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L'Irak cherche à réconcilier les communautés séparées par l'EIIS

Khalid al-Taie

Des leaders tribaux de la province de l'Anbar participent en décembre 2017 à une réunion pour encourager la réconciliation des communautés et discuter du retour des familles déplacées. [Photo fournie par le ministère irakien de l'Intérieur]

Des leaders tribaux de la province de l'Anbar participent en décembre 2017 à une réunion pour encourager la réconciliation des communautés et discuter du retour des familles déplacées. [Photo fournie par le ministère irakien de l'Intérieur]

Des responsables irakiens et des leaders locaux cherchent à poser les bases d'une paix civile dans les communautés qui souffrent encore des crimes perpétrés par « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) lorsqu'il était au pouvoir.

Des efforts sont en cours pour encourager la réconciliation entre les familles des combattants de l'EIIS et ceux qui ont perdu des êtres chers ou des biens pendant le règne du groupe.

Les efforts de réconciliation progressent dans certaines régions de l'Anbar, mais restent une question difficile à Ninive, où les tensions se sont manifestées entre ceux que l'on pense être des membres de familles de victimes de l'EIIS et les proches des éléments de l'EIIS.

Selon des sources judiciaires, des « incidents de représailles » ont eu lieu à Mossoul, a rapporté le 24 avril Irak Akhbar, et le maire adjoint de Ninive, Nour al-Dean Qublan, a confirmé à Diyaruna que ces incidents se sont produits.

Des responsables locaux de la province de Ninive écoutent le 28 janvier les doléances de familles déplacées vivant dans des camps. [Photo fournie par le ministère irakien de l'Intérieur]

Des responsables locaux de la province de Ninive écoutent le 28 janvier les doléances de familles déplacées vivant dans des camps. [Photo fournie par le ministère irakien de l'Intérieur]

Pour aider à réhabiliter les membres des familles de l'EIIS et les protéger des représailles, les autorités locales de Mossoul ont décidé il y a environ deux ans de les transférer dans des camps pour déplacés internes (DI) plus près de la ville.

La majorité des familles ont été emmenées dans un camp de DI à Bartala, où des programmes de réhabilitation sont proposés pour qu'elles soient réintégrées dans la société.

« La plupart des familles et des proches des éléments de l'EIIS vivent actuellement dans des camps de DI et des refuges dans le sud-est de Mossoul », a fait savoir Qublan.

Pour gérer les crimes liés au terrorisme, les autorités locales se tournent vers le système et les processus judiciaires pour s'assurer que justice soit rendue, a-t-il ajouté.

Protéger les innocents

« La question des familles ISIS est sensible à cause de l'héritage des crimes commis par [le groupe], et qui ont placé de nombreuses personnes dans le cercle de la culpabilité et de la vengeance », a déclaré Ali al-Bayati, porte-parole de la Haute Commission indépendante des droits de l'homme.

« Plusieurs rapports de nos bureaux des provinces libérées ont décrit les conditions difficiles que connaissent ces familles dans les camps », a-t-il indiqué à Diyaruna.

Pour remédier à cette situation, la commission a « récemment formé un comité d'enquête pour comprendre la situation de ces familles », a fait savoir al-Bayati.

« La plupart de ces personnes sont des femmes et des enfants qui n'ont ni soutien ni revenus », a-t-il précisé, notant qu'ils sont confrontés à toutes sortes de difficultés.

« D'un côté elles ne peuvent pas retourner dans leur quartier, parce que les communautés locales les rejettent, et d'un autre côté le fait de rester dans les camps comme individus isolés aggrave encore leur situation psychologique et économique».

« Ce problème nécessite une intervention et un soutien important de la part du gouvernement et de la communauté internationale », a-t-il affirmé.

Les efforts continus pour réhabiliter ces femmes et ces enfants sont essentiels, a-t-il ajouté, « car certains d'entre eux pourraient être influencés par la pensée extrémiste ou y être favorables ».

Il est particulièrement important de s'occuper des enfants, a-t-il déclaré, en leur « donnant accès à une éducation et en leur fournissant les documents nécessaires pour qu'ils puissent être intégrés dans la société ».

Cela leur permettra de suivre un chemin qui fera d'eux des individus productifs, a-t-il expliqué.

Soutien à l'État de droit

Al-Bayati a également appelé le gouvernement à « écouter les doléances des victimes de l'EIIS et à répondre à leurs besoins ».

« Les membres des familles de l'EIIS qui ont le sang de personnes innocentes sur les mains doivent être traduits en justice tout comme leurs proches membres de l'EIIS », a-t-il affirmé, décourageant les représailles hors du système judiciaire.

« Les meurtriers seront tôt ou tard punis par la loi, et la vengeance n'est pas la voie de la justice et ne donnera pas à ces victimes leurs droits », a-t-il déclaré.

Dans les provinces de Diyala, de Salaheddine et de l'Anbar, certaines familles de l'EIIS qui n'avaient pas été reconnues coupables de crimes terroristes sont retournées dans leurs anciennes communautés dans le cadre des efforts de réconciliation.

Les responsables locaux et les chefs tribaux « travaillent dur pour combler le fossé que les terroristes ont creusé entre les familles de l'Anbar », a fait savoir le député irakien Falih al-Esawi, qui représente l'Anbar au parlement.

Cette province, la plus à l'ouest de l'Irak, entreprend un effort concerté pour décourager les attaques de vengeance, l'incitation et la violence, a-t-il indiqué à Diyaruna.

Les dirigeants tribaux et locaux travaillent pour atteindre une plus grande stabilité civile en tentant d'unifier leur approche et de résoudre « des problèmes insolubles grâce à des rencontres directes de réconciliation entre les familles », a rapporté al-Esawi.

Ces actions ont pour but de garantir que tout le monde est traité équitablement face à la loi, a-t-il déclaré, « car les victimes du terrorisme ont des droits, et les membres innocents de familles de l'EIIS ne doivent pas non plus être négligés ».

Si les familles des combattants de l'EIIS ne peuvent pas se réinsérer dans la société, elles risquent de « devenir des proies faciles pour les extrémistes et les partisans de la violence », a-t-il fait savoir.

« Bien que nous essayions de résoudre cette question complexe, une résolution finale nécessitera beaucoup de temps et d'efforts de la part des institutions étatiques et du système judiciaire, ainsi que de la société civile et des organisations internationales », a-t-il conclu.

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