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Droits de l'Homme

D'anciens détenus racontent les tortures dans les prisons syriennes

Par Waleed Abou al-Khaïr au Caire

Une image tirée du film « Tadmor » montre la dureté des traitements dans les prisons du régime syrien. Ce film a été produit en collaboration avec l'Association des détenus libanais en Syrie et est coréalisé par Monika Borgmann et Lokman Slim. [Photo extraite du film Tadmor]

Une image tirée du film « Tadmor » montre la dureté des traitements dans les prisons du régime syrien. Ce film a été produit en collaboration avec l'Association des détenus libanais en Syrie et est coréalisé par Monika Borgmann et Lokman Slim. [Photo extraite du film Tadmor]

D'anciens détenus emprisonnés en Syrie ont raconté leur histoire à Diyaruna, révélant que la surpopulation, les mauvais traitements, les abus et la torture étaient des pratiques fréquentes dans les prisons de l'ensemble du pays.

Selon un ancien prisonnier, « l'enfer est plus doux que les prisons syriennes ».

Plusieurs d'entre elles « ont une horrible réputation et abritent bien plus de prisonniers que leur capacité le prévoit » a rappelé Me Bassam Bashir, un avocat syrien qui habite actuellement au Caire.

Les plus notoires parmi ces centres de détention sont la prison de Tadmor (à Palmyre) et les prisons de Saydnaya, al-Mezzeh, Adra, Idlib et le centre de détention de Khan Abou al-Shamat, a-t-il expliqué à Diyaruna.

Une image extraite du film « Tadmor » montre des gardiens d'une prison syrienne torturant un prisonnier en l'attachant à un pneu de voiture selon une méthode appelée « la roue ». [Photo tirée du film Tadmor]

Une image extraite du film « Tadmor » montre des gardiens d'une prison syrienne torturant un prisonnier en l'attachant à un pneu de voiture selon une méthode appelée « la roue ». [Photo tirée du film Tadmor]

Les agences de renseignement de l'État, notamment la branche Palestine, la branche des renseignements de l'armée de l'air, la branche al-Mantaqa (branche 227) et le régiment 555 ont transformé certaines de leurs installations en centres de détention, a précisé Bashir.

De nouvelles prisons ont été ouvertes à la base aérienne al-Doumayr dans la partie rurale de la province de Damas et à l'aéroport militaire d'al-Mezze, et de nombreuses branches des agences de renseignements dans le pays disposent maintenant de cellules, a-t-il ajouté.

« Il n'est pas possible de dire avec certitude combien il y a de détenus en Syrie, parce que les prisons regorgent de détenus et sont très largement surpeuplées, et parce que le régime ne respecte pas la loi concernant la tenue des registres carcéraux », a déclaré Bashir.

Menottes et flagellations

Qasim al-Akhras, 65 ans, commerçant d'Alep vivant maintenant au Caire, a raconté à Diyaruna que le temps passé à la prison d'Adra, dans la banlieue de Damas, avait été « la pire période de ma vie ».

« J'y ai été soumis aux formes les plus horribles de traitements inhumains », a-t-il raconté.

Son calvaire débuta lorsqu'il fut arrêté le 4 septembre 2012, a-t-il rapporté, ajoutant que durant la demi-heure que dura le trajet jusqu'à un centre de sécurité à Damas, « j'ai été battu avec des matraques et inondé de toutes sortes d'insultes ».

« Lorsqu'ils me sortirent du véhicule, les gardiens du centre de détention se joignirent aux éléments qui m'avaient arrêté pour me battre, avant de m'emmener directement à la salle d'interrogatoire, où personne ne m'adressa un mot, se contentant d'opiner de la tête », a raconté al-Akhras.

« Je fus ensuite emmené vers des toilettes qui sentaient extrêmement mauvais, sans lumière ni aération », a-t-il poursuivi, où il resta jusqu'au soir suivant, lorsqu'on lui banda les yeux pour l'emmener dans une autre pièce.

J'y ai été menotté et suspendu au-dessus du sol.

« L'un deux me fouetta tellement le dos que la douleur me fit perdre connaissance », a-t-il rapporté. « Par la suite, je rouvris les yeux pour me retrouver dans les toilettes. »

Le lendemain, il fut transporté, ainsi que quatre autres prisonniers, à Adra, où il fut immédiatement conduit à la salle d'interrogatoire.

Surpopulation et torture

Pendant un mois, a expliqué al-Akhras, il fut battu et interrogé, accusé d'avoir « financièrement aidé des éléments terroristes », une accusation qu'il réfute, expliquant qu'il se trouvait à Damas pour y rencontrer des commerçants et acheter des marchandises pour son magasin.

Il finit par craquer et avouer des choses qu'il n'avait jamais faites, a-t-il poursuivi, pensant que cela « mettrait fin aux tortures ».

« Mais elles continuèrent, et l'interrogateur m'arracha un ongle à la main droite et me brûla le dos avec une barre chauffée à blanc, ce qui me laissa des marques encore visibles aujourd'hui », a précisé al-Akhras.

