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Terrorisme

L’EIIS reconnaît des opérations de contrebande d’artefacts lorsqu’il régnait sur Mossoul

Khalid al-Taie

Une délégation officielle française s’était rendue au musée de Mossoul en 2019 pour examiner les destructions causées par l’EIIS. [Photo fournie par l’Inspection du patrimoine et des antiquités de Ninive]

Une délégation officielle française s’était rendue au musée de Mossoul en 2019 pour examiner les destructions causées par l’EIIS. [Photo fournie par l’Inspection du patrimoine et des antiquités de Ninive]

Lorsqu’il régnait sur Mossoul, « l’État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) avait déclaré que les artefacts et les statues antiques étaient avant tout des « idoles » et que par « devoir religieux », ils devaient être détruits.

Or, il apparaît aujourd’hui que les éléments de l’EIIS avaient en réalité volé et vendu ces biens archéologiques, qui leur assuraient un flux constant des revenus. Cela montre une fois encore l’hypocrisie du groupe et la fausse image qu’il s’efforçait de projeter, ont expliqué des spécialistes à Diyaruna.

L’EIIS avait également procédé à des fouilles systématiques à la recherche de richesses archéologiques dans des sites historiques qui étaient passés sous leur contrôle.

Plus de 1 700 sites archéologiques et religieux de Mossoul étaient passés sous le contrôle du groupe entre 2014 et 2017, dont la plupart avaient été pillés et vandalisés.

Le site archéologique du Palais de Sennachérib, dans la province de Ninive, a été vandalisé par des éléments de l’EIIS en 2015. [Photo fournie par la Direction générale irakienne du patrimoine et des antiquités]

Le site archéologique du Palais de Sennachérib, dans la province de Ninive, a été vandalisé par des éléments de l’EIIS en 2015. [Photo fournie par la Direction générale irakienne du patrimoine et des antiquités]

Zaid Ghazi Saadallah, directeur du musée de Mossoul, a expliqué à Diyaruna qu’après la libération de la ville, des recherches intensives et des opérations de sauvetage avaient été conduites par le musée pour évaluer les pillages ou les artefacts endommagés.

Ces recherches avaient montré que le groupe tirait de ces artefacts volés une source essentielle de revenus, et avaient considéré que la destruction des grands artefacts du musée, montrée à grand renfort de films de propagande, « n’était en fait rien de plus qu’une couverture de ces pillages », a-t-il ajouté à Diyaruna.

Vols systématiques

Les analyses de données effectuées sur les pièces détruites dans le musée, ainsi qu'un examen des documents répertoriant les contenus du musée avant l’invasion de l’EIIS « ont révélé la disparition de pièces rares, d’une valeur inestimable », a indiqué Saadallah.

Cela signifie qu’elles avaient été systématiquement volées. L’EIIS volait ces artefacts sur les sites archéologiques dont il s’était emparé et faisait ensuite exploser ou recouvrait ces derniers au bulldozer pour dissimuler toute trace de vol, a-t-il poursuivi.

Selon Saadallah, c’est ce qui s’était passé sur le site du tombeau de Tell Nabi Yunus (le prophète Jonas) et de Tell Quwainjaq, où se trouve le palais du roi assyrien Sennachérib, et la cité historique de Nimrod.

Mais il n’existe pas de chiffre précis du nombre d’artefacts qui ont été pillés et vendus à l’étranger, car certains n’avaient pas été officiellement enregistrés dans les archives du musée.

Les antiquités portant le sceau du musée peuvent être facilement revendiquées et récupérées partout dans le monde, mais le problème est pour celles extraites de manière aléatoire et trafiquées, et qui sont difficiles à identifier, a continué Saadallah.

« Le ministère de la Culture et l’Autorité publique des antiquités et du patrimoine travaillent avec quelques autres agences gouvernementales irakiennes et non irakiennes, ainsi qu’avec Interpol, pour tenter de suivre les biens archéologiques irakiens », a-t-il expliqué.

Selon un rapport du Conseil judiciaire suprême irakien publié le 4 octobre citant l’UNESCO, l’EIIS aurait gagné plus de 36 millions de dollars grâce au trafic des artefacts de Mossoul et de leur vente sur le marché mondial par le biais d’intermédiaires.

Destruction massive

Ahmed Qassim, expert en archéologie à l'université de Mossoul, a expliqué que les opérations de l’EIIS consistant à voler et à passer en contrebande ces antiquités s’étaient déroulées dans un cadre organisé.

« Lorsque nous sommes retournés à Mossoul après la libération, nous avons procédé à des inspections sur les sites archéologiques détruits, qui ont montré que des travaux d'excavation avaient été effectués, certains de manière méthodique et scientifique », a-t-il expliqué à Diyaruna.

Ces résultats suggèrent que les éléments de l’EIIS auraient engagé des spécialistes, a-t-il expliqué. Cela apparaît clairement dans certains lieux, à l’instar du long réseau de tunnels soigneusement creusés sous le tombeau de Tell Nabi Yunus, où se trouve le palais du roi assyrien Assarhaddon , et où aucune fouille n’avait encore été entreprise.

Qassim a précisé que l’EIIS n'avait pas seulement pillé les reliques, mais s’était rendu responsable de destructions massives et d’une suppression d'une partie du patrimoine de l’humanité, notamment de nombreux sites et bâtiments archéologiques.

Moussab Mouhammad Jassim, représentant de l’Inspection des antiquités et du patrimoine de Ninive, a expliqué à Diyaruna que l’enquête sur les antiquités volées sous le règne de l’EIIS à Mossoul revêt deux aspects.

Le premier se passe à l’étranger, où des efforts coordonnés sont menés entre l’Irak et la communauté internationale et où existent des accords mutuels pour poursuivre et récupérer les artefacts dérobés, dont certains ont été vendus lors d’enchères mondiales, a-t-il indiqué.

Le second aspect concerne les efforts en cours par les forces de sécurité irakiennes pour examiner les artefacts découverts ces dernières années dans des caches de l’EIIS, que les derniers éléments du groupe tentaient de faire sortir en contrebande, a-t-il ajouté.

L’Agence nationale de sécurité et le commandement des opérations dans Ninive ont retrouvé une centaine d’artefacts depuis la fin des combats pour la libération, a conclu Jassim.

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