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Terrorisme

Des charniers prouvent les crimes de l'EIIL

Par Waleed Abou al-Khair au Caire

« L'État islamique en Irak et au Levant » a fourni des vidéos montrant ses combattants jetant les corps de ses victimes dans la gorge d'al-Houta, dans la province d'al-Raqa. [Photo fournie par Mohammed al-Abdoullah]

« L'État islamique en Irak et au Levant » a fourni des vidéos montrant ses combattants jetant les corps de ses victimes dans la gorge d'al-Houta, dans la province d'al-Raqa. [Photo fournie par Mohammed al-Abdoullah]

La nouvelle de la découverte de 72 charniers contenant les restes de victimes de « l'État islamique en Irak et au Levant » en Irak et en Syrie révèle au grand jour les crimes du groupe et son manque d'égard total pour la vie, ont rapporté des témoins et des observateurs.

Les sites des charniers, documentés et cartographiés par l'Associated Press dans un rapport du 30 août grâce à des interviews exclusives, des photos et des recherches, montrent l'étendue des exécutions en masse de l'EIIL et révèle qu'il n'a pas fait grand chose pour cacher ses crimes, a indiqué l'agence de presse.

Ce rapport, le plus complet à ce jour, estime que les sites, dont 17 se trouvent en Syrie et le reste en Irak, contiennent les restes de 5 200 à 15 000 victimes, exécutées publiquement ou en secret.

Il souligne la forte probabilité que le nombre de charniers et de victimes augmentera avec la découverte d'autres sites dans des zones qui sont encore sous le contrôle du groupe.

Lors d'un entretien avec Diyaruna la semaine dernière, l'ancien militant du Bureau des médias d'al-Raqa, Majed Hassoun, a déclaré être persuadé que ces chiffres allaient augmenter lorsque d'autres sites seront découverts.

« Les nombres annoncés ne seront pas proches du véritable nombre de victimes et de tombes », a affirmé Hassoun, qui vit désormais en Turquie, indiquant qu'uniquement en Syrie, il existe des dizaines de sites de charniers suspectés où le groupe a enterré ses victimes.

Les habitants de la ville d'al-Raqa et son arrière-pays « savent que le groupe se débarrasse de ses victimes dans une gorge profonde appelée al-Houta », a-t-il déclaré.

Le groupe a lui-même publié une vidéo en 2014 montrant ses combattants jetant des corps dans la crevasse, a-t-il ajouté.

Les combattants de l'EIIL transportent les corps de leurs victimes vers des lieux inconnus, a-t-il expliqué, notant que l'on soupçonne qu'ils utilisent certaines zones aux abords d'al-Raqa comme charniers, le groupe ayant de plus en plus de difficultés à se déplacer vers des zones isolées pour se débarrasser des cadavres.

Mépris de la vie humaine

La découverte de charniers contenant les restes de victimes de l'EIIL est « une preuve supplémentaire de la brutalité du groupe terroriste, qui est le plus sanglant de l'Histoire », a affirmé Cheikh Moaz Abdoul Karim, ancien prêcheur à la mosquée al-Omar à Alep, et qui habite désormais au Caire.

Le groupe a violé la charia et les enseignements de l'Islam en permettant à ses combattants de verser le sang de cette manière, a-t-il déclaré à Diyaruna.

« L'EIIL suit un chemin contraire à l'Islam, qui interdit le meurtre, le carnage et le terrorisme, pour prêter allégeance et loyauté », a expliqué Abdoul Karim.

La découverte de ces charniers est une « preuve du besoin d'éradiquer l'EIIL aussi vite que possible pour débarrasser l'humanité, et pas seulement la région arabe, de sa brutalité et de son terrorisme », a-t-il affirmé.

D'après le rapport de l'Associated Press, a ajouté Abdoul Karim, les corps avaient été enterrés dans ces charniers à une faible profondeur.

« Autrement dit, les éléments du groupe n'ont même pas pris la peine de creuser des tombes suffisamment profondes, ce qui montre un dédain évident pour l'âme humaine, en les tuant et dans la façon dont [les corps] sont traités », a-t-il indiqué.

Ce manque de respect pour les morts est une pratique courante pour le groupe depuis sa création, a-t-il ajouté.

De plus, a-t-il ajouté, l'EIIL a utilisé des vidéos et des rapports de ces exécutions pour faire sa publicité, montrer sa domination et recruter de nouveaux soldats.

Histoire d'un survivant

En novembre 2013, des combattants de l'EIIL avaient arrêté le journaliste syrien Jihad al-Rahim dans les faubourgs d'al-Raqa et l'ont transporté, avec plusieurs autres personnes, vers un camp de prisonniers où étaient détenues des dizaines de personnes, a-t-il raconté à Diyaruna.

« La voiture a roulé pendant moins de dix minutes, et nous sommes arrivés au quartier général de l'EIIL », a-t-il déclaré.

On leur a ordonné de sortir du véhicule et de se tenir contre un mur. Après une dizaine de minutes, a-t-il relaté, un homme s'exprimant dans un dialecte irakien a commencé à leur poser des questions sur leurs noms et leurs professions, avec « un ton agressif et menaçant ».

« Lorsqu'il est arrivé à moi, je lui ai dit que je m'appelais Jihad al-Rahim, que je travaillais comme journaliste, et que je me rendais en Turquie », a poursuivi al-Rahim.

« Il a répondu d'un ton arrogant : Un journaliste qui va en Turquie ? Nous allons t'envoyer à al-Houta ».

Al-Rahim a été relâché après douze jours et s'est enfui vers la Turquie, réussissant à rejoindre l'Allemagne en 2015, où il vit désormais avec sa famille.

Poursuivre les coupables en justice

« La découverte de tombes en Syrie et en Irak est une preuve concluante de l'extrême hostilité que le groupe affiche contre quiconque s'oppose à lui ou désobéit à ses ordres », a déclaré Omar al-Jaafi, homme d'affaires irakien résidant actuellement au Caire.

De très nombreux cadavres retrouvés dans les charniers étaient des femmes et des enfants, a-t-il précisé à Diyaruna, ce qui montre les penchants criminels du groupe et sa volonté de tout faire pour asseoir sa domination.

Wael al-Sharimi, professeur de droit pénal à l'université du Caire, a souligné le besoin d'une aide internationale pour mener des tests de médecine légale sur les corps et les squelettes exhumés afin de déterminer leur identité.

Un dossier doit être établi pour chaque fosse commune mise à jour, pour documenter et enquêter sur les circonstances de chacune d'elles, a-t-il affirmé à Diyaruna, dans le but de poursuivre en justice les coupables devant les tribunaux internationaux.

« Les charniers ne sont plus exclusivement l'affaire de l'Irak ou de la Syrie, mais un problème qui touche la sécurité du monde en général », a-t-il expliqué.

« Les coupables doivent être tenus pour responsables par [les tribunaux] internationaux afin de débarrasser le monde des criminels qui ont ordonné et perpétré ces crimes », a-t-il ajouté.

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