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Les réformes irakiennes entravées par la vague d'attaques de groupes obscurs

AFP

Une photo prise le 26 octobre 2019 montre des membres des Forces de mobilisation populaire lors d'une procession funéraire à Bagdad pour Wissam Alyawi, un commandant d'Asaib Ahl al-Haq, une milice fidèle à l'Iran. [Ahmad al-Rubaye/AFP]

Une photo prise le 26 octobre 2019 montre des membres des Forces de mobilisation populaire lors d'une procession funéraire à Bagdad pour Wissam Alyawi, un commandant d'Asaib Ahl al-Haq, une milice fidèle à l'Iran. [Ahmad al-Rubaye/AFP]

L'Irak espère engager des réformes et relancer son économie affaiblie, mais cette campagne est entravée par une vague de violence qui est largement imputable à des groupes obscurs pro-Iran.

Depuis que le Premier ministre Moustafa Kadhemi a pris ses fonctions en mai, il a promis de contrôler les milices rebelles, de lutter contre la corruption et de mettre en place une restructuration attendue depuis longtemps.

Mais plus son gouvernement se rapproche de ses objectifs déclarés, plus les acteurs armés soupçonnés d'avoir des liens avec l'Iran sont nombreux, ont rapporté de hauts fonctionnaires et des analystes irakiens.

« Chaque fois que ces groupes nous voient nous rapprocher de leurs intérêts militaires ou économiques, ils lancent des roquettes ou des campagnes de propagande pour nous distraire », a déclaré un haut responsable du gouvernement.

Mardi 8 septembre dans la soirée, une bombe a frappé un convoi de ravitaillement se dirigeant vers une base irakienne où sont déployées des troupes américaines, tuant un membre des forces irakiennes.

Le 3 septembre, une attaque a visé le siège de la compagnie de sécurité américano-britannique G4S à Bagdad. Un responsable du renseignement a indiqué qu'un drone avait largué une charge explosive sur le bâtiment.

Aucune faction n'a revendiqué l'opération, mais des groupes soutenus par l'Iran ont accusé G4S de complicité dans la frappe américaine de janvier qui a tué le général Qassem Soleimani.

Quelques jours auparavant, un travailleur de l'ONU avait été blessé lorsqu'un engin explosif improvisé (EEI) a explosé sous un convoi d'aide humanitaire dans la ville de Mossoul, dans le nord du pays.

Une faction s'identifiant comme faisant partie de la « résistance islamique », une expression fourre-tout pour les factions pro-Iran, a revendiqué l'attaque, lançant une menace sur internet.

Écran de fumée

Une demi-douzaine de ces factions jusque-là inconnues ont proféré des menaces similaires ces derniers mois sous la bannière de la « résistance islamique », mais les responsables affirment qu'il s'agit d'un écran de fumée.

« Cinq groupes, dont le Kataib Hezbollah, Asaib Ahl al-Haq et d'autres sont à l'origine de la récente instabilité dans le pays », a déclaré un officier du renseignement irakien.

Ces groupes de la ligne dure sont membres des Forces de mobilisation populaire (FMP), un réseau soutenu par l'État et dominé par des factions proches de l'Iran.

Des responsables américains ont émis des accusations similaires, désignant le Kataeb Hezbollah et Asaib Ahl al-Haq comme les véritables auteurs des attaques à la roquette contre les installations américaines en Irak.

Ces mêmes groupes avaient accusé Kadhemi de comploter contre Soleimani lorsque ce dernier était le plus haut responsable du renseignement en Irak, et étaient furieux lorsqu'il est devenu Premier ministre.

Ils ont compris les promesses de Kadhemi de contrôler les groupes armés comme une tentative de leur couper les ailes, ont expliqué des responsables et experts.

Au-delà de l'escalade des attaques à la roquette, les groupes ont également intensifié la pression par le biais de médias non conventionnels.

Des chaînes anonymes sur l'application de messagerie Telegram publient des avertissements moqueurs sur les attaques de convois militaires bien avant qu'elles ne se produisent, renforçant le sentiment d'impunité.

Ces mêmes forums ont pris pour cibles les chaînes de télévision irakiennes qui critiquent l'Iran.

Dijla TV a été incendiée la semaine dernière après que les chaînes de Telegram l'aient critiqué, et une nouvelle vague de menaces a visé la chaîne sunnite UTV.

La campagne a débuté après que le gouvernement américain a saisi les domaines des sites web d'Al-Etejah, une chaîne de télévision irakienne liée au kataeb Hezbollah.

Réponse aux crises

Le gouvernement ne cherche pas une confrontation directe avec ces groupes, a affirmé Ahmad Mulla, porte-parole de Kadhemi.

« Nous cherchons à tarir leurs ressources de financement en ciblant les passages frontaliers » utilisés pour la contrebande lucrative en provenance d'Iran, a expliqué Mulla.

Les responsables savaient que cela pouvait être dangereux. Lorsque Kadhemi a lancé une vaste campagne de lutte contre la corruption aux frontières poreuses de l'Irak, ils se sont préparés au pire.

« Ils vont faire chanter les responsables, menacer leurs familles, mobiliser les tribus et peut-être même commettre des assassinats », a indiqué un haut responsable à l'AFP en juillet.

Deux éminents militants ont d'ailleurs été abattus quelques semaines plus tard dans la ville portuaire de Bassorah, dans le sud du pays, et des violences tribales ont éclaté au nord de Bagdad.

« Nous sommes constamment en train de répondre à des crises, et nous ne pouvons donc pas nous concentrer pleinement sur la stratégie globale », a déploré un autre responsable irakien à propos des efforts de Bagdad pour réformer l'État et revitaliser une économie touchée par la pandémie de coronavirus et les faibles prix du pétrole.

Un troisième responsable a déclaré que le ministre irakien des Finances, Ali Allawi, n'avait pas respecté la date limite du 24 août pour soumettre un plan de réforme économique au parlement en raison des troubles récents.

La semaine dernière, Kadhemi a mis en place un conseil anticorruption, autorisant les troupes d'élite du Service de lutte contre le terrorisme (CTS) à arrêter des responsables d'habitude considérés comme trop hauts placés pour être touchés.

Ses forces ont également mené des opérations de recherche à Bassorah et Bagdad pour saisir les armes sans permis, mais peu ont été trouvées.

L'expert en sécurité irakien Fadel Abou Ragheef a déclaré que la situation était « dangereuse ».

« Kadhemi devrait ouvrir un véritable dialogue avec les chefs spirituels de ces groupes pour éviter un affrontement », a-t-il conclu.

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