Pendant le premier mois, il fut enfermé dans une toute petite cellule, en confinement solitaire, où on lui donnait un morceau de pain et une tasse d'eau croupie.

« On m'a ensuite transféré vers les cellules communes, qui n'étaient pas beaucoup mieux que les cellules de confinement », a-t-il expliqué.

Nous étions quarante-cinq détenus dans la pièce, a-t-il relaté, qui, avec ses six mètres de long et quatre mètres de large, était à peine assez grande pour quinze personnes.

Chaque prisonnier y occupait un espace à peine plus grand que lui, a-t-il raconté, ajoutant que si quelqu'un essayait de se lever ou de se déplacer vers un autre endroit, il perdait son espace pour dormir.

Souvent, ils « dormaient en position assise en s'appuyant les uns contre les autres », a-t-il expliqué. « La pièce ne disposait d'aucune toilette, et les prisonniers devaient déféquer dans un seau qui était vidé une seule fois chaque matin. »

Al-Akhras a expliqué être resté en prison jusqu'au 30 décembre 2013, lorsque sa famille conclut un accord avec un responsable politique à Damas, moyennant quelque 150 000 dollars.

Il resta un temps très court en Syrie après cela, puis partit avec sa famille au Liban, puis de là, au Caire.

Battu sur « la roue »

Tawfiq Saleh, un commerçant égyptien de 60 ans, qui a demandé à utiliser un pseudonyme par peur pour sa sécurité, a expliqué à Diyaruna qu'une simple dispute avec un responsable d'une agence de sécurité syrienne lui avait coûté 17 ans de sa liberté.

Saleh avait été arrêté à Beyrouth en 1994 puis emmené en Syrie, où il resta en détention jusqu'en 2011, a-t-il raconté, ajoutant que pendant près de six ans, il fut incarcéré à la tristement célèbre prison de Saydnaya .

Il fut soumis au même type de torture « dans tous les centres de détention où j'ai été transféré », a-t-il relaté.

« Au début, je fus détenu à Beau Rivage, où je fus conduit au sous-sol et fouetté sur tout le corps », a-t-il raconté. « Je fus électrocuté dans les doigts et sur mes parties sensibles, et fus sévèrement battu après avoir été attaché à un pneu de voiture. »

Avec cette méthode, connue comme « la roue », a-t-il précisé, les jambes sont attachées de telle manière que les pieds sont tournés vers le haut, permettant au tortionnaire de frapper les deux pieds pendant toute la durée de la séance de torture.

« J'ai été torturé selon la "méthode du fantôme", les mains attachées à une chaîne pendant du plafond et étant soulevé jusqu'à ce que mes pieds ne touchent plus le sol. J'étais maintenu dans cette position pendant des heures et était sévèrement battu », a-t-il raconté.

Les gardiens le torturaient également en utilisant la méthode du « tapis volant », a-t-il poursuivi, dans laquelle il était attaché à une planche en bois de la taille de son corps, soulevé en l'air et battu.

Certains de ces termes avaient été inventés par les gardiens, d'autres par des prisonniers, a-t-il ajouté.

Saleh a expliqué qu'il fut d'abord transféré à la branche Palestine, « où je fus battu de mille manières, avec une canne en bois, des chaînes de métal, un tuyau en plastique renforcé et parfois des cordes, avant d'être transféré à la prison de Tadmor, où j'ai passé le reste de mes années de détention ».

« Comme vivre en enfer »

Les conditions de détention à Tadmor étaient horribles, a expliqué Saleh.

« C'était comme vivre en enfer même. Des paroles dégradantes étaient tout ce que les prisonniers entendaient, en plus des insultes qui n'épargnaient personne », a-t-il ajouté.

« En plus des tortures, du fouet, des coups et des électrocutions, les geôliers faisaient montre de toutes sortes d'attitudes sadiques envers les détenus », a-t-il précisé.

Cela incluait « les forcer à boire de l'urine, à manger des cafards, à s'insulter entre eux et à crier des saluts au président syrien », a-t-il expliqué, ajoutant que les gardes brûlaient également les prisonniers avec des cigarettes et des briquets.

Saleh a expliqué qu'il fut libéré de prison pour raison de santé, avec une hernie discale, de l'asthme, de l'hypertension, du diabète et une infection aux yeux.

Les symptômes de ces diverses afflictions apparurent pendant qu'il était en prison, a-t-il précisé, mais il ne reçut aucun traitement ni aucun médicament, pas plus que quiconque.

Malgré ses souffrances, a raconté Saleh, il se considère chanceux, car de nombreux prisonniers perdirent la vie par suite de complications des maladies contractées, tandis que d'autres furent abattus lors d'exécutions systématiques.

Malgré cela, a-t-il ajouté, il a quitté la prison avec « des mauvais souvenirs qui me resteront en tête pour le reste de ma vie ».

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1 COMMENTAIRE (S)
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je ne sais pas quoi dire pour cette jenre de torture inhumain mais quoiqu'il en soit ,nous sommes tous des êtres humains et nous devrons nous mettre à la place des autres et se battre pour chercher et trouver le moyen d'éradiquer définitivement cette jenre de torture qui brise totalement les hommes en les considérant comme des animaux

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