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Inquiétude sur les transferts du camp d'al-Hol vers Ninive

Khalid al-Taie

Des femmes irakiennes déplacées qui vivaient dans le camp d'al-Hol en Syrie retournent en Irak avec leurs enfants, le 30 août 2018. [Photo fournie par la Direction des migrations de Ninive]

Des femmes irakiennes déplacées qui vivaient dans le camp d'al-Hol en Syrie retournent en Irak avec leurs enfants, le 30 août 2018. [Photo fournie par la Direction des migrations de Ninive]

Le projet du gouvernement irakien d'ouvrir un camp dans la localité de Zumar, dans l'ouest de Ninive, pour accueillir les Irakiens déplacés vivant actuellement dans le camp d'al-Hol, dans la province syrienne d'al-Hasakeh, suscite des réactions diverses.

Certains habitants locaux ont exprimé leurs craintes que les familles d'anciens combattants de « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) soient transférées dans ce nouveau camp, qui, selon certains médias locaux, est à moitié terminé.

Dans le cadre de ce même plan, un bureau est en cours de construction dans la localité de Rabia, à la frontière de Ninive, où seront effectués les contrôles de sécurité des Irakiens déplacés qui seront autorisés à rentrer dans leur pays par groupes.

La Direction des Migrations de Ninive « n'a pas été officiellement informée d'un quelconque transfert de familles à Ninive en provenance du camp d'al-Hol », a déclaré à Diyaruna le vice-directeur des migrations à Ninive Azim Hazim Dawood, la semaine dernière.

Des Irakiens déplacés reçoivent une aide alimentaire dans la province de Ninive, le 19 septembre 2019. [Photo fournie par la Direction des migrations de Ninive]

Des Irakiens déplacés reçoivent une aide alimentaire dans la province de Ninive, le 19 septembre 2019. [Photo fournie par la Direction des migrations de Ninive]

« Des plans et des propositions sont en place, mais parallèlement à cela, il existe un sentiment général de crainte de la part de la population locale », a-t-il indiqué, soulignant qu'un nouveau camp « sera très certainement placé sous la surveillance des forces de sécurité ».

Il semble être prévu « de recevoir au moins 4000 familles en provenance d'al-Hol », a-t-il ajouté, soulignant que près de 30 000 Irakiens habitent dans ce camp surpeuplé dans le désert à al-Hasakeh.

Le gouvernement irakien a indiqué qu'il ne souhaitait pas rapatrier les familles des combattants de l'EIIS d'al-Hol, mais plutôt les civils irakiens qui avaient été contraints de fuir en Syrie lorsque l'EIIS s'était emparé de larges portions du nord de l'Irak en 2014.

Les retours ne se font pas sans distinction, a souligné le gouvernement, mais font au contraire l'objet de contrôles rigoureux lors desquels les documents de sécurité de toutes les personnes déplacées sont vérifiés pour déterminer si elles avaient été impliquées dans des actes de terrorisme.

« Craintes légitimes »

Ces dernières années, le gouvernement irakien a ainsi rapatrié avec succès des centaines de familles irakiennes qui vivaient dans le camp d'al-Hol.

Mais ces mesures n'ont pas suffi à rassurer les habitants de la province de Ninive, où des dizaines de manifestants sont récemment descendus dans la rue pour appeler le gouvernement à reconsidérer sa décision de permettre aux populations déplacées de rentrer d'al-Hol.

Les députés irakiens représentant Ninive ont repris les demandes des manifestants.

Les habitants de Ninive expriment des craintes légitimes, a expliqué à Diyaruna Ayed al-Luwayzi, le président de la commission pour les personnes déplacées du conseil provincial de Ninive.

Ils ont encore en mémoire les destructions et les meurtres de masse perpétrés par l'EIIS, a-t-il expliqué, soulignant que ces habitants ne veulent pas mettre en péril la stabilité et la sécurité de l'endroit où ils vivent.

Dans le même temps, a poursuivi al-Luwayzi, il est important que les familles irakiennes vivant dans le camp d'al-Hol ne soient pas abandonnées et laissées face à un avenir incertain.

Ces familles ne doivent être ni négligées ni ignorées, a-t-il ajouté.

Responsabilité du gouvernement

Les femmes et les enfants vivant dans des camps comme al-Hol sont isolés et confrontés à des conditions de vie difficiles qui les rendent facilement vulnérables à la radicalisation, a expliqué l'expert militaire Jaleel Khalaf al-Shuwayli à Diyaruna.

Le gouvernement est tenu d'améliorer les conditions de vie des populations déplacées et de leur donner la chance de rentrer dans leurs foyers et de rebâtir leurs vies, a-t-il ajouté.

« Ces populations déplacées et ces familles de l'EIIS à al-Hol ne doivent pas être abandonnées et s'il existe une volonté de les rapatrier, il doit y avoir des programmes spéciaux pour libérer leurs esprits des idées étrangères implantées par les terroristes », a-t-il ajouté.

Réfuter cette idéologie déviante et renforcer leur sentiment d'appartenance sont de la plus grande importance pour veiller à ce que les générations futures ne soient pas consumées par des sentiments d'extrémisme, de vengeance et de haine envers ceux qui les entourent, a-t-il poursuivi.

Si le gouvernement n'accorde pas l'attention qu'il convient aux populations déplacées dans les camps en Syrie, a-t-il ajouté, cela sera à ses propres risques, car ces personnes seront potentiellement en capacité de menacer l'Irak par delà ses frontières dans quelques années.

Pour traiter ces bombes à retardement, a-t-il conclu, « des enquêtes en profondeur sur la question et le soutien et les moyens de nos partenaires internationaux dans le domaine de la réhabilitation mentale et comportementale sont nécessaires ».

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