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Terrorisme

La communauté yézidie rejette les enfants nés de pères membres de l'EIIS

Alaa Hussain à Bagdad

Des femmes yézidies et leurs enfants en route pour Sinjar, dans la province irakienne de Ninive, après avoir été libérées de l'EIIS. [Photo extraite de la page Facebook de Jaber Jendo]

Des femmes yézidies et leurs enfants en route pour Sinjar, dans la province irakienne de Ninive, après avoir été libérées de l'EIIS. [Photo extraite de la page Facebook de Jaber Jendo]

Les femmes yézidies qui avaient été enlevées et violées par des combattants de «l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) et ont mis au monde leurs enfants sont aujourd'hui confrontées à une autre épreuve.

Ces mères, des femmes yézidies originaires du district de Sinjar en Irak et qui avaient été emmenées en Syrie après avoir été enlevées, sont maintenant contraintes d'abandonner leurs enfants en Syrie pour pouvoir rentrer dans leur patrie et auprès de leurs familles.

La raison en est que les yézidis n'acceptent pas les enfants de pères non membres de leur secte dans la communauté.

Le président du conseil spirituel suprême yézidi Hazem Tahsin Said a publié en avril ce qui a paru comme un changement historique, un décret « acceptant toutes les survivantes (des crimes de l'EIIS) en considération de ce qu'elles avaient subi contre leur volonté ».

Cette décision avait été vue comme « historique » par les activistes yézidis, qui l'interprétèrent comme signifiant que les enfants nés d'un viol seraient autorisés à vivre parmi leurs proches yézidis, a rapporté l'AFP.

Mais le 27 avril, le conseil a publié une clarification stipulant que cette décision « n'inclut pas les enfants nés d'un viol, mais se réfère aux enfants nés de deux parents yézidis ».

La communauté yézidie a longtemps considéré une femme mariée en dehors de la secte comme perdant son appartenance à cette communauté, incluant initialement celles agressées par l'EIIS en 2014.

Mais le leader spirituel yézidi Baba Cheikh a émis l'année suivante une décision accueillant de nouveau ces femmes dans la communauté, sans résoudre le sort de leurs enfants.

Pour compliquer encore les choses, la loi irakienne exige qu'un enfant né d'un père musulman soit enregistré comme musulman, quelle que soit la confession de sa mère, un arrêté très controversé au sein de la communauté yézidie.

Le président irakien Barham Saleh a présenté en avril un projet de loi au parlement qui attribuerait une indemnisation à une femme yézidie survivante des crimes de l'EIIS et prévoirait un tribunal pour clarifier des problèmes « d'état civil » tels que celui-ci.

Manque d'une législation adéquate

La loi irakienne sur l'état civil et la loi relative à la carte nationale d'identité « considèrent chaque enfant né de père inconnu ou né d'un père musulman comme musulman », a précisé le député irakien Saib Khadar, représentant de la communauté yézidie au parlement.

Cela « signifie que juridiquement, tous les enfants nés de mères yézidies violées seront enregistrés comme musulmans », a-t-il indiqué à Diyaruna.

Cela présente déjà un problème majeur pour les minorités religieuses irakiennes, notamment les chrétiens et les sabiens, qui doivent accepter la classification de leurs enfants comme musulmans si les circonstances empêchent l'identification du père, a-t-il poursuivi.

Pour tenter de résoudre la question humanitaire du sort des enfants nés de victimes yézidies de viol, « nous nous heurtons à un dilemme légal qui aboutit à un affrontement entre questions humanitaires et affaires légales », a-t-il ajouté.

Shirwan Muawiya, directeur général du service des affaires yézidies en Irak, a expliqué à Diyaruna que la crise « est immense et qu'il est nécessaire que les organisations internationales et humanitaires interviennent pour résoudre ce problème ».

Le dilemme est que les yézidis n'accepteront pas un enfant né de parents non yézidis, a-t-il précisé, alors que dans le même temps, la loi exige que ces enfants soient enregistrés comme musulmans.

La loi irakienne garantit les droits

Même s'ils se trouvent pris dans une sorte de brouillard juridique, ces enfants ont néanmoins des droits, a rappelé Fadel al-Gharawi, membre de la Haute Commission indépendante irakienne des droits de l'homme.

L'État irakien « accepte ces enfants et leur octroie la citoyenneté et l'ensemble de leurs droits légaux en tant que citoyens irakiens, quelle que soit leur affiliation sectaire », a-t-il rappelé à Diyaruna.

« La législation irakienne accorde la citoyenneté selon le droit du sang, et une femme [yézidie] violée peut s'adresser aux services ministériels compétents pour prouver la lignée de son enfant, afin que lui soit accordée la citoyenneté irakienne », a-t-il ajouté.

Ces enfants bénéficient de tous leurs droits légaux à l'éducation, aux soins et de leurs autres droits, comme n'importe quel autre citoyen, a-t-il conclu, et « cela est l'aspect essentiel de cette affaire, une fois résolue la question de leur affiliation sectaire ».

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