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Les entreprises locales profitent des restrictions aux importations imposées en Irak

AFP

Un jeune brandit fièrement deux poissons dans la ville portuaire d’al-Faw, dans le sud de l’Irak, à 90 kilomètres au sud de Bassorah, près du Chatt al-Arab et du Golfe, le 8 mai. [Hussein Faleh/AFP]

Un jeune brandit fièrement deux poissons dans la ville portuaire d’al-Faw, dans le sud de l’Irak, à 90 kilomètres au sud de Bassorah, près du Chatt al-Arab et du Golfe, le 8 mai. [Hussein Faleh/AFP]

Le confinement national instauré en Irak pour contenir la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19) a gagné quelques supporteurs inattendus : les entreprises locales, qui ne sont plus obligées de se battre contre les importations venues de Turquie, d’Iran ou de Chine.

Ces pays, ainsi que l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Koweït, inondent en général les marchés irakiens de produits à bas prix avec lesquels les producteurs locaux ont bien du mal à rivaliser.

Cela va des voitures aux ordinateurs, en passant par le poulet surgelé et même le fruit national irakien, les dattes, qui étaient ces dernières années plus souvent importées depuis le Golfe que ramassées dans les palmeraies locales.

Les producteurs locaux étaient délaissés, seuls pour lutter avec la cherté de leurs matières premières et leurs faibles productions face aux quantités énormes qui étaient importées.

Mais plus maintenant, a expliqué Amin Qassem, gérant d’une usine de crèmes glacées dans la province de Bassorah riche en pétrole depuis 2006.

« La crise du coronavirus nous a permis de nous imposer sur le marché irakien », a-t-il expliqué, savourant le moment présent.

Les quelque 3 000 salariés de Qassem, répartis sur six usines, emballent 144 000 crèmes et sandwichs glacés chaque heure.

« Lorsque de la crème glacée bon marché arrivait d’Iran, je devais baisser mes prix de vente afin que mes glaces ne me restent pas sur les bras, à fondre dans leurs réservoirs », a indiqué Qassem.

« Je peux désormais les vendre à des prix plus élevés. Nous avons pu regagner les marchés dont les importations nous avaient autrefois chassés. »

Finies les importations

Cela fait longtemps que les spécialistes mettaient en garde sur le fait que l’Irak, riche en pétrole, devait diversifier son économie pour la sortir des griffes du marché de l’énergie.

Deuxième plus gros producteur de l’OPEP, le pays dépend des exportations de pétrole pour financer plus de 90 % de ses dépenses publiques.

Cette année, alors que les prix du pétrole se sont effondrés à près d’un tiers de leur valeur de 2019, l’Irak a du mal à faire fonctionner l’État, verser les salaires et importer les marchandises essentielles.

Le Fonds monétaire international a prévu que les importations de biens et services de l’Irak passeraient de 94 milliards de dollars en 2019 à 84 milliards cette année, et à 8 milliards en 2021.

La diversification a été un défi de taille dans un pays doté d’un secteur privé balbutiant, d’un système bancaire sous-développé et d’un faible régime de douane, où il est moins cher d’importer que de produire.

Mais avec les restrictions liées au coronavirus, tout ceci pourrait bien changer.

Dans le cadre des mesures de confinement mises en place par l’Irak en mars, le pays a officiellement fermé sa frontière fédérale avec l’Iran et le Koweït pour les personnes comme pour les marchandises.

Les importations qui entraient par Um Qasr, le port méridional par lequel l’Irak importe des produits alimentaires et des médicaments, ont dramatiquement chuté.

En conséquence, le pays importe mois, selon des chiffres publiés par ses partenaires commerciaux.

Il a ainsi importé 973 millions de dollars de marchandises chinoises en décembre, mais elles sont passées à 775 millions de dollars en avril, selon l’administration générale chinoise des douanes.

Les importations en provenance d’Iran ont également baissé, passant de 450 millions de dollars par mois avant la pandémie de coronavirus à 300 millions de dollars actuellement, selon Hameed Husseini, membre de la Chambre de commerce irano-irakienne.

L’Irak taxe également sévèrement plus ses importations.

L’Office national des Douanes a attribué cette « hausse notoire » des recettes douanières, passées de 2,5 millions de dollars durant la première moitié du mois d’avril à 7,3 millions de dollars durant la première moitié de ce mois, à « des mesures de surveillance plus strictes ».

Ces forts droits de douane contraignent les détaillants à augmenter les prix de leurs marchandises importées, et les entreprises locales se retrouvent de ce fait dans une meilleure position sur les marchés.

Une pause pour les pêcheurs

Hadi Abboud, propriétaire d’une usine de plastique à Bassorah, a déjà enregistré une croissance exponentielle des commandes de tubes plastiques, habituellement importés de Chine.

Son usine fonctionne 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 pour mouler, découper et polir les épais cylindres de plastique fièrement estampillés « Made in Iraq ».

« La production a même du mal à suivre le rythme des nouvelles commandes de tubes plastique », a ajouté Abboud.

Les ventes sont si bonnes qu’il envisage même de recruter 50 nouveaux ouvriers dans son équipe de cent personnes.

« La situation a réellement changé », a poursuivi Abboud, avec un sourire que ne parvient pas à dissimuler le masque qu’il porte pour respecter les consignes de distanciation sociale dans son usine.

Même en mer la différence est notable.

Longtemps, les pêcheurs en difficulté de Bassorah ont dû lutter avec leurs rivaux iraniens et koweïtiens aux confins de la côte du Golfe, unique accès à la mer pour l’Irak.

« Depuis à peu près un mois, il y a beaucoup plus de poisson », a déclaré Mohammed Fadel, qui vend ses prises journalières sur un étal du marché central de Bassorah.

« Les pêcheurs koweïtiens et iraniens ne viennent plus », a-t-il expliqué à l’AFP, laissant les eaux du Golfe presque exclusivement aux pêcheurs irakiens ravis.

Sur les marchés de Bassorah, les tables ploient aujourd'hui sous le poids des rangs de poissons argentés et des seaux de crevettes, que les clients viennent soigneusement choisir.

Les prises sont si abondantes qu’un kilo de « zubeidy », une dorade locale, est passé de 16 à 9 dollars.

« Le nombre de poissons, et leurs prix, sont tout simplement extraordinaires », a conclu Fadel.

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