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Les habitants du camp d'al-Rukban réfutent les « mensonges » russes sur les évacuations

Waleed Abou al-Khair au Caire

Les habitants du camp d'al-Rukban manifestent en octobre 2018 pour dénoncer le blocage par les forces du régime syrien de la fourniture d'aide humanitaire et de nourriture. [Photo fournie par l'administration civile du camp d'al-Rukban]

Les habitants du camp d'al-Rukban manifestent en octobre 2018 pour dénoncer le blocage par les forces du régime syrien de la fourniture d'aide humanitaire et de nourriture. [Photo fournie par l'administration civile du camp d'al-Rukban]

Les habitants du camp d'al-Rukban sont à nouveau victimes d'une campagne de désinformation et de propagande russe, qui vise cette fois l'évacuation des habitants du camp avec l'aide des Nations unies.

En août, les Nations unies avaient indiqué qu'elles allaient évacuer les civils du camp « épouvantable » dans le désert syrien proche de la frontière avec la Jordanie, après qu'une mission onusienne eut déterminé ceux qui souhaitaient partir.

Ce camp isolé est situé non loin d'une base utilisée par la coalition internationale combattant « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS).

« Nous sommes prêts à faciliter » les évacuations du camp d'al-Rukban, a déclaré le 30 août Panos Moumtzis, chef de l'équipe humanitaire des Nations en Syrie à l'AFP. « Nous souhaitons nous assurer que cela se fera de manière volontaire. »

Des combattants de Jaish Maghawir al-Thawra lors d'une séance d'entraînement de nouveaux volontaires. [Jaish Maghawir al-Thawra/WhatsApp]

Des combattants de Jaish Maghawir al-Thawra lors d'une séance d'entraînement de nouveaux volontaires. [Jaish Maghawir al-Thawra/WhatsApp]

Alors que les évacuations volontaires doivent commencer fin septembre, la Russie a accusé les États-Unis et Jaish Maghawir al-Thawra, une faction de l'Armée syrienne libre épaulée par la coalition internationale, d'empêcher les habitants de quitter le camp.

L'évacuation est « sur le point de s'effondrer en raison des provocations de combattants placés sous le contrôle des États-Unis », a déclaré le général russe Mikhail Mezentsev lors d'une conférence de presse le 18 septembre, a rapporté l'agence de presse libanaise al-Wassat News.

Selon ce général, les combattants de Jaish Maghawir al-Thawra ont refusé d'assurer la sécurité des convois d'évacuation et ont pillé une partie de l'aide humanitaire distribuée aux habitants du camp.

« Mensonges manifestes » de la Russie

Les habitants du camp d'al-Rukban et les humanitaires sur place réfutent toutefois ces allégations russes.

« Les déclarations russes faites en liaison avec la campagne de propagande ne sont rien d'autres que des mensonges manifestes », a déclaré à Diyaruna Mohammed Ahmad Derbas, vice-président du conseil tribal de Palmyre et Badiya et président du conseil local du camp d'al-Rukban.

« Ceux qui ont décidé de rester dans le camp l'ont fait de leur plein gré sans pression de qui que ce soit », a-t-il précisé.

Jaish Maghawir al-Thawra est composé pour l'essentiel d'habitants du camp provenant de plusieurs régions, et leur mission consiste à protéger le camp et ses habitants contre toute attaque, a-t-il ajouté.

Ils ont mené de rudes combats contre l'EIIS qui essayait de blesser les civils dans le camp, et ont repoussé les forces du régime lorsqu'elles tentèrent de progresser dans le désert de Badiya entourant le camp, a poursuivi Derbas.

Le travailleur humanitaire d'al-Rukban Tariq al-Nuaimi a confirmé que les habitants du camp qui souhaitaient partir l'avaient déjà fait.

« Le nombre de déplacés internes dans le camp est passé de 50000 à 12700, selon le dernier recensement mené avec la participation des Nations unies il y a environ un mois », a-t-il expliqué à Diyaruna.

Aide humanitaire suspendue

Les Nations unies et le Croissant-Rouge syrien ont envoyé une mission dans le camp en août pour déterminer combien de personnes y restaient et combien souhaitaient partir, selon le responsable onusien Moumtzis, .

« Un peu plus d'un tiers d'entre eux souhaitent partir », a-t-il ajouté. « La grande majorité vers des zones tenues par le gouvernement, d'autres vers le nord » aux mains de l'opposition.

Quelque 47 % des habitants du camp interrogés ont indiqué vouloir rester, citant des raisons tenant à des « préoccupations sécuritaires » et à la « peur d'être arrêtés ».

Ceux qui restent dans le camp « refusent catégoriquement de retourner dans les zones contrôlées par le régime [syrien], les troupes russes et les milices iraniennes en raison des différends politiques et par crainte d'être poursuivis s'ils rentrent dans leur région », a ajouté al-Nuaimi.

L'aide humanitaire a été suspendue par suite des mensonges russes à propos des vols d'aide par les combattants de Jaish Maghawir al-Thawra, a-t-il poursuivi.

« Cela est absolument faux, car toute la nourriture qui est entrée dans le camp a été distribuée, et les équipes médicales continuent de fournir des services et des médicaments, mais risquent de devoir arrêter de le faire lorsque les fournitures s'épuiseront », a-t-il ajouté.

L'arrivée de l'hiver augmentera « les souffrances des habitants du camp sous le siège imposé par la Russie et les forces du régime, qui bloqueront l'arrivée de toute aide à moins qu'elle ne soit apportée par elle et en présence du Croissant-Rouge syrien », a indiqué al-Nuaimi.

Le marché du camp connaît une sévère pénurie d'approvisionnement parce que les commerçants ne sont pas autorisés à faire entrer des marchandises provenant des zones contrôlées par le régime, le seul côté depuis lequel les marchandises peuvent entrer, a-t-il souligné.

Les prétentions russes sont « risibles »

Bassem al-Akaidat, un habitant du camp âgé de 40 ans, a expliqué que les mensonges de la Russie sont « risibles », en particulier ceux liés au vol de l'aide par les combattants de Jaish Maghawir al-Thawra, dont beaucoup sont des habitants du camp.

« Iraient-ils voler l'aide de leurs proches ? », s'est-il interrogé, ajoutant que les membres de Jaish Maghawir al-Thawra qui habitent dans le camp ont plus d'une fois distribué leurs rations alimentaires à ceux qui en ont vraiment besoin.

« Comment une personne qui renonce à sa ration alimentaire pour la donner aux habitants du camp pourrait-elle voler cette aide ? »

Les habitants d'al-Rukban doivent résister aux tentatives visant à les évacuer par la force vers des zones contrôlées par le régime, mais ils ont bloqué les bus envoyés par le régime pour les transporter vers des zones sous son contrôle, a expliqué al-Akaidat à Diyaruna.

Le régime et la Russie s'efforcent de faire croire que Jaish Maghawir al-Thawra et les forces de la coalition sont la raison pour laquelle les civils et les habitants restants refusent de quitter le camp », a-t-il poursuivi. « C'est un pur mensonge. »

L'unique raison pour laquelle le régime et la Russie avaient annoncé en février dernier qu'ils avaient rouvert des corridors pour sortir du camp, appelant les habitants à partir, est pour se donner des allures de « sauveurs », a-t-il expliqué.

En réalité, ceux qui ont quitté le camp pour passer vers des zones contrôlées par le régime ont été victimes de harcèlements par les forces de sécurité, et des dizaines de familles sont encore retenues dans des centres d'accueil et et ne sont pas autorisées à retourner dans leurs bourgs et leurs villages.

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