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Terrorisme

Les Ouïghours attirés en Syrie par des recruteurs extrémistes

Waleed Abou al-Khair au Caire

Des combattants ouïghours du Parti islamique du Turkistan en Syrie et leurs enfants assistent aux prières dans un camp en Syrie. [Photo largement diffusée par le Parti islamique du Turkistan en Syrie] 

Des combattants ouïghours du Parti islamique du Turkistan en Syrie et leurs enfants assistent aux prières dans un camp en Syrie. [Photo largement diffusée par le Parti islamique du Turkistan en Syrie] 

Dans leur province du nord-ouest de la Chine, les Ouïghours, une minorité ethnique musulmane habitant la province du Xinjiang, sont soumis à une sévère oppression politique et religieuse de la part des autorités nationales.

Cela en fait des proies faciles pour des groupes extrémistes comme al-Qaïda et « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS), qui tirent parti de cette situation afin de les recruter pour aller combattre sur les champs de bataille en Syrie, ont expliqué des analystes à Diyaruna.

Les Ouïghours sont soumis à des persécutions politiques, religieuses et ethniques par les autorités du Xinjiang, a expliqué à Diyaruna le politologue Abdoul Nabi Bakkar.

Ils cherchent à mettre en place un État indépendant, le Turkistan oriental, dans la région montagneuse et désertique du Xinjiang, qui est coupée en deux par l'ancienne Route de la soie, et ont tenté de gagner leur autonomie au moins trois fois, a-t-il ajouté.

Les groupes de défense des droits de l'homme expliquent que plus d'un million d'Ouïghours et d'autres minorités musulmanes sont détenus dans un vaste réseau de camps au Xinjiang dans le but d'homogénéiser la population pour refléter la culture Han majoritaire en Chine, a rapporté l'AFP ce mois-ci.

Plusieurs témoins expliquent que la Chine a tenté de forcer les Ouïghours à abandonner certaines des pratiques fondamentales de l'Islam comme le jeune durant le Ramadan et l'abstinence d'alcool et de viande de porc.

Après avoir dans un premier temps dénié l'existence de ces camps, la Chine les décrit aujourd'hui comme des écoles professionnelles destinées à atténuer l'attrait de l'extrémisme et de la violence islamiques.

Selon des images satellites analysées par l'AFP et Earthrise Alliance, le gouvernement chinois a, depuis 2014, exhumé et rasé au moins 45 cimetières ouïghours, dont 30 ces deux dernières années.

Face aux vives critiques internationales relatives au traitement des Ouïghours par la Chine, les États-Unis ont déclaré en début de mois qu'ils limiteront les visas pour les responsables de ces violations présumées, et ont inscrit sur leur liste noire 28 entreprises chinoises qu'ils accusent d'atteinte aux droits de l'homme.

Des cibles du recrutement

Ces dernières années, avec l'intensification des persécutions contre ce groupe minoritaire, la situation a pris un tour différent, a poursuivi Bakkar, et des éléments extrémistes au sein des Ouïghours ont formé le Parti islamique du Turkistan.

Selon lui, les persécutions ont poussé certains Ouïghours à adopter le salafisme djihadiste, qui converge avec l'idéologie radicale des groupes extrémistes, et un petit nombre d'entre eux ont rejoint les rangs d'al-Qaïda en Afghanistan.

Depuis, les groupes extrémistes ont exploité la cause des Ouïghours pour attirer les jeunes dans leurs rangs, renforcer leurs nombres et donner l'impression qu'ils sont répandus dans le monde entier, a-t-il expliqué.

Les extrémistes considèrent cela comme une « validation de leur idéologie dévoyée, qui n'a rien à voir avec l'Islam authentique », a ajouté Bakkar.

Des centaines de jeunes Ouïghours se sont rendus en Syrie et en Irak début 2013, où ils ont rejoint al-Qaïda et ensuite l'EIIS, a expliqué le journaliste syrien Mohammed al-Abdoullah à Diyaruna.

« Leur présence dans la région a précédé l'arrivée de l'EIIS, ce qui indique que le groupe extrémiste a mené des campagnes de recrutement organisées, tirant parti des conditions dans lesquelles vivaient les Ouïghours », a-t-il poursuivi.

Les recruteurs de l'EIIS leur ont fait croire que le groupe représentait le véritable Islam et qu'il les sortirait de la situation dans laquelle ils vivaient, a-t-il ajouté.

Exploités par les extrémistes

Selon certaines estimations, quelque 5 000 Ouïghours combattraient dans différentes factions en Syrie. Mais les analystes soulignent que la plupart combattent pour leur propre compte, pour promouvoir leur cause séparatiste.

Cela a peu à voir avec la cause syrienne, ont-ils précisé, soulignant que les Ouïghours sont pris dans une sorte de no-man's land entre l'oppression qu'ils connaissent dans leur patrie et l'idéologie destructrice qui les a conduits à rejoindre les groupes extrémistes.

En mars 2017, la branche irakienne de l'EIIS avait publié une vidéo menaçante dans laquelle des combattants ouïghours rassemblés sous la bannière de l'EIIS appelaient à des attaques contre la Chine.

En mai 2018, le parti islamique du Turkistan en Syrie avait diffusé une longue vidéo encourageant les Musulmans en Occident à émigrer pour le djihad, replaçant cela dans le cadre du combat global d'al-Qaïda.

D'autres vidéos, notamment une diffusée en juin, montre le Parti islamique du Turkistan participant aux combats en Syrie aux côtés de Jund al-Aqsa et de Tahrir al-Sham.

En Syrie, le Parti islamique du Turkistan est actif dans certaines parties de la province d'Idlib contrôlées par Tahrir al-Sham, qui a accordé une semi-autonomie aux unités comprenant des combattants ouïghours.

Al-Abdoullah a ajouté qu'il semble clair que Tahrir al-Sham profite de leur présence pour consolider son emprise sur le terrain.

On ne connaît pas le nombre précis de combattants du Parti islamique du Turkistan en Syrie, a précisé al-Abdoullah, mais selon certaines estimations, des centaines de combattants ouïghours seraient déployés dans la campagne d'Idlib et dans la province de Latakia.

Yahya Mohammed Ali, spécialiste des groupes terroristes, a expliqué à Diyaruna que les Ouïghours qui ont rejoint les groupes extrémistes en Syrie et en Irak semblent avoir perdu leurs références morales.

Bien que certaines analyses indiquent qu'ils sont venus participer à la guerre en Syrie pour acquérir une expérience du combat avant de revenir dans leur pays, leur retour semble désormais quasi impossible.

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