Dans le cadre de la plus importante action militaire étrangère menée à ce jour contre le régime syrien, des responsables occidentaux ont expliqué qu'un barrage de missiles de croisière et de missiles air-sol avait frappé samedi 14 avril durant la nuit ce qu'ils indiquent être des sites liés à la production d'armes chimiques en Syrie.
Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont lancé ces frappes avant l'aube, en réponse à une attaque suspectée à l'arme chimique le 7 avril, illuminant le ciel de Damas alors que des explosions secouaient la ville.
Qualifiant l'attaque au gaz suspectée de la semaine dernière de « crimes d'un monstre », le président américain Donald Trump a annoncé cette action contre le régime du président Bachar el-Assad dans un discours prononcé depuis la Maison-Blanche.
Viser les infrastructures des armes chimiques
Ces cibles comportaient un centre de recherche scientifique près de Damas, une installation de stockage d'armes chimiques à l'ouest de la ville de Homs, et un troisième lieu situé également près de Homs qui abritait à la fois un poste de commandement et un centre de stockage de matériels servant à la fabrication d'armes chimiques, a précisé l'armée américaine.
Les médias d'État syrien ont indiqué que trois personnes seulement avaient été blessées, tandis que le ministère russe de la Défense a affirmé pour sa part qu'« aucune victime » n'était à déplorer parmi les civils et le personnel militaire syriens.
Le général américain Joe Dunford, chef d'État-Major des armées des États-Unis, a indiqué qu'aucune autre opération n'était à ce stade prévue, et a affirmé qu'ils avaient tout mis en œuvre pour éviter de toucher des équipements militaires de la Russie, alliée du régime d'el-Assad.
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme a précisé que les « centres de recherche scientifique » et « plusieurs bases militaires » touchés lors de ces frappes avaient été « totalement évacués ».
L'agence de presse officielle syrienne SANA a expliqué que plusieurs missiles avaient frappé un centre de recherche à Barzeh, au nord de Damas, « détruisant un bâtiment qui abritait des laboratoires scientifiques et un centre de formation ».
La France a pour sa part indiqué que ces frappes combinées avaient détruit « une grande partie » du stock d'armes chimiques de Damas.
Des « moyens navals et aériens » américains, français et britanniques ont pris part à cette opération, dont le secrétaire américain à la Défense James Mattis a dit qu'ils avaient employés plus du double des munitions utilisées lors des frappes américaines en Syrie l'an dernier, lors desquelles avaient été tirés 59 missiles Tomahawk.
La ministre britannique de la Défense a précisé que quatre avions Tornado avaient tiré des missiles Storm Shadow sur la base située à l'ouest de Homs.
La France a pour sa part indiqué qu'elle avait tiré trois missiles de croisière depuis ses frégates en Méditerranée et neuf depuis ses chasseurs Rafale déployés depuis le territoire français.
Les États-Unis auraient utilisé des bombardiers B-1 lors de ces frappes, mais l'armée américaine a refusé de fournir plus de détails.
L'armée russe a quant à elle déclaré que les alliés avaient tiré au total 103 missiles de croisière, mais que les systèmes syriens de défense aérienne avaient réussi à en intercepter 71.
« Renseignements solides »
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré samedi que la France disposait de « renseignements solides » selon lesquels le régime syrien était à l'origine de l'attaque au gaz contre la ville de Douma, tenue par l'opposition, la semaine dernière, dont les observateurs indiquent qu'elle a fait plus de 40 victimes.
« Les analyses sont encore en cours [...] mais elles nous permettront d'identifier tous ces gaz. Il y avait du chlore, cela est certain », et les premiers éléments indiquent également la présence d'autres gaz, a-t-il ajouté.
Mais bien que la France a pu déterminer que des officiers de haut rang au sein de l'armée syrienne ont donné l'ordre de cette attaque, Le Drian a déclaré qu'il ne pouvait affirmer avec certitude qu'el-Assad lui-même en avait donné l'ordre.
Il a toutefois mis en garde sur le fait que la France n'hésitera pas à frapper une nouvelle fois la Syrie en cas de nouvelle attaque chimique.
« Sur la question des armes chimiques, il existe une ligne rouge qui ne doit pas être franchie, et si cette ligne est franchie une nouvelle fois, il y aura une nouvelle intervention », a poursuivi Le Drian.
