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La machine médiatique de l'EIIS en plein chaos après les défaites successives

Khalid al-Taie

Le 11 avril, les forces irakiennes montrent des appareils de communication et des documents trouvés à l'intérieur d'un repaire de l'EIIS dans la province de Diyala, que le groupe utilisait comme quartier général pour son magazine al-Naba. [Photo fournie par les services irakiens du contre-terrorisme]

Le 11 avril, les forces irakiennes montrent des appareils de communication et des documents trouvés à l'intérieur d'un repaire de l'EIIS dans la province de Diyala, que le groupe utilisait comme quartier général pour son magazine al-Naba. [Photo fournie par les services irakiens du contre-terrorisme]

La machine médiatique de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) est désormais en manque de direction et doit faire face à de profondes incohérences dans ses messages au lendemain des défaites du groupe en Irak et en Syrie.

Ces incohérences sont devenues particulièrement apparentes à la suite de la mort du leader de l'EIIS Abou Bakr al-Baghdadi, le 27 octobre.

Le changement significatif de ton entre deux articles postés par le média semi-officiel de l'EIIS-Khorasan « Mouhammad ben Qasim » le 27 octobre et le 31 octobre, lorsque l'EIIS a reconnu la mort de son chef, suggère que le groupe connaît de grandes difficultés dans ses campagnes de diffusion.

EIIS-K est la branche du groupe en Afghanistan et au Pakistan.

Capture d'écran d'une ancienne vidéo publiée par l'EIIS. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Capture d'écran d'une ancienne vidéo publiée par l'EIIS. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

« Mensonges des infidèles et œuvre de Satan ! » fut la réaction de « Mouhammad ben Qasim » à l'annonce par les autorités américaines de la mort d'al-Baghdadi.

« Aujourd'hui, les infidèles propagent la nouvelle que le calife des musulmans Abou Bakr al-Baghdadi aurait été tué par un bombardement américain. De telles nouvelles ont été entendues à maintes reprises de la part de ces personnes corrompues et malhonnêtes, et cela continuera », avait poursuivi cet article.

« Selon nos informations, un groupe de Hurras al-Din a été bombardé à Idlib », pas al-Baghdadi, avait-il continué, en référence à un autre groupe activiste en Syrie lié à al-Qaïda.

« Notre bien-aimé Abou Bakr Al-Baghdadi continue d'envoyer ses ordres aux moudjahidines du monde entier », avait-il ajouté.

Pour leur part, les médias officiels de l'EIIS étaient restés silencieux à l'annonce de la mort de leur leader, laissant imaginer un manque de communication et de coordination entre l'EIIS « central » et son affilié EIIS-K.

Quelques jours plus tard, le 31 octobre, lorsque l'agence officielle de l'EIIS al-Furqan publia un message reconnaissant la mort d'al-Baghdadi et désignant son successeur en la personne d'Abou Ibrahim al-Hashemi al-Qurashi, la tonalité de « Mouhammad ben Qasim » changea.

« Notre combat, notre sang, notre soif et notre faim ne sont pas pour Abou Bakr al-Baghdadi, mais pour le salut de Dieu », déclara le magazine.

« Le mouvement avance, et chacun est mis à l'essai », a-t-il poursuivi.

Incapable de faire repartir la machine médiatique

Une partie du problème pour l'EIIS-K est que ses organes non officiels ne respectent pas les règles médiatiques de l'EIIS, en revendiquant des actes terroristes que l'EIIS « central » n'a pas encore revendiqués.

Les difficultés actuelles que connaît le groupe surviennent quelques jours seulement après que de récentes discussions consacrées aux groupes pro-EIIS-K sur Telegram eurent révélé les profondes divisions entre les membres de l'EIIS-K sur qui ils considèrent comme infidèles.

Le manque de coordination entre les différentes branches du groupe et les plateformes de médias sociaux indiquent que les problèmes que rencontre aujourd'hui la machine médiatique de l'EIIS ne sont pas récents, expliquent les experts.

« L'EIIS connaît aujourd'hui une multitude de problèmes qui l'empêchent de relancer sa machine médiatique », a expliqué Raad Jassim al-Kaabi, professeur des médias à l'université de Bagdad.

C'est notamment le manque de contenus attractifs et persuasifs « parce que le groupe n'a plus la capacité à mener des opérations de grande envergure qui vaillent la peine d'être racontées », a-t-il expliqué à Diyaruna.

De plus, une production médiatique de masse nécessite d'énormes ressources financières que l'EIIS ne possède plus, car il a perdu la majorité de ses sources de revenu, a-t-il ajouté.

Un autre problème pour la production médiatique de l'EIIS est la pénurie de spécialistes des médias et le resserrement des restrictions sur les comptes dans les médias sociaux et les plateformes qui favorisaient la diffusion des contenus extrémistes.

L'EIIS éprouve des difficultés à toucher son public cible, a expliqué al-Kaabi, car le groupe a « perdu la confiance des gens, en particulier de ceux qui vivaient sous son joug et avaient fait l'expérience directe du terrorisme et du bain de sang ».

« Il est impossible pour l'EIIS de convaincre ces gens ou de restaurer son image à leurs yeux parce qu'ils connaissent maintenant fort bien la vérité sur le groupe », a-t-il poursuivi.

Les utilisateurs des médias sociaux signalent les comptes de l'EIIS

« Les médias de l'EIIS sont désormais cliniquement morts en dépit des tentatives répétées du groupe de leur insuffler un peu de vie », a estimé l'expert des renseignements Fadel Abou Ragheef.

Le groupe doit maintenant se contenter de publier de brefs communiqués et des nouvelles rapides sur ses attaques terroristes limitées, a-t-il indiqué.

Les comptes de médias sociaux liés à l'EIIS ont également recours à la publication de vieux matériaux, notamment de vidéos qui datent du temps où le groupe contrôlait plusieurs villes en Irak et en Syrie, a ajouté Abou Ragheef.

Le groupe est en plein désarroi et souffre de désorganisation dans la gestion de ses médias, « comme le montre le manque de coordination et de contrôle sur le type et la qualité des vidéos et d'autres publications diffusées via des comptes affiliés à l'EIIS », a-t-il poursuivi.

L'analyste militaire irakien Safaa al-Aasam a décrit les contenus diffusés actuellement par l'EIIS comme « défaillants » et loin d'avoir un impact.

L'un des signes en est le signalement de plus en plus fréquent par des internautes de fausses pages et de faux comptes qui font l'apologie de l'EIIS sur les médias sociaux, a-t-il ajouté pour Diyaruna.

Al-Aasam a souligné l'importance d'un « maintien de la pression sur le groupe en limitant ses plateformes et en suspendant les sites et les comptes qui lui sont affiliés ».

« En parallèle à cette pression, l'effort militaire et de renseignement mené contre l'EIIS doit se poursuivre, ainsi que les efforts visant à tarir ses sources de revenu financiers », a-t-il conclu.

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