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Terrorisme

Enfants de l'EIIL : une génération sans identité officielle

Par Waleed Abou al-Khair au Caire

En mars 2015 à Doum, un faubourg de Damas, des enfants syriens rejouent des scènes de vidéos de l'EIIL qu'ils ont vues . Plusieurs spécialistes font part de leurs préoccupations concernant le sort des enfants de combattants du groupe. [Abd Doumany/AFP]

En mars 2015 à Doum, un faubourg de Damas, des enfants syriens rejouent des scènes de vidéos de l'EIIL qu'ils ont vues . Plusieurs spécialistes font part de leurs préoccupations concernant le sort des enfants de combattants du groupe. [Abd Doumany/AFP]

La présence de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) a eu des conséquences désastreuses sur les enfants dans les régions sous son contrôle, avec l'émergence d'une nouvelle génération sans papiers d'identité.

Sans preuve de leur nationalité, de leur date de naissance ou même de leur existence, ces enfants sont destinés à connaître des difficultés dans leur vie quotidienne et au sein des communautés qui les accueillent, ont expliqué des spécialistes à Diyaruna.

« La question de ces enfants nés ou à naître d'un père ou d'une mère combattant dans les rangs de l'EIIL créera à l'avenir un véritable problème et aura un impact négatif sur l'avenir de la Syrie », a expliqué l'avocat syrien Bashir el-Bassam, qui habite au Caire.

« Ces enfants, quelle que soit la nationalité de leurs parents, ne sont enregistrés auprès d'aucune agence gouvernementale arabe ou étrangère, et manquent de ce fait de tout document d'identité officiel », a-t-il précisé à Diyaruna.

« Aux yeux de la loi, ils n'existent pas », a-t-il ajouté.

« Lorsque le problème de l'EIIL aura pris fin, que le dossier de la crise syrienne sera refermé et que les choses seront revenues à la normale, même au minimum, ils seront considérés comme des enfants de parents inconnus ou, pour employer la terminologie gouvernementale, 'non enregistrés' ou ‘bidoun’ », a poursuivi al-Bassam.

Selon la loi syrienne, l'enregistrement des nouveau-nés nécessite un contrat de mariage légal, émis par une agence gouvernementale légitime, a poursuivi cet avocat syrien.

« De ce fait, l'enregistrement d'un enfant né d'un père ou d'une mère ayant combattu pour l'EIIL est légalement impossible, car le contrat de mariage est émis par une partie illégale », a-t-il ajouté.

De plus, a-t-il indiqué, les contrats de mariage émis dans des régions sous le contrôle de l'EIIL ne sont pas documentés, « et il est donc impossible de prouver la légalité du mariage ».

Les conséquences de tels cas ont déjà été constatées dans des zones sous le contrôle de l'EIIL, notamment à al-Raqqa, où les enfants de combattants de l'EIIL sont qualifiés de « bidoun », a expliqué Mahmoud al-Amin, enseignant à la retraite et habitant d'al-Raqqa.

« Nombres de jeunes Syriennes ont été mariées de force à des combattants de l'EIIL, plusieurs centaines dans la seule province d'al-Raqqa », a-t-il expliqué à Diyaruna. « Ces femmes et leurs familles sont confrontées au problème de prouver la filiation de leurs enfants, car leurs mariages ont été célébrés de manière non officielle par un imam de l'EIIL. »

« De plus, obtenir un certificat de naissance de la part du docteur ayant procédé à l'accouchement est impossible, parce que l'EIIL oblige à ce que les naissances soient faites par une sage-femme », a-t-il ajouté.

Une bombe à retardement pour la société

Le problème des enfants nés dans l'EIIL est l'un des « pires désastres sociaux auxquels soit confrontée la société syrienne », a déclaré Basma Husni, professeur de sociologie à l'université du Caire.

Les agences d'État finiront par placer ces enfants dans des institutions spécialisées, afin de pouvoir évaluer leur état psychologique et déterminer s'ils représentent un danger pour la société, a-t-elle précisé.

« Cela aura un impact sur les enfants de parents inconnus eux-mêmes, car ils devront vivre avec un sentiment d'injustice », a-t-elle expliqué.

Cela détruira leur estime de soi et engendrera en eux « un intense ressentiment envers leurs parents et la société », qui pourrait déboucher sur de graves désordres comportementaux, a-t-elle poursuivi.

Ce manque de papiers d'identité bloquera également leur accès à l'éducation, aux services sanitaires et sociaux, au mariage et à l'exercice de leurs droits, comme le droit de vote, a ajouté Husni.

« Tout ce que souhaite l'EIIL, c'est produire une nouvelle génération de combattants totalement fidèles, ce qui explique la promotion qu'il fait du mariage et l'incitation faite aux jeunes hommes de se marier et d'avoir des enfants », a expliqué le major général Abdoul Karim Ahmed, officier en retraite de l'armée égyptienne, et par ailleurs analyste militaire et spécialiste des affaires d'al-Qaïda .

Pour lui, cela assurerait un flux d'enfants dans les camps d'entraînement que l'EIIL a mis en place, comme les « lionceaux d'al-Zarqaoui » dans la région de Ghouta de la province de Damas, et constituerait une force du groupe pour l'avenir.

Ce problème doit être abordé dès que possible, a-t-il conclu, avant qu'il ne soit trop tard.

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