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Terrorisme

La présence de Kirghizes dans le Groupe Wagner russe envoie un message à l’Asie centrale

Kanat Altynbayev

Une capture d’écran d’une vidéo de la télévision d’État biélorusse montre quelques-uns des mercenaires du Groupe Wagner entrés en Biélorussie le 25 juillet. [Photo d’archive]

Une capture d’écran d’une vidéo de la télévision d’État biélorusse montre quelques-uns des mercenaires du Groupe Wagner entrés en Biélorussie le 25 juillet. [Photo d’archive]

L’Ukraine a monté un dossier pénal contre quinze mercenaires accusés du Groupe Wagner, un groupe militaire privé russe, notamment trois ressortissants kirghizes, soupçonnés d’avoir combattu dans l’est de l’Ukraine aux côtés des séparatistes.

Le bureau du procureur général ukrainien a déclaré le 28 juillet que depuis 2014, des combattants étrangers « avaient participé au conflit militaire contre l’Ukraine sur le territoire temporairement occupé des régions de Donetsk et de Louhansk ».

Les mercenaires en prison avaient « servi » dans différentes unités des forces russes illégales, selon le bureau.

Il s’agissait en particulier du 4e Bataillon spécial de Prizrak, du 11e régiment de carabiniers de Vostok et de la 5e brigade de carabiniers motorisés d’Oplot, qui tous appartenaient au Groupe Wagner.

Selon les Conventions de Genève, les suspects sont considérés comme « des mercenaires dont les agissements constituent une violation de la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’entraînement de mercenaires, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 4 décembre 1989 », a précisé le bureau dans un communiqué.

Les Services de sécurité ukrainiens (SBU) enquêteront sur ces affaires.

Les mercenaires de Wagner accusés risquent potentiellement des peines de prison à vie ainsi que la confiscation de leurs biens.

Une menace pour la sécurité en Asie centrale

Les agences de renseignement ukrainiennes ont appris les activités du Groupe Wagner en soutien aux séparatistes dans le Donbass en mai 2014, a fait savoir la Deutsche Welle (DW).

En octobre 2017, Vasyl Hrytsak, alors directeur du SBU, avait expliqué que des combattants de Wagner avaient été impliqués dans la destruction d’un avion de transport militaire Il-76 dans l’est de l’Ukraine en juin 2014, lors d’une opération contre l’aéroport de Donetsk et lors d’opérations de combat dans un district de Debaltseve, en Ukraine.

Le groupe Wagner avait enrôlé des membres non seulement dans toute la Russie, mais aussi parmi les habitants de l’est ukrainien, contrôlé par les séparatistes, avait rapporté la DW.

Toutefois, profitant de la difficile situation socio-économique dans la région, les recruteurs de Moscou avaient attiré en Asie centrale des jeunes qui cherchaient désespérément à gagner de l’argent, a déclaré cet ancien personnel militaire à Almaty.

« Ils paient plutôt bien, et c’est donc une excellente opportunité pour des jeunes au chômage, dont beaucoup avaient abandonné tout espoir de résoudre leurs problèmes financiers et la perspective de se remettre sur les rails », a expliqué Dauren Ospanov d’Almaty, un commandant à la retraite de l’armée kazakhe.

Le Groupe Wagner utilise des tactiques de recrutement semblables à celle des terroristes de « l’État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), a-t-il poursuivi. Ainsi, les deux attirent les jeunes par des promesses d’argent et cherchent sur Internet des candidats susceptibles d’être recrutés.

« Aujourd’hui, Wagner représente même une menace encore plus grande pour la sécurité régionale, car le chômage est en forte hausse dans les pays d’Asie centrale du fait de la pandémie », a ajouté Ospanov.

Les crimes dont sont accusés ces ressortissants kirghizes en Ukraine sont particulièrement graves, a précisé Kairat Osmonaliyev de Bishkek, professeur et lieutenant-colonel de police dans la réserve.

« Si leur culpabilité est avérée, ces ressortissants kirghizes ne pourront pas compter sur le soutien de leur gouvernement parce que selon notre constitution, c’est un motif de révocation de leur nationalité kirghize », a précisé Osmonaliyev.

Si l’Ukraine les déporte au Kirghizistan, ils y encourent une peine de douze ans de prison, a-t-il ajouté.

Les peines qui attendent ces accusés en Ukraine équivalent à du terrorisme, a expliqué Kurmanbek Aliyev, activiste des droits de l’homme originaire d’Osh, au Kirghizistan.

«Ils s’y sont battus pour de l’argent et ont versé le sang de ceux qui défendaient leur propre territoire », a-t-il indiqué. « Que sont-ils, si ce n’est des terroristes ? »

Le Groupe Wagner, un groupe russe, est lui-même illégal et par essence une organisation terroriste qui mène des opérations de combat dans d’autres pays pour le compte de Moscou, a déclaré Aliyev.

« Ils détruisent les vies à la fois de leurs adversaires et de leur propre peuple en réalisant les visées politiques du Kremlin », a déclaré Aliyev, faisant référence aux membres du Groupe Wagner.

Visées sur la Biélorussie

Les récents événements dans l’espace post-soviétique laissent à penser que le Groupe Wagner pourrait y mener un nouveau complot.

Le 30 juillet, la Biélorussie a indiqué qu’elle avait monté un dossier pénal à l’encontre de mercenaires russes qui avaient été arrêtés pour avoir prévu de déstabiliser le pays à l’approche des élections présidentielles tenues le dimanche 9 août.

Ces dernières années, malgré des pressions de la Russie, le président biélorusse Alexandre Loukachenko a rejeté une union directe avec Moscou et a cherché à renforcer les liens avec l’Occident.

Or, la Biélorussie occupe une place centrale dans les plans stratégiques de la Russie, peut-être même encore plus importante que tout autre État voisin, à l’exception de l’Ukraine.

Moscou a des intérêts majeurs en Biélorussie, car il fournit à Minsk la presque totalité de son pétrole et de son gaz. Mais cette année, pour tenter de relâcher sa dépendance envers les hydrocarbures russes, la Biélorussie a acheté du pétrole en Norvège, en Arabie saoudite, en Azerbaïdjan et aux États-Unis, irritant le président russe Vladimir Poutine.

Le Grouge Wagner aurait certainement pu mener une mission de déstabilisation en Biélorussie, car Moscou « y a définitivement des intérêts stratégiques », a déclaré Ospanov, l’ancien commandant dans l’armée kazakh.

« Mais Loukachenko, imprévisible et de moins en moins contrôlable, laisse tomber Poutine », a indiqué Ospanov.

Efforts mondiaux

Les mercenaires du Groupe Wagner ont mené la guerre dans plusieurs autres pays, chaque fois pour faire avancer l’agenda du Kremlin.

En Libye, ils continuent à supporter les tentatives infructueuses de l’homme fort militaire Khalifa Haftar pour renverser le gouvernement libyen internationalement reconnu. Des photos certifiées montrent qu’ils ont posé des mines et des engins explosifs improvisés (EEI) dans et autour de Tripoli, violant l’embargo sur les armes des Nations unies et mettant en danger les vies de Libyens innocents, a confirmé en juillet l’US Africa Command (AFRICOM).

Cela fait des années que des membres du Groupe Wagner seraient opérationnels en Russie, servant sur la ligne de front aux côtés des troupes favorables au régime. Le Kremlin avait envoyé des forces en Syrie en 2015 pour le compte de son client, le président Bashar el-Assad.

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