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Battus, les combattants de l'EIIS préfèrent la reddition à la fuite

Khalid al-Taie

Des éléments de l'EIIS se rendent après la libération de la ville syrienne d'al-Raqqa, le 15 octobre 2017. [Photo fournie par les FDS]

Des éléments de l'EIIS se rendent après la libération de la ville syrienne d'al-Raqqa, le 15 octobre 2017. [Photo fournie par les FDS]

Plutôt que de passer le reste de leur vie comme des parias et des fugitifs, à constamment surveiller leurs arrières, les combattants de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) sont de plus en plus réceptifs à l'idée de se rendre, expliquent des spécialistes.

Jadis, ont-ils rappelé, les combattants du groupe auraient affirmé que « combattre jusqu'à la mort » était le cœur même de la doctrine de l'EIIS et ne laissait aucune place à la reddition.

Mais aujourd'hui, confrontés à des défaites à répétition, cette idéologie s'est considérablement affaiblie.

Après les défaites subies en Irak et en Syrie et la perte de contrôle de villes clés comme Mossoul, Tal Afar et al-Hawijah en Irak et al-Raqqa en Syrie, des centaines d'éléments de l'EIIS se sont rendus aux autorités.

Des forces irakiennes lancent une opération contre un repaire de l'EIIS dans le sud de Mossoul, le 26 juin. [Photo fournie par le ministère irakien de la Défense]

Des forces irakiennes lancent une opération contre un repaire de l'EIIS dans le sud de Mossoul, le 26 juin. [Photo fournie par le ministère irakien de la Défense]

Cette vague de redditions en masse marque « le début de la fin de l'EIIS », a estimé pour Diyaruna l'expert en sécurité Saeed al-Jayashi.

Après la bataille pour al-Baghouz, le dernier bastion restant de l'EIIS en Syrie, par exemple, au moins 2 000 combattants du groupe et leurs familles se sont rendus aux Forces démocratiques syriennes (FDS), a-t-il ajouté.

Ces deux derniers mois, ce sont quelque 1 450 combattants de l'EIIS et leurs familles de la branche afghane du groupe, baptisée EIIS-Khorasan, qui ont déposé les armes et se sont rendus aux autorités afghanes.

Cette reddition est survenue après l'échec du groupe à fonder un proto-État, la « Wilayat Nangarhar » proche de la frontière avec le Pakistan, où les forces afghanes ont proclamé la défaite de l'EIIS le 12 novembre après une série d'opérations de sécurité.

Selon al-Jayashi, ce grand nombre de redditions d'extrémistes témoigne de « leur sentiment de frustration et des rêves brisés de leur groupe » après leur défaite, la perte de leur territoire et de leurs capacités de combat.

La mort du leader de l'EIIS Abou Bakr al-Baghdadi et de la plupart des hauts commandants du groupe « a été durement ressentie par les membres du groupe », a-t-il poursuivi. « La reddition est désormais leur dernière chance, car c'est en fin de compte la mort qui les attendrait s'ils poursuivaient le combat. »

« Désintégration » de l'EIIS

Le nombre de redditions devrait continuer à augmenter au vu de la « baisse de moral généralisé » qui affecte le groupe, a ajouté al-Jayashi.

Selon lui, les derniers éléments de l'EIIS réalisent qu'ils sont « dans l'incapacité de mettre la main sur une quelconque zone géographique en Irak ou en Syrie, et que cette ambition est désormais réduite à un improbable scénario ».

En dépit de leurs efforts pour s'implanter dans d'autres pays, les pressions exercées sur eux par les forces de sécurité les empêchent de se regrouper et d'insuffler un sang neuf dans l'organisation, a-t-il expliqué.

L'analyste de sécurité Safa al-Asam a souligné pour sa part que ces redditions montrent « la désintégration de l'édifice de l'EIIS », qui comportait des réseaux et des branches répartis dans plusieurs environnements instables.

La pression constante exercée sur l'EIIS, là où il est présent, aide à accélérer le rythme de la défaite du groupe et débouchera en fin de compte sur davantage de redditions volontaires, a-t-il expliqué.

Mais ce n'est pas la seule raison qui motive ce mouvement de reddition, a-t-il ajouté, précisant que les éléments de l'EIIS éprouvent de la rancœur vis-à-vis de leurs leaders, dont ils estiment qu'ils les ont trompés avec de faux slogans.

Al-Asam a expliqué à Diyaruna que l'EIIS a montré à chacun sa véritable nature, notamment à ceux qu'il avait trompés et manipulés, indiquant clairement qu'il ne défend pas l'islam, comme il le prétend, et n'est rien d'autre qu'un « groupe barbare ».

« Une confiance impossible à rebâtir »

« Le groupe serait dans l'impossibilité de rebâtir la confiance parmi la population civile après les crimes qu'il a commis, qui ont porté atteinte à sa crédibilité et ont montré sa véritable haine de la vie », a poursuivi al-Asam.

Cela empêche l'EIIS de « pouvoir recruter de nouveaux combattants pour compenser les pertes sévères dans ses rangs », a-t-il ajouté.

Par suite des redditions successives de membres de l'EIIS, a-t-il ajouté, le bras médiatique du groupe a évité ou minimisé l'importance des mauvaises nouvelles.

Le fait que les médias du groupe évitent, nient ou dénaturent les faits « illustre la défaite de l'EIIS à gérer sa guerre psychologique », a estimé Hashim Hassan, doyen du collège d'études des médias de l'université de Bagdad.

Dans un communiqué daté du 5 décembre, la Cellule de presse de guerre irakienne a indiqué que 73 % des informations publiées par l'agence de presse Amaq de l'EIIS en novembre comportaient des contre-vérités, et que le restant était de nature inconséquente.

Hassan a souligné que l'EIIS n'existe désormais plus que sur le papier » après l'effondrement de ses capacités combatives, financières et médiatiques.

La réalité est bien ce qui incite nombre de ses combattants à se rendre, a-t-il conclu.

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