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Terrorisme

Les extrémistes contrarient les efforts humanitaires dans le nord-ouest de la Syrie

AFP

Des membres de la défense civile syrienne, les « Casques blancs », fouillent le 24 avril les décombres d'un bâtiment effondré après une explosion dans la ville de Jisr al-Shughur, dans l'ouest de la province d'Idlib. [Omar Haj Kadour/AFP]

Des membres de la défense civile syrienne, les « Casques blancs », fouillent le 24 avril les décombres d'un bâtiment effondré après une explosion dans la ville de Jisr al-Shughur, dans l'ouest de la province d'Idlib. [Omar Haj Kadour/AFP]

Menaces, ingérences et risques pesant sur la fourniture d'aide – les humanitaires expliquent que les extrémistes ajoutent aux graves problèmes qu'ils rencontrent dans le nord-ouest de la Syrie, où un cessez-le-feu bien fragile est en danger.

La région d'Idlib, contrôlée par l'alliance Tahrir al-Sham, est l'une des dernières parties du pays que le président Bachar el-Assad doit encore reprendre.

Sur les trois millions de personnes qui y habitent, près de 2,7 millions ont besoin d'aide humanitaire, selon les Nations unies.

La plupart dépendent fortement de l'aide alimentaire, en médicaments et autre apportée de Turquie par les Nations unies et par des associations caritatives.

Le 10 janvier, des enfants portent des couvertures et des matelas offerts par des organisations d'aide d'urgence dans un camp de réfugiés improvisé près de la ville d'Atme proche de la frontière turque, dans la province syrienne d'Idlib. [Aref Watad/AFP]

Le 10 janvier, des enfants portent des couvertures et des matelas offerts par des organisations d'aide d'urgence dans un camp de réfugiés improvisé près de la ville d'Atme proche de la frontière turque, dans la province syrienne d'Idlib. [Aref Watad/AFP]

Mais les efforts déployés par les « autorités de fait » à Idlib « pour entraver, empêcher ou bloquer la fourniture de cette assistance humanitaire, notamment en compromettant la sécurité de ces travailleurs humanitaires, sont une triste réalité », a expliqué Rachel Sider, membre du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).

Tahrir al-Sham et son aile civile, le « gouvernement de salut » autoproclamé, ont fermement assis leur contrôle sur la province au début de l'année.

« L'ingérence s'est renforcée depuis janvier », a expliqué un humanitaire qui a demandé à conserver l'anonymat par crainte de représailles.

« Pas une seule organisation humanitaire n'a été épargnée par les menaces, les arrestations ou les fermetures sous des prétextes futiles », a-t-il poursuivi, alors que cela fait maintenant un mois qu'Idlib est pris sous les bombardements intenses du régime et de son allié russe.

En avril , les extrémistes ont menacé de l'arrêter après qu'il eut refusé de leur remettre les paniers alimentaires que son équipe distribuait dans un camp de déplacés dans le sud de la province, a-t-il raconté.

« Ils m'ont dit que je devais leur distribuer cette aide parce qu'ils étaient des moudjahidines », a expliqué cet homme de 27 ans.

Il a poursuivi en expliquant que Hayat Tahrir al-Cham l'avait également retenu pendant quatre jours il y a sept mois dans la ville d'Idlib pour avoir photographié des livraisons d'aide sans son autorisation.

Des activistes l'ont frappé, ont confisqué son ordinateur portable et ont détruit son appareil photo, a-t-il raconté.

« Ils m'ont dit de remercier Dieu que j'ai pu m'en sortir vivant. »

« Ingérence »

Paul Donohoe, membre de l'International Rescue Commitee, a pour sa part expliqué que « les groupes humanitaires sont confrontés à l'ingérence des groupes armés à Idlib, comme les restrictions d'accès aux populations vulnérables, les tentatives d'influence du choix des bénéficiaires et le lieu de remise de cette aide ».

Il a refusé de fournir plus de détails, mais un autre humanitaire d'Idlib, qui a également demandé à conserver l'anonymat, a indiqué que des agences humanitaires internationales avaient ces derniers mois abandonné plusieurs projets en raison de ces ingérences.

Ainsi un projet visant à fournir de la farine gratuite aux boulangeries d'Idlib a-t-il été abandonné après que le gouvernement de salut eut insisté pour limiter les bénéficiaires aux boulangeries qui lui sont affiliées, a expliqué ce jeune homme de 29 ans.

« Nos activités en tant qu'organisation sont désormais très limitées depuis que cela nous est arrivé », a-t-il ajouté.

L'organisme dirigeant tente également de s'assurer que ses affiliés comptent au nombre des bénéficiaires des appels d'offres des agences humanitaires, qui tentent d'y échapper en ayant recours à un processus de sélection, a-t-il poursuivi.

« Elles veulent une part de tous les projets mis en œuvre dans la région », a-t-il ajouté.

Ces tentatives ont fait naître des inquiétudes que les aides humanitaires et les aides financières puissent tomber dans de mauvaises mains.

Pour Sider, du NRC : « Dans un tel environnement, les agences humanitaires ne peuvent totalement exclure le risque de détournement, et nous souhaiterions que les donateurs en aient bien conscience. »

Les Nations unies ont expliqué prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les détournements.

Ces mesures incluent « un filtrage supplémentaire de la part des partenaires,des fournisseurs et même des travailleurs et du personnel humanitaires et des tiers, y compris l'emploi des technologies modernes, les codes barres, la mise en place de lignes directes, pour pouvoir être sûrs que cette aide parvient aux bonnes personnes », a expliqué à l'AFP le coordinateur régional des Nations unies pour la Syrie, Panos Moumtzis.

« La pression ne fait que s'accroître »

Aucune forte diminution de l'assistance humanitaire n'a encore été enregistrée, mais certains donateurs ont d'ores et déjà réduit leur financement, a précisé Ahmed Mahmoud, le directeur en Syrie de l'organisation caritative Islamic Relief.

« À ce jour, cinq grands hôpitaux ont dû fermer entièrement et sept autres centres médicaux, dont des hôpitaux spécialisés en pédiatrie et en obstétrique, ont drastiquement réduit leurs opérations en raison de coupes budgétaires », a-t-il précisé.

Bien qu'il puisse également y avoir d'autres raisons, « certains donateurs peuvent s'inquiéter des changements de contrôle dans le nord-ouest de la Syrie, ce qui peut impacter leurs décisions de financement ».

« Alors que les installations ferment les unes après les autres, la pression ne fait que s'accroître sur celles qui restent », a-t-il poursuivi.

Pour sa part, le gouvernement de salut nie mettre en danger les efforts humanitaires.

Un responsable de ce gouvernement de salut en charge de la coordination de l'aide, qui s'est fait appeler le Dr Jihad, a expliqué que l'administration « tentait d'organiser le travail (humanitaire) » en renforçant la coopération avec les agences humanitaires et en facilitant les livraisons de cette aide.

« Plus nous partageons la responsabilité et la prise de décision et plus nous coordonnons notre travail, meilleurs sont les résultats », a-t-il affirmé à l'AFP.

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