mort de Soleimani mit un coup d’arrêt à ce projet, ont-ils ajouté, mais il pourrait encore potentiellement représenter une menace.

Selon divers rapports parus dans les médias, il se serait agi d’une milice composée d’éléments provenant d’autres milices pro-iraniennes regroupés en une force d’élite qui aurait opéré sous le nom d’Armée de résistance islamique (ARIS).

Un haut responsable irakien à Bagdad, qui a demandé à conserver l’anonymat en raison de la sensibilité de cette information, a expliqué à Diyaruna que cette dernière entité était l’un des derniers projets sur lesquels Soleimani travaillait avant sa mort.

Il concernait la sélection d’éléments issus de plusieurs milices pro-iraniennes, notamment Harakat al-Nujaba, la Kataib Hezbollah, Asaib Ahl al-Haq, Sayyed al-Shuhada, le Mouvement al-Abdal et Saraya al-Khurasani, a précisé ce responsable irakien.

Ces combattants devaient être regroupés au sein d’une force d’élite qui devait constituer la base de cette nouvelle entité armée, a-t-il poursuivi.

Ils devaient bénéficier d’une formation militaire à l’utilisation de différents types d’armes, notamment des roquettes et des missiles, assurée par des formateurs issus des rangs du CGRI et du Hezbollah libanais.

Cette Armée de résistance islamique devait comprendre entre 2500 et 3000 combattants, dont les missions devaient s’étendre à la Syrie, au Liban et possiblement au Yémen, a ajouté ce responsable.

Il devait s’agir d’un groupe transfrontalier placé sous le commandement direct de Soleimani et du commandant en second des Forces de la mobilisation populaire (FMP) également tué Abou Mahdi al-Mouhandis, a-t-il continué.

Après la mort de Soleimani et d’al-Mouhandis, le nom qui circulait pour prendre le commandement de cette nouvelle entité était celui de l’officier du CGRI Majed Mazaal al-Tarfi, l’un des coordinateurs des milices en Syrie.

« Nous espérons que ce projet ne sera pas relancé »

Ce responsable irakien a expliqué à Diyaruna que les préparatifs devant déboucher sur la création de cette nouvelle entité étaient entrepris au plus haut niveau des milices pro-iraniennes, et qu’il existait même un plan pour créer une chaîne télévisée satellitaire devant faire office de porte-voix.

« Mais la mort de Soleimani a donné un coup d’arrêt à tous ces préparatifs, et nous espérons que ce projet ne sera pas relancé », a-t-il expliqué.

La disparition de Soleimani a épargné à l’Irak l’imminence d’un scénario de turbulences sécuritaires, a-t-il ajouté, mais des inquiétudes demeurent sur le fait que les successeurs du commandant du CGRI-FQ pourraient décider de poursuivre ce projet.

Il a rappelé que ce projet s’inscrivait dans le cadre des tentatives de l’Iran visant à affaiblir l’armée irakienne et à étendre l’influence des milices pro-iraniennes, afin d’affaiblir l’État et l’État de droit.

Le président du Parti constitutionnel irakien Entifadh Qanbar a expliqué à Diyaruna que la décision d’éliminer Soleimani avait été « une sage décision » et un cadeau pour tous les peuples de la région qui aspirent à vivre une vie digne et libre.

Cette décision est validée jour après jour, a-t-il expliqué.

« Former de nouvelles milices est la seule chose que l’Iran a réussi à faire ces dernières années », a-t-il ajouté, raison pour laquelle l’information concernant la création d’une nouvelle milice ne fut pas une surprise.

« C'est plutôt la confirmation du fait que l’Iran continue à défier la communauté internationale, ses normes et ses lois », a-t-il ajouté.

Il a rappelé que les milices appuyées par l’Iran opèrent en Syrie, en Irak, au Yémen et au Liban, et utilisent des cellules terroristes dans le Golfe, en plus de bateaux transportant des armes et des explosifs.

Les milices alimentent le ressentiment envers l’Iran

« Pour faire simple, le projet de Soleimani consiste à mettre en place un nouveau groupe pour tuer des Irakiens, menacer leur sécurité en utilisant leur argent », a résumé pour Diyaruna Firas al-Daini, membre de l’Alliance démocratique civile.

Mais les Irakiens sont aujourd’hui plus conscients des projets de l’Iran, a-t-il poursuivi, notant que la formation de cette milice ne fera qu’alimenter le ressentiment de l’opinion publique envers ce pays.

Ce sera le signe irréfutable que le régime iranien porte atteinte à leur sécurité et à leur stabilité, a-t-il indiqué, et qu’il sape les initiatives faites de restreindre la possession des armes à l’État et de renforcer ses institutions.

L’expert en sécurité irakienne Fouad Ali a expliqué à Diyaruna que les efforts iraniens pour créer plus de milices visent également à décourager quiconque d’aider l’Irak ou de jouer un rôle dans ses affaires intérieures, ce qui donne également aux plans de l’Iran une dimension politique.

Selon Ali, l’Iran utilise également ces milices pour sécuriser ses intérêts économiques et prendre le contrôle des ressources de l’État.

Le grand nombre de ces milices, qui opèrent sous des noms différents, est destiné à dissuader toute tentative d’en prendre par la suite le contrôle, a-t-il conclu.

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