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Terrorisme

Le recrutement d’Ouzbeks dans des groupes extrémistes vie peut-être ses « derniers jours »

Maksim Yeniseyev

Abou Saloh et ses partisans à Idlib, en Syrie, dans une vidéo publiée sur le compte Telegram d’Abou Saloh le 7 juillet. Une organisation activiste rivale a capturé Abou Saloh en Syrie à la mi-juin. [Archive]

Abou Saloh et ses partisans à Idlib, en Syrie, dans une vidéo publiée sur le compte Telegram d’Abou Saloh le 7 juillet. Une organisation activiste rivale a capturé Abou Saloh en Syrie à la mi-juin. [Archive]

L’arrestation ces derniers mois de dizaines d’activistes présumés liés à des groupes extrémistes en Syrie a porté un sérieux coup aux efforts de recrutement en Ouzbékistan, selon les médias locaux et des analystes de sécurité.

« Des jours sombres sont arrivés dans le 'business' des recruteurs qui enrôlent des jeunes parlant ouzbek dans des organisations terroristes internationales basées en Syrie », a rapporté Uzbekistan News le 2 juillet.

La Katibat al-Tawhid wal Jihad (KTJ) est l’un des principaux groupes terroristes désormais sous pression en Ouzbékistan. Elle compte fortement sur le recrutement de citoyens d’Ouzbékistan et du Kirghizistan.

Elle est également connue sous le nom ouzbek de Tawhid wa Jihad Katibasi.

La police inspecte un ordinateur appartenant à des membres présumés de la Katibat al-Tawhid wal Jihad (KTJ) à Tachkent, dans une vidéo diffusée à la télévision ouzbèke le 6 juillet.

La police inspecte un ordinateur appartenant à des membres présumés de la Katibat al-Tawhid wal Jihad (KTJ) à Tachkent, dans une vidéo diffusée à la télévision ouzbèke le 6 juillet.

Un membre présumé de la Katibat al-Tawhid wal Jihad (KTJ) détenu à Tachkent a livré des aveux qui ont été diffusés le 6 juillet à la télévision ouzbèke.

Un membre présumé de la Katibat al-Tawhid wal Jihad (KTJ) détenu à Tachkent a livré des aveux qui ont été diffusés le 6 juillet à la télévision ouzbèke.

En juin, les agents des Services de sécurité de l’État ouzbek (SGB) ont arrêté au moins quinze personnes accusées de participer à une cellule extrémiste dans le district de Boysun, dans la province de Surkhandarya (Surxondaryo), a rapporté Uzbekistan News.

Elles auraient recruté et envoyé des jeunes recrues dans la province syrienne d’Idlib. Toutes risquent jusqu'à 20 ans de prison.

Le leader du groupe, Bekzot Karimov, a fait connaissance avec les groupes extrémistes quand il était travailleur migrant en Russie.

Il a envoyé de l’argent en Syrie et a communiqué en ligne avec ses partisans, utilisant des vidéos de l’ancien leader de KTJ Abou Saloh pour recruter ses compatriotes ouzbeks, a fait savoir Uzbekistan News.

Début juillet, un tribunal de Saint-Pétersbourg a condamné Karimov à six ans de prison, selon les médias russes.

Dans une affaire similaire survenue dans la province de Jizzakh, les agents du SGB ont arrêté 23 jeunes hommes accusés d’appartenir à une cellule extrémiste virtuelle, a rapporté AKIpress le 9 juillet.

Le chef du groupe est tombé sous l’influence des terroristes en Turquie, selon le rapport, et il a trouvé des partisans sur les réseaux sociaux Odnoklassniki et Telegram.

Le 23 juin, des membres du SGB et du ministère de l’Intérieur (MVD) ont arrêté 25 membres présumés de la KTJ dans la ville et la province de Tachkent, ont indiqué les médias locaux.

Ces personnes étaient tombées sous l’influence d’A. Abdoukakhkharov, un citoyen ouzbek qui fait partie des rangs de la KTJ en Syrie, où les partisans de la cellule prévoyaient de le rejoindre.

Trois des détenus avaient déjà été condamnés pour terrorisme et extrémisme. Abdoukakhkharov est pour sa part toujours en fuite.

Le 30 juin, le MVD et le SGB ont arrêté onze autres membres présumés de la KTJ à Tachkent.

