Tahrir al-Sham gagne de l'argent sur les vies des civils désireux de quitter la région syrienne d'Idlib, en supervisant leur passage à la frontière, en collectant de l'argent à la fois sur ceux qui souhaitent s'enfuir et sur les passeurs, ont expliqué des activistes locaux.
Ce groupe, une alliance extrémiste dominée par d'anciens membres du Front al-Nosra (FAN) lié à al-Qaïda, engrange au moins 250 000 dollars par mois du fait de ses opérations de contrebande, ont-ils indiqué.
Les passeurs qui font entrer des civils en Turquie sont désormais bien connus dans la ville d'Idlib et dans les villages et les localités alentour, a expliqué à Diyaruna l'activiste local Haisam al-Idlibi.
Ces intermédiaires rassemblent les personnes qui souhaitent franchir la frontière et les remettent à un groupe qui les emmène aux confins de la province d'Idlib, où il collecte leur argent. Une personne porte alors cet argent au poste-frontière de Tahrir al-Sham pour payer la somme demandée, a expliqué al-Idlibi.
Ce bureau à la frontière demande « entre 50 et 100 dollars par personne », a-t-il poursuivi, soulignant que le chef de ce réseau de passeurs est souvent un membre de Tahrir al-Sham ou quelqu'un qui entretient des relations étroites avec l'un des émirs du groupe.
« En d'autres termes, tout est entièrement contrôlé et supervisé par Tahrir al-Sham, en particulier la sécurisation de l'itinéraire en territoire syrien et la fourniture [à ces civils passés clandestinement] d'un toit et de nourriture dans des maisons proches de la frontière jusqu'au moment opportun pour passer », a-t-il ajouté.
Tahrir al-Sham a mis en place trois postes de contrôle fixes sur les principales routes de contrebande, les postes-frontière d'al-Dorriyeh, d'al-Zawf et d'al-Allani, a-t-il précisé.
« Quiconque tente de mener des opérations de contrebande sans en informer Tahrir al-Sham est contraint d'utiliser un autre itinéraire qui prend six heures, et s'il se fait prendre, il doit alors s'acquitter d'une amende de 10 000 dollars », a continué al-Idlibi, ajoutant que ces contrebandiers abandonnent en général les civils à la frontière et s'enfuient.
À la recherche d'une vie meilleure
Mohammed al-Beik, un activiste syrien qui a habité quelque temps en Turquie avant de revenir en Syrie, a expliqué avoir rencontré de nombreux Syriens qui avaient pu s'enfuir d'Idlib et entrer clandestinement en Turquie.
« La plupart d'entre eux sont à la recherche d'une vie meilleure, et ne s'installent pas en Turquie mais rêvent plutôt de continuer leur périple vers l'Europe et d'y chercher asile », a-t-il indiqué à Diyaruna.
Al-Beik a indiqué que les personnes qu'il avait rencontrées lui avaient dit que cette taxe de passage est comprise entre 400 et 1 500 dollars, sans compter les frais payés pour loger à proximité de la frontière et pour les postes frontaliers de Tahrir al-Sham.
Les passeurs obligent également ces personnes à payer une taxe plus élevée pour un passage « garanti », a-t-il poursuivi.
Ceux entrés ainsi en Turquie ont confirmé que Tahrir al-Sham applique une taxe supplémentaire pour chaque jeune fille ou chaque femme désireuse de passer sans être accompagnée par un mahram (un tuteur). Le groupe désigne alors un homme pour faire office de mahram, a indiqué al-Beik.
En multipliant le nombre de personnes désireuses de s'enfuir par le montant des sommes dont elles doivent s'acquitter à Tahrir al-Sham, al-Beik a estimé que le groupe retire plus de 250 000 dollars par mois de ses opérations de contrebande.
Outre les taxes que le groupe prélève sur les civils, il retient également une partie des sommes prélevées par les contrebandiers, a-t-il indiqué.
Près de 2 000 personnes sont impliquées dans ces opérations de contrebande, notamment les passeurs, les assistants, les contrebandiers, les membres de Tahrir al-Sham et certains civils qui assurent la logistique en prélevant une taxe sur les lieux de repos où les groupes attendent de pouvoir franchir la frontière, a ajouté al-Beik.
« Les ressources financières de Tahrir al-Sham se sont considérablement réduites ces derniers mois, et le groupe a donc commencé à chercher de nouvelles sources de revenus », a expliqué le journaliste syrien Mohammed al-Abdoullah à Diyaruna.
Le groupe exerce un monopole sur l'essence et beaucoup d'autres marchandises, dont il augmente en permanence les prix en plus de collecter les taxes et l'argent de la zakat, a-t-il poursuivi.
« Le groupe a officiellement ajouté à ses sources de revenus la contrebande des civils qui souhaitent quitter la région d'Idlib à cause de la situation sécuritaire et économique », a-t-il expliqué, ajoutant pour conclure que le trafic de civils ne se limite pas au franchissement de la frontière avec la Turquie, mais concerne également les zones contrôlées par le régime.