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Économie

L’Irak réfléchit à un plan de réformes pour sauver son économie

Khalid al-Taie

Les ministres irakiens se sont réunis le 9 juin pour parler des réformes visant à sortir le pays de la crise économique . [Photo fournie par le gouvernement irakien]

Les ministres irakiens se sont réunis le 9 juin pour parler des réformes visant à sortir le pays de la crise économique . [Photo fournie par le gouvernement irakien]

Le gouvernement irakien lutte contre la crise économique au travers d’une politique d’austérité couplée à de profondes réformes portant sur sa dépendance aux revenus du pétrole, ont indiqué des responsables gouvernementaux et des économistes.

Ces réformes avancent sur deux axes, a annoncé le 9 juin Hashem Dawood, conseiller auprès du Premier ministre Moustafa Kadhemi.

Elles supposent d’une part de « réorganiser les priorités de dépenses publiques » et d’autre part de « revitaliser le marché irakien, renforcer la part du secteur privé et encourager l’investissement afin de créer de nouvelles offres d’emploi », a-t-il ajouté.

Deuxième plus important producteur de pétrole brut de l’OPEP, l’Irak dépend de ses exportations de pétrole pour financer plus de 90 % de son budget, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux fortes variations des cours, a rapporté l’AFP.

La Compagnie générale des industries textiles et de la maroquinerie a participé au salon « Made in Iraq » lors de la Foire internationale de Bagdad le 3 mars 2019. [Photo fournie par le ministère irakien du Commerce]

La Compagnie générale des industries textiles et de la maroquinerie a participé au salon « Made in Iraq » lors de la Foire internationale de Bagdad le 3 mars 2019. [Photo fournie par le ministère irakien du Commerce]

En mai, il n’a ainsi pu qu’engranger un peu plus de 2 milliards de dollars, soit moins d’un tiers de ce dont il a besoin pour assurer le fonctionnement de l’État, selon les chiffres du ministère du Pétrole et de plusieurs institutions multilatérales.

Face à cet énorme manque à gagner, le nouveau gouvernement propose une série de réformes budgétaires, notamment la réduction des traitements des fonctionnaires de l’État.

« Ces réformes sont inévitables », a déclaré le ministre des Finances Ali Allawi à l’AFP.

« Si nous ne changeons pas cette situation durant l’année qui vient, nous serons confrontés à des chocs auxquels nous ne pourrons plus remédier. »

Adoption d’une politique d’austérité

Le gouvernement réduit ses dépenses en adoptant une politique d’austérité, notamment une réduction de 10 % des salaires des hauts fonctionnaires de la fonction publique, a expliqué le député irakien Ahmad Hama Rasheed, membre de la commission des finances du parlement.

« Les salaires nominaux et les prestations versés à tous les autres fonctionnaires du secteur public seront maintenus aux niveaux stipulés par la Loi n° 22 de 2008 relatives aux traitements des fonctionnaires de l’État et des employés du secteur public », a-t-il précisé à Diyaruna.

Mais même ainsi, a-t-il poursuivi, la nouvelle grille des salaires dans le secteur public, qui coûte au Trésor public quelque 5 milliards de dollars par mois, ne suffira pas à compenser les 11 milliards de dollars de pertes qu’a enregistré l’Irak par suite du déclin des revenus des ventes de pétrole au cours des quatre premiers mois de l’année.

L’Irak a besoin de réformes économiques profondes, a-t-il souligné, précisant qu’une solution impliquera plus qu’une simple réduction des dépenses ou un emprunt national ou étranger, qui « ne fera qu’accroître la charge sur les épaules des ressources de l'État ».

Une plus grande attention doit être portée sur la manière de « lutter contre la corruption, qui n’est pas moins dangereuse que le terrorisme, et diversifier les sources de revenus pour financer le Trésor à partir de sources autres que les seules ventes de pétrole », a-t-il ajouté.