Tous ces détenus étaient tombés sous l'influence des activistes de la KTJ et avaient prévu de se rendre en Syrie pour rejoindre l’insurrection.

« Nous avons écouté les sermons d’Abou Saloh, d’Abdoulloh Zoufar et de Sodik Samarkandii et nous nous les sommes envoyé sur Telegram. L’intention de mener le 'djihad' nous est alors apparue », a déclaré l’un des détenus à la chaîne de télévision Uzbekistan 24.

« J’ai commencé à écouter les sermons de Zoufar et de Samarkandii », a raconté un autre détenu sur la même chaîne. « Un cercle de personnes partageant les mêmes idées s’est formé parmi nous. Pendant la quarantaine [du coronavirus], nous nous sommes rassemblés à différents endroits pour la prière du vendredi et nous nous sommes encouragés mutuellement à mener le 'djihad'. »

L’ancien leader de la KTJ « arrêté » en Syrie

La KTJ est soupçonnée être une ramification du groupe plus connu Jama'at al-Tawhid wal-Jihad, que le terroriste jordanien Abou Moussab al-Zarqawi aujourd’hui disparu avait fondé. Ce groupe est responsable de nombreux attentats terroristes dans le monde entier.

La Cour suprême ouzbèke l’a interdite dans tout le pays en 2016, et la Commission des affaires religieuses de l’Ouzbékistan (KDR) a ajouté en décembre dernier les documents de propagande du groupe à la liste des documents interdits dans le pays.

La KTJ est devenue célèbre après l’attentat-suicide du métro de Saint-Pétersbourg en avril 2017.

En décembre dernier, un tribunal russe a condamné onze immigrants originaires d’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizstan pour avoir aidé à organiser cet attentat à la bombe qui avait fait quinze morts.

Les accusés appartenaient tous au groupe, alors dirigé par Abou Saloh, un Ouzbek du Kirghizistan qui combattait en Syrie, selon les autorités russes.

Abou Saloh, de son vrai nom Sirojiddin Moukhtarov, a démissionné du commandement du groupe en avril 2019 afin de se lancer dans la collecte de fonds et le recrutement pour l’organisation, selon un message de la KTJ sur Telegram.

Mais le mois dernier, Tahrir al-Sham, un puissant groupe islamiste de la province syrienne d’Idlib, a entamé une campagne militaire contre des groupes rivaux, ont rapporté des médias locaux et des groupes de défense des droits de l’homme.

Abou Saloh faisait partie des activistes pris dans la répression et s’est retrouvé entre les mains de membres du HTS, selon les chaînes Telegram d’activistes ouzbeks en Syrie.

« La raison de l’arrestation d’Abou Saloh, fondateur de la KTJ, et de ses deux partisans est simple et banale : l’émir est accusé d’avoir volé une importante somme d’argent d’un baitumol (fonds commun d’argent issu de crimes) », a expliqué le journaliste ouzbek Viktor Mikhailov.

En février, 21 partisans présumés de la KTJ d’Abou Saloh ont été arrêtés en Ouzbékistan. La cellule avait recruté de jeunes Ouzbeks pour qu’ils aillent mener des activités terroristes en Syrie.

Des réseaux de recrutement qui s’effondrent

Les dernières cellules de la KTJ en Ouzbékistan pourraient avoir été éliminées avec les arrestations de juin, estiment plusieurs analystes.

« Je pense que nous assistons aux derniers jours des réseaux de recrutement [de la KTJ] en Ouzbékistan », a déclaré le politologue ouzbek Umid Asatullayev.

« Le coup porté par les forces de l’ordre a probablement mis fin aux derniers partisans d’Abou Saloh et de son entreprise », a-t-il déclaré. « Il est absolument certain qu’il n'y a pas de base stable sur laquelle il puisse bâtir son recrutement en Ouzbékistan. Les nouvelles cellules subiront le même sort. »

« Il est manifeste que tous ces conflits ne sont qu’une partie de l’agonie des extrémistes syriens, y compris des groupes centrés sur l’Asie centrale », a-t-il ajouté.

« Ils ne se battent plus pour leurs idées mais entre eux, pour les dernières ressources restantes », a-t-il conclu. « Après tout, personne ne les attend. Et l’utopie consistant à vouloir déplacer le 'califat' en Afghanistan a échoué. »

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