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Des manifestants irakiens affrontent les partisans d'al-Sadr

Hassan al-Obeidi à Bagdad

Des Irakiens dans la ville de Sadr, bastion traditionnel de Moqtada al-Sadr, ont dégradé des posters à son image. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Des Irakiens dans la ville de Sadr, bastion traditionnel de Moqtada al-Sadr, ont dégradé des posters à son image. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Malgré son soutien public initial aux manifestants irakiens, Moqtada al-Sadr, religieux irakien notoirement versatile, a ensuite retiré son soutien, endommageant sérieusement sa popularité auprès des Irakiens, expliquent les spécialistes.

Bien que cela soit habituel pour al-Sadr, qui est connu pour ses changements d'alliances, il est évident qu'il a maintenant choisi de servir d'homme de terrain pour l'Iran en Irak, ont-ils ajouté.

Jeudi 6 février, les manifestants antigouvernementaux ont juré de poursuivre leur vague de rassemblements alors qu'ils enterraient sept autres militants tués dans la nuit lors de violences imputées aux partisans d'al-Sadr, a rapporté l'AFP.

Les fidèles d'al-Sadr ont lancé mercredi dernier un raid contre un camp de manifestants dans la ville sainte irakienne de Nadjaf.

Les Irakiens expriment une colère croissante contre le religieux Moqtada al-Sadr après qu'il a retiré son soutien aux manifestations et se soit aligné sur les milices soutenues par l'Iran. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Les Irakiens expriment une colère croissante contre le religieux Moqtada al-Sadr après qu'il a retiré son soutien aux manifestations et se soit aligné sur les milices soutenues par l'Iran. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Sept manifestants antigouvernementaux ont été tués par balles à la tête ou à la poitrine, ont fait savoir des médecins de la ville, et des dizaines d'autres ont été blessés. Dans la mêlée, les tentes où les manifestants dormaient depuis des semaines ont été incendiées.

Les sadristes ont ensuite occupé eux-mêmes le site, ont fait savoir les journalistes de l'AFP.

Lundi, un autre manifestant a été tué lors d'un affrontement entre les deux camps dans la ville d'Hilla, dans le sud du pays.

Al-Sadr, un milicien devenu politicien, a d'abord soutenu les rassemblements antigouvernementaux lorsqu'ils ont éclaté en octobre, mais s'est soudainement séparé du mouvement le week-end dernier.

Il a ensuite approuvé la désignation de Mohammad Allaoui comme nouveau Premier ministre du pays, ce qui contraste fortement avec la plupart des manifestants, qui rejettent l'homme politique qu'ils voient comme une figure de l'establishment.

Mardi, dans la ville méridionale de Diwaniyah, la fracture s'est transformée en bagarre entre les jeunes manifestants antirégime et des partisans d'al-Sadr, reconnaissables à leurs couvre-chefs bleus.

La police est intervenue pour séparer les deux camps, mais les jeunes manifestants se sont mis à chanter contre al-Sadr, les autorités irakiennes et l'Iran, qu'ils accusent de soutenir la répression du gouvernement contre eux.

Allaoui, âgé de 65 ans, a été nommé le 1er février après deux mois d'impasse politique sur la question du remplacement du précédent Premier ministre Adel Abdoul Mahdi, qui a démissionné en novembre.

Mise en œuvre du programme de l'Iran

Les partisans d'al-Sadr ont attaqué des manifestants et les ont empêchés de brandir des pancartes contre la nomination d'Allaoui, ce que le député irakien Bassem Khashan a qualifié de comportement de « gang ».

La colère populaire dans le sud de l'Irak contre les actions du mouvement sadriste ne cesse de croître après que des photos et des vidéos ont révélé des passages à tabac, des coups de couteau et des agressions que les sadristes ont perpétrés contre des manifestants irakiens, y compris des étudiantes de l'université de Bagdad, a-t-il rapporté à Diyaruna.

Des manifestants irakiens ont scandé des slogans anti-iraniens pour dénoncer al-Sadr, qu'ils accusent de loyauté envers le régime iranien.

« Nous ne recevons pas d'ordres de ceux qui sont au pouvoir en Iran » et « il faut se débarrasser d'eux » font partie des slogans populaires entendus sur les places des manifestations.

« Al-Sadr exécute un programme iranien qui vise à mettre fin aux manifestations », a affirmé le militant Ahmed Haqi, qui coordonne les manifestations sur la place al-Habboubi à al-Nasiriyah, dans la province de Dhi Qar.

« Il s'efforce de prouver sa loyauté envers l'Iran, et non envers l'Irak », a-t-il déclaré à Diyaruna.

Depuis la mort de Qassem Soleimani, commandant de la Force al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique, al-Sadr a réactivé l'Armée du Mahdi près d'une décennie après sa dissolution, « bien que la milice ait été accusée de crimes sectaires épouvantables », a précisé Haqi.

Il a également retiré son soutien aux manifestations antigouvernementales, ce qui a fait craindre que, sans sa couverture politique, les autorités ne prennent des mesures pour écraser le mouvement ; et en effet, quelques heures après, la police anti-émeute a tenté de prendre d'assaut les camps des manifestants.

Maintenant, al-Sadr a ordonné à ses partisans de réprimer les manifestants sous prétexte qu'il y a parmi eux « des infiltrés agissant selon un programme étranger », a rapporté Haqi.

« Les allégations d'al-Sadr contre les manifestants sont identiques à celles du [chef suprême de l'Iran], Ali Khamenei, qui les a qualifiés de mafieux et a appelé le gouvernement irakien à les réprimer », a-t-il déclaré.

« Nous considérons les actions d'al-Sadr comme une mise en œuvre de la volonté iranienne, et rien de plus », a ajouté Haqi.

La ville de Sadr se soulève contre al-Sadr

Les slogans les plus forts contre al-Sadr ont été lancés lundi dans la ville de Sadr, la banlieue est de Bagdad, lorsque des manifestants irakiens ont déchiré les portraits du religieux qui bordent les rues, traçant un « X » sur certains d'entre eux.

Les militants ont propagé l'expression « démocratie tawathi », en référence aux bâtons et matraques, connus en dialecte irakien sous le nom de « tawathi », que les partisans d'al-Sadr ont utilisés pour s'en prendre aux manifestants.

« Qui aurait cru que ces slogans viendraient des régions qu'al-Sadr considérait traditionnellement comme ses bastions », s'est interrogé l'expert irakien Mohammed al-Tamimi.

L'image d'al-Sadr, qui a travaillé dur pour se démarquer des autres chefs de milice, comme le chef d'Asaib Ahl al-Haq, Qais al-Khazali, et le chef d'Harakat al-Nujaba, Akram al-Kaabi, s'est détériorée récemment, a-t-il indiqué à Diyaruna.

Le peuple irakien le considère maintenant comme « pareil que les autres », a-t-il déclaré, ajoutant que le religieux « a également entaché la réputation de sa famille ».

Signe de la baisse de popularité et de prestige d'al-Sadr, de hauts responsables du mouvement sadriste, parmi lesquels Cheikh Asaad al-Nasiri, ont annoncé leur refus de se conformer aux ordres du religieux de se retirer des manifestations.

« Je pense qu'al-Sadr est bien conscient de ce qu'il fait », a indiqué al-Tamimi, soulignant que « ses déclarations et ses tweets, qui ont été pour la plupart confus et contradictoires, indiquent qu'il essaie maintenant d'être l'homme de terrain de l'Iran en Irak ».

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