« L’emprunt n’est pas une solution »

« L’Irak est actuellement endetté auprès de 22 pays et institutions internationales », a rappelé l’économiste Saleh al-Hammash à Diyaruna, soulignant que l’endettement national s’établit à 132 milliards de dollars.

L’emprunt n’est pas une solution mais plutôt un problème en soi, a-t-il expliqué.

Des négociations sont en cours avec les créanciers pour différer les remboursements, et certains pays font preuve de compréhension face aux difficultés économiques qui secouent le monde entier par suite de la pandémie de COVID-19, a-t-il ajouté.

Au vu de la dégringolade continue des cours du pétrole, dont les observateurs s’accordent à penser qu’ils devraient rester aux alentours de 40 dollars le baril jusqu’à la fin de l’année, des réformes économiques sont la voie « la plus réaliste » à suivre, a déclaré al-Hammash.

Il a présenté ces réformes comme une série d’étapes « essentielles pour soulager la crise », notamment l’optimisation des recettes de l’État dans les secteurs productifs (agriculture, industrie, investissement) et le secteur privé.

De plus, a-t-il poursuivi, des mesures urgentes permettant de « surveiller les ventes de pétrole, lutter contre la contrebande et contrôler les postes-frontière » doivent être mises en place.

Ceux qui ont détourné des fonds publics doivent être tenus pour responsables et les sommes ainsi passées en contrebande à l’étranger doivent être récupérées, a ajouté al-Hammash.

Éradiquer la corruption

Le gouvernement explique avoir « hérité un lourd passif de crises » qui ont épuisé l’économie depuis des années, a expliqué à Diyaruna Abdoul Rahman al-Mashhadani, professeur d’économie à l’Université al-Iraqiya.

La bataille visant à chasser « l’État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) hors d’Irak a à lui seul coûté 100 milliards de dollars au Trésor, a-t-il précisé.

Mais la crise actuelle reste moins sévère que celle de 2015, lorsque les cours du pétrole s’étaient effondrés à des niveaux records, a-t-il indiqué.

À l’époque, grâce au plan d’austérité qu’il avait adopté, le gouvernement avait pu réduire de moitié les dépenses publiques, les faisant passer de 110 billions de dinars (92 milliards USD) à 55 billions de dinars (66 milliards USD) à taux de change constant.

« Il est possible de surmonter à nouveau cette crise grâce à des moyens traditionnels avérés, comme la réduction des dépenses opérationnelles et d’investissement, l’emprunt auprès de la Banque centrale irakienne et auprès d’institutions de crédit étrangères », a ajouté al-Mashhadani.

« Mais si nous souhaitons des réformes radicales et non des réformes provisoires qui tablent sur une hausse des cours, nous devons dès à présent chercher à élaborer des stratégies de développement à plusieurs volets qui ne se confinent pas à un seul secteur économique », a-t-il indiqué.

Il a également appelé le gouvernement à éradiquer la corruption en mettant en œuvre des mesures plus strictes de suivi des fonds publics.

Le plan du gouvernement de lutte contre la crise a pour ambition de renflouer le Trésor en « accroissant les revenus tirés des passages transfrontaliers,des biens fonciers de l’État et des secteurs non pétroliers », a expliqué à Diyaruna l’économiste Salama Smeisim.

Il vise à réduire les importations pour soulager la pression sur la balance commerciale, a-t-elle précisé, ainsi qu’à « redynamiser l’ensemble des secteurs économiques et revoir les dépenses sur les concessions, les prestations sociales, les nominations gouvernementales et d’autres secteurs ».

En dépit des défis qui attendent l’Irak, Smeisim s’est dite confiante dans le fait que l’économie irakienne pourra résister à la crise actuelle et se rétablir, grâce à une bonne planification et une parfaite gestion des ressources.

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2 COMMENTAIRE (S)
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Le terrorisme, qui est principalement un terrorisme parrainé par l’État et qui offre un refuge à de grands terroristes, doit être éliminé. Tous ceux qui se sont permis d'être tirés par des agendas régionales et étrangères doivent être punis.

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Oui.

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