« Mais je pense que la leçon a été apprise. »
« Il convient de s'assurer qu'il n'existe aucune prolifération des armes chimiques », a-t-il ajouté. « Le but n'était pas de frapper les alliés du régime, ni même de frapper le fonctionnement institutionnel du régime syrien. »
Le Drian a également indiqué que pour l'heure, le président Emmanuel Macron envisageait encore de se rendre en Russie pour s'entretenir avec le président Vladimir Poutine en mai, tout en demandant à Moscou d'œuvrer de manière constructive à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité sur la Syrie.
« Nous devons continuer à parler avec la Russie, et la Russie doit réaliser qu'elle a voté en faveur des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (sur la Syrie), et que ces résolutions doivent être appliquées aujourd'hui, et ne pas être annulées par la barbarie de Bachar el-Assad », a-t-il souligné.
Réactions internationales
Le Qatar a été le premier pays du Golfe à réagir. Un communiqué de l'agence de presse officielle a fait part du soutien à ces frappes visant à mettre un terme aux attaques du régime syrien contre les civils.
Samedi, l'Arabie saoudite a apporté son plein soutien aux frappes, déclarant qu'elles étaient une réponse aux « crimes commis par le régime » contre des civils, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg s'est dit favorable à ces frappes dans un communiqué, indiquant qu'elles « réduiront la capacité du régime à s'en prendre davantage au peuple syrien avec des armes chimiques ».
« Nous saluons cette opération qui a soulagé la conscience de l'humanité face à cette attaque à Douma », a affirmé pour sa part le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué. Il a accusé Damas de « crimes contre l'humanité ».
Le président du Conseil européen Donald Tusk a déclaré sur Twitter que l'Union européenne saluait ces frappes et « se tiendra avec ses alliés, du côté de la justice ».
La chancelière allemande Angela Merkel a qualifié ces frappes « d'intervention militaire nécessaire et appropriée ».
La République tchèque, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et l'Espagne ont défendu ces frappes, indiquant qu'elles étaient justifiées par la preuve d'une attaque chimique.
Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a demandé à « tous les États membres de faire preuve de retenue dans ces circonstances dangereuses, et d'éviter tout acte qui pourrait entraîner une escalade de la situation et risquerait d'aggraver les souffrances du peuple syrien ».
Les Syriens saluent ces frappes
Les Syriens habitant dans la campagne de Damas qu'a rencontrés Diyaruna ont salué ces frappes, affirmant qu'ils les avaient attendues « avec impatience ».
Le Dr Hanan Ibrahim, actuellement stationnée à Douma, a déclaré à Diyaruna que c'était la première fois qu'elle se sentait « heureuse » d'entendre le bruit de frappes aériennes.
« Ces frappes étaient attendues avec impatience par la plupart des Syriens, car le régime s'appuie sur ses capacités aériennes, grâce auxquelles il procède à des bombardements avec des matières interdites internationalement comme un outil de pression sur les civils et les combattants de l'opposition, pour les obliger à arrêter les combats ou pour les déplacer vers d'autres régions, comme cela s'est passé dans la Ghouta orientale », a-t-elle déclaré.
« Les Syriens de la campagne de Damas attendaient un grand moment ce soir », a expliqué le militant local Bahaa al-Sahli.
« Ils ont vu de leurs propres yeux les explosions sur les bases du régime qui avaient été utilisées récemment pour prendre la vie de plusieurs de leurs proches et de leurs amis », a-t-il ajouté.
« Ces frappes inhiberont grandement le comportement criminel du régime », a affirmé Saleh al-Afisi, officier de l'Armée syrienne libre (ASL) dans la campagne d'Alep.
Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunira samedi à la demande de la Russie pour parler de ces dernières frappes. Le secrétaire général Guterres s'adressera au conseil lors de la réunion publique prévue à 11 heures, a indiqué un responsable des Nations unies.
Pour leur part, les experts de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) poursuivent leur mission d'enquête sur l'attaque présumée au gaz à Douma, malgré les frappes occidentales en Syrie, a indiqué l'organisation samedi.
L'OIAC « travaille en étroite collaboration » avec les experts onusiens « pour évaluer la situation et assurer la sécurité de l'équipe », a précisé l'organisation.
Seuls les traîtres et les agents sont les bienvenus, tandis que les gens honnêtes sont rejetés. Ceux qui acceptent qu'un pays arabe soit frappé par un étranger n'ont aucun honneur.
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