Jeudi 15 mars, la Syrie est entrée dans sa huitième année de guerre, certes débarrassée pour l'essentiel de « l'État islamique en Irak et en Syrie »(EIIS), mais déchirée par une lutte internationale de pouvoir, alors que le régime met tout en œuvre pour assurer une reconquête rapide.
Ce conflit, qui avait débuté le 15 mars 2011 lorsque le gouvernement du président Bachar el-Assad s'en était pris à des manifestations largement pacifiques, fait rage sans interruption et devient de plus en plus complexe.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, près de 354 000 personnes ont été tuées en sept ans. Plus de la moitié de la population qu'abritait la Syrie avant la guerre, vingt millions de personnes, a été déplacée.
Al-Assad, autrefois sur le point de perdre la présidence qu'il occupait depuis 2000, s'est vu renforcé par l'intervention militaire de la Russie en 2015, et bénéficie aujourd'hui d'un regain de pouvoir qui paraissait improbable, alors que le régime contrôle désormais plus de la moitié du territoire.
La dernière opération en date [du régime] destinée à récupérer le terrain perdu durant les premières phases de la guerre se déroule dans la Ghouta orientale, aux portes de Damas.
Les forces du régime et de ses alliés mènent une intense offensive terrestre et aérienne contre cette enclave de l'opposition, tuant plus de 1 100 civils, dont un cinquième d'enfants, dans un assaut dont la brutalité a choqué le monde.
Des bombes barils meurtrières et des armes chimiques présumées ont été larguées sur des zones civiles, transformant des villes entières en champs de ruines.
« Ruée vers la Syrie »
Les derniers mois ont vu la mort de l'État autoproclamé de l'EIIS, une expérience extrémiste qui a provisoirement donné un objectif commun à des forces rivales.
L'EIIS a en effet été progressivement battu par une myriade de forces, et l'année 2017 a vu l'effondrement total du contrôle qu'il exerçait sur les régions dont il s'était emparé. Bien que le groupe possède encore quelques combattants retranchés dans des repaires dans le désert, ses ambitions territoriales ont été battues en brèche.
« Il est très difficile pour l'EIIS de reprendre pied sur le terrain », a expliqué Joshua Landis, directeur du Centre d'études sur le Moyen-Orient de l'université de l'Oklahoma, qui met en garde sur le fait que les extrémistes conservent leur capacité à monter des attaques.
Alors qu'elles investissaient des forces et du matériel dans la guerre contre l'EIIS et d'autres extrémistes, les puissances mondiales acquéraient également une influence grandissante dans la région.
Après que les armées étrangères ont terminé de combattre un bastion de l'EIIS après l'autre, tous les yeux se sont tournés une nouvelle fois vers les régions de Syrie qui avaient connu une accalmie relative lors des combats.
« Ce à quoi nous assistons est une ruée vers la Syrie », a expliqué Landis.
« La principale tendance va être la division de la Syrie » en trois blocs, a-t-il expliqué, la part du lion revenant au régime, appuyé par la Russie et l'Iran.
Échec des négociations
Les forces arabes et kurdes appuyées par la coalition tiennent un territoire au nord-est de la Syrie qui couvre 30% du pays, et tout un ensemble de combattants de l'opposition, appuyés par la Turquie, est en train de former un troisième havre dans le nord-ouest du pays.
« L'influence turque et américaine sur le terrain, à l'intérieur de la Syrie, continuera à s'étendre », a prédit Nicholas Heras, du Centre for New American Security.
« Ainsi, 2018 poursuivra cette tendance à consolider la Syrie en zones de contrôle, alors même que les forces [du régime] progressent dans certains secteurs », a-t-il expliqué.
Le régime s'attache maintenant à rompre toute résistance dans la Ghouta orientale, aux portes de la capitale, à portée de mortier des principales institutions.
Le spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche a prédit que cette enclave de l'opposition ne tiendra plus très longtemps, et que des accords d'évacuation devront être conclus.
« Pour le régime, 2018 sera l'année de sa reprise intégrale de Damas et de toute son agglomération », a expliqué Balanche, professeur associé à l'institut Hoover de l'université de Stanford.
Les pourparlers de Genève sous l'égide des Nations unies, ainsi que les négociations par l'entremise de la Russie à Sotchi ne sont pas parvenues à créer les perspectives crédibles d'une solution politique au conflit.