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Les Irakiens affirment qu'ils vivent mieux sans Soleimani

Hassan al-Obeidi à Bagdad

Un homme regarde son téléphone à vélo en passant devant une affiche montrant le général iranien Qassem Soleimani et le commandant paramilitaire irakien Abou Mahdi al-Muhandis se donnant l'accolade, dans le district de Karrada de Bagdad, le 10 février. [Ahmad al-Rubaye/AFP]

Un homme regarde son téléphone à vélo en passant devant une affiche montrant le général iranien Qassem Soleimani et le commandant paramilitaire irakien Abou Mahdi al-Muhandis se donnant l'accolade, dans le district de Karrada de Bagdad, le 10 février. [Ahmad al-Rubaye/AFP]

Dans les mois qui ont suivi la mort du général iranien Qassem Soleimani, expliquent des responsables politiques et des analystes irakiens à Diyaruna, ils ont pu observer plusieurs changements politiques et sécuritaires qu'ils estiment positifs pour l'Irak.

Cela fait juste un peu plus de trois mois que l'ancien commandant de la Force al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI-FQ) a été tué par une frappe aérienne américaine le 3 janvier à Bagdad.

Depuis l'élimination de Soleimani, expliquent les analystes, l'Irak est plus en mesure d'affirmer son indépendance et de prendre ses distances vis-à-vis de l'ingérence iranienne qui sapait sa sécurité et épuisait ses ressources.

« L'Irak dispose aujourd'hui de meilleures opportunités de démanteler les réseaux armés et les mafias mis en place par Soleimani ces dernières années », a expliqué à Diyaruna Hussein al-Safi, chercheur au Centre de planification stratégique de Dijla.

Au fil des ans, ces milices épaulées par l'Iran avaient « puisé des milliards de dollars dans les richesses irakiennes pour servir les projets de l'Iran dans la région », a-t-il précisé, soulignant que l'Irak sera désormais plus en mesure d'affirmer sa souveraineté au fur et à mesure que ces milices s'affaibliront.

L'élimination de Soleimani est intervenue à un moment où le peuple irakien descendait dans la rue pour protester contre la corruption gouvernementale, l'influence et l'ingérence démesurées de l'Iran dans leur pays, a-t-il ajouté.

« Ces manifestations ont fait de la rue irakienne un acteur essentiel sur la scène politique, qui fait désormais pression sur les forces politiques », a-t-il indiqué. « À cet égard, on peut dire que l'Irak connaît un certain nombre de changements positifs. »

Opportunité de changement

Maintenant que Soleimani n'est plus, les opportunités de changement sont bien réelles, a poursuivi al-Safi.

Soleimani était en effet l'un des principaux responsables de cet épuisement des richesses de l'Irak, a-t-il continué, et il supervisait la formation de dizaines de milices, financées sur des fonds irakiens.

« Son absence est désormais une excellente occasion de mettre en place une scène politique pluraliste, parce qu'il réprimait tout mouvement politique civil ou nationaliste dont il estimait qu'il représentait une menace », a précisé al-Safi.

Cette époque est révolue, a-t-il déclaré, ajoutant que l'Iran est incapable de trouver un remplaçant à Soleimani.

Sur la scène politique, de nouvelles voix se font entendre au parlement qui s'expriment indépendamment des chefs de blocs connus auparavant pour leurs liens avec l'Iran, a-t-il précisé.

« L'Irak vit sans aucun doute mieux qu'auparavant », a expliqué à Diyaruna le chef du parti Mustaqbal et ancien député irakien Entifadh Qanbar.

« Les forces américaines ont fait un exceptionnel cadeau aux Irakiens en éliminant ce terroriste [Soleimani], qui, jusque dans ses derniers instants, continuait de détruire le processus démocratique en Irak et de le vider de ses richesses », a-t-il ajouté.

Par son soutien au Hezbollah libanais et aux milices en Irak et en Syrie, Soleimani « représentait une menace pour la paix civile en Irak », a expliqué Qanbar ; « l'éliminer revenait donc à ouvrir une nouvelle fenêtre sur un avenir meilleur pour l'Irak ».

Pas de remplaçant pour Soleimani

« Trois mois après la mort de Soleimani, les Iraniens sont encore incapables de lui trouver un remplaçant », a déclaré le leader du Front de salut national et ancien gouverneur de Ninive Atheel al-Nujaifi à Diyaruna.

« Cette situation difficile pour l'Iran est encore exacerbée par le fait que le soutien financier qu'il apportait aux milices qui lui sont fidèles s'est très sensiblement réduit, ce qui a engendré un profond désarroi dans les rangs de ces factions armées », a-t-il ajouté.

« Les mois de manifestations en Irak reflètent en grande partie ce que les Irakiens ont sur le cœur, en particulier leur rejet de la tutelle et de l'ingérence de l'Iran », a-t-il expliqué, précisant que Soleimani l'avait compris avant sa mort.

Selon ce qu'a expliqué le spécialiste en affaires politiques iraniennes Ahmad al-Hamdani à Diyaruna, l'Irak a connu « des changements remarquables depuis la disparition de Soleimani ».

« Au niveau politique, malgré une crise portant sur la formation du gouvernement, il est à noter que l'Iran a depuis plusieurs mois été incapable d'imposer sa volonté ou son opinion », a-t-il indiqué.

« Les voix nationalistes de certains députés et blocs politiques se font entendre plus fortement », a indiqué al-Hamdani.

« Même la décision de fermer la frontière avec l'Iran dans le cadre des mesures prises pour empêcher la propagation du coronavirus a été l'une des décisions les plus indépendantes prises par les autorités irakiennes », a-t-il précisé.

Manifestation de nationalisme irakien

Les passages frontaliers et les échanges étaient des questions essentielles pour Soleimani, et son insistance à ce que l'Irak continue d'importer des marchandises iraniennes, assurant à l'Iran un accès à des devises fortes, entravait la croissance des secteurs industriel et agricole irakiens, a ajouté al-Hamdani.

Concernant la situation sécuritaire d'ensemble en Irak, les milices fondées par Soleimani se sont fragmentées et se livrent à des luttes intestines d'influence et d'intérêt, a-t-il poursuivi.

Sans Soleimani, ces milices sont « affaiblies et en plein désarroi », a-t-il ajouté.

Dans la rue irakienne, les gens ne souhaitent plus voir d'autres forces que celles de l'armée et de la police faire appliquer la sécurité, a-t-il expliqué.

Ils estiment que ces groupes armés n'ont aucune fidélité envers l'Irak et ne sont « rien d'autre que des bras ou de simples ramifications qui mettent en œuvre et servent les intérêts iraniens », a-t-il poursuivi.

« La réponse à la question de savoir si les Irakiens vivent mieux après l'élimination de Soleimani est résolument oui », a ajouté al-Hamdani.

« Son élimination avait créé une peur très forte parmi les chefs des milices qui opéraient sous son commandement sur le fait qu'ils risquaient de connaître le même sort que leur chef », a-t-il conclu.

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