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Pollution et pratiques illicites de pêche entraînent une surmortalité des poissons en Irak

Faris al-Omran

Une équipe vétérinaire irakienne inspecte des poissons morts dans le marais d’al-Dalmaj dans la province de Diwaniyah en août. [Photo fournie par le ministère irakien de l’Agriculture]

Une équipe vétérinaire irakienne inspecte des poissons morts dans le marais d’al-Dalmaj dans la province de Diwaniyah en août. [Photo fournie par le ministère irakien de l’Agriculture]

Après une nouvelle vague de mortalité chez les poissons, les pêcheurs et les éleveurs de poissons du marais d’al-Dalmaj, dans le sud de l’Irak, expliquent qu’ils ont perdu leur unique source de revenus.

Début août, le marais de la province de Diwaniyah était recouvert de tonnes de poissons morts, occasionnant d’importantes pertes financières.

L’Irak produit quelque 30 000 tonnes de poissons chaque année, pêchés pour l’essentiel dans les rivières, les lacs et les marais.

Ali Hussein, un pêcheur d’al-Dalmaj, a expliqué à Diyaruna que la dernière vague de mortalité piscicole dans les marais est une catastrophe majeure. « Nous avons perdu notre unique source de revenus. Les pêcheurs venaient dans ces marais depuis plusieurs provinces. Aujourd’hui, ils se retrouvent sans emploi », a-t-il expliqué.

Le ministre irakien de l’Agriculture Mouhammad Karim al-Khafaji en visite dans le marais d’al-Dalmaj en août. [Photo fournie par le ministère irakien de l’Agriculture]

Le ministre irakien de l’Agriculture Mouhammad Karim al-Khafaji en visite dans le marais d’al-Dalmaj en août. [Photo fournie par le ministère irakien de l’Agriculture]

Ce marais en particulier est une source de revenus pour plus de 1 600 familles. Il est unique du fait de sa diversité piscicole, qui comprend des binnis, des carpes et des gattans.

« Mains invisibles »

Abou Fahad al-Ameri, un autre pêcheur du marais, a expliqué à Diyaruna que sa ferme piscicole était devenue un véritable cimetière de poissons. « Nous sommes éreintés. Les millions de dinars que nous avions investis ont disparu en un éclair », a-t-il déclaré.

Exigeant une indemnisation du gouvernement, il a estimé que cette mort brutale des poissons n’est pas naturelle et que « des mains invisibles sont à l’œuvre derrière un tel niveau de destruction ».

L’économiste Abdoul Rahman al-Mashhadani a estimé pour sa part qu’il ne pouvait exclure l’implication de « certaines parties dont les intérêts ont été impactés par des pisciculteurs auto-suffisants » dans cet incident.

Ces deux dernières années,des dizaines de milliers de tonnes de poissons ont de fait disparu, la province de Babel étant la plus affectée, et l’Irak a subi des millions de dollars de perte financière et de dommages à l’environnement.

Al-Mashhadani a expliqué à Diyaruna que des incidents similaires s’étaient produits à plusieurs reprises, affectant l’industrie de la pêche et des produits agricoles. Le dernier en date, a-t-il ajouté, a été le résultat d'incendies de récoltes de blé et d’orge.

Selon lui, il semble qu’une catastrophe se produit chaque fois qu'un secteur de la production en Irak annonce qu’il est parvenu à l’autosuffisance. Cela laisse supposer un « ciblage intentionnel ».

Certaines personnes accusent des groupes affiliés au Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) d’Iran de cibler l’industrie de la pêche afin d’inonder le marché de produits iraniens importés, a expliqué al-Mashhadani.

Toutefois, a-t-il précisé, de nombreuses parties sont accusées et seule une enquête officielle pourra révéler la vérité.

Pollution, sécheresse, mauvaises pratiques

Mansour al-Baiji, vice-président de la commission parlementaire pour l’agriculture, a déclaré que ce qu'il s’est produit dans le marais d’al-Dalmaj constitue « un ciblage de l’industrie de la pêche ».

Il a appelé le gouvernement à protéger ce secteur des « acteurs malveillants » qui tentent de saper l’économie du pays.

Le 10 août, le ministère irakien de l’Agriculture a mis en place une commission pour conduire une enquête sur le terrain sur les causes de l’incident d’al-Dalmaj. Cette commission a exclu la présence de nuisibles ou d’infections virales, et déclaré que la pêche illégale, utilisant des pesticides toxiques, et la pollution environnementale étaient deux responsables possibles.

Le porte-parole du ministère Hamid al-Nayef a indiqué à Diyaruna que la baisse des quantités d’eau dans les rivières et les cours d’eau faisait courir un risque d’extinction aux populations de poissons.

Les niveaux d’oxygène diminuent avec la sécheresse, facilitant la propagation des toxiques, ce qui expose les poissons à des maladies et entraîne leur mort, a expliqué al-Nayef.

Il a indiqué que des pratiques illicites sont prévalentes dans les fermes de poissons et que les éleveurs ne respectent pas les mesures mises en place pour élever le poisson. Il a cité ces raisons parmi celles qui pourraient expliquer la mortalité des populations de poissons.

Le ministère a mis en œuvre des mesures strictes, a-t-il poursuivi, y compris la nécessité pour les éleveurs de faire surveiller le processus d’élevage des poissons dans leurs fermes par un spécialiste vétérinaire, qui ferait ainsi office de liaison entre les éleveurs et le ministère.

« Nous avons également distribué des vaccins aux éleveurs », a-t-il ajouté.

Le spécialiste agricole Adel al-Moukhtar a expliqué à Diyaruna que la production de poissons pourrait être du double « si un plus grand intérêt était porté à la pêche dans les eaux territoriales et en haute mer ».

« Nous avons actuellement 1 500 bateaux décommissionnés dans le pays. S’ils étaient réparés et si le secteur de la pêche était développé, la production de poissons pourrait augmenter jusqu’à atteindre 300 000 tonnes annuelles », a-t-il indiqué.

La mortalité de masse se produit en raison de la densité de la population de poissons, a-t-il ajouté, soulignant que cela se produit lors les populations de poissons passent de 10 à 200 dans des zones de moins de cinq kilomètres carrés, a conclu al-Mukhtar.

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