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Terrorisme

Un mois après la défaite de l'EIIS en Syrie, les défis sont nombreux

AFP

Une femme kosovare et ses deux enfants rentrés de Syrie sont aidés avec leurs bagages alors qu'ils quittent le centre de détention pour étrangers pour retrouver leur famille dans le village de Vranidoll, le 22 avril. Le 20 avril, le Kosovo a rapatrié 110 de ses ressortissants de Syrie, pour l'essentiel des mères et leurs enfants qui avaient suivi leurs partenaires partis rejoindre les groupes extrémistes dans ce pays ravagé par la guerre. [Armend Nimani/AFP]

Une femme kosovare et ses deux enfants rentrés de Syrie sont aidés avec leurs bagages alors qu'ils quittent le centre de détention pour étrangers pour retrouver leur famille dans le village de Vranidoll, le 22 avril. Le 20 avril, le Kosovo a rapatrié 110 de ses ressortissants de Syrie, pour l'essentiel des mères et leurs enfants qui avaient suivi leurs partenaires partis rejoindre les groupes extrémistes dans ce pays ravagé par la guerre. [Armend Nimani/AFP]

Cellules dormantes, prisons bondées d'extrémistes, camps remplis de leurs femmes et de leurs enfants – les périls sont légion en Syrie près d'un mois après que « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) a été déclaré vaincu.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont annoncé la victoire sur le proto-État de l'EIIS le 23 mars, après une guerre de près de cinq ans contre ce groupe de militants.

L'élimination du territoire physique a refermé un long chapitre du conflit syrien, mais les FDS et la coalition militaire qui les appuie ont averti que la lutte était loin d'être finie.

L'EIIS est encore en mesure de « lancer des attaques régulières chaque semaine », a expliqué Tore Hamming, spécialiste des mouvements extrémistes à l'Institut de l'Université européenne.

Même après avoir perdu leur dernière parcelle de territoire dans le village d'al-Baghouz, dans l'est du pays, les extrémistes conservent une présence dans le vaste désert syrien et des repaires ailleurs dans le pays.

Durant cette seule semaine, des militants de l'EIIS ont tué 35 combattants fidèles au gouvernement syrien en l'espace de 48 heures, faisant passer le bilan des morts du régime en deux jours à plus de 60 aux mains de toutes les factions extrémistes, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Avant cela, le 9 avril, l'EIIS avait revendiqué un double attentat à la bombe qui avait tué treize personnes dans la ville d'al-Raqqa tenue par les FDS.

« Terreau fertile »

Nicholas Heras, analyste au Centre for a New American Security, met en garde que l'EIIS détient encore une influence considérable sur ses « réseaux de soutiens locaux ».

« Une grande partie de la stratégie de l'EIIS pour se développer à nouveau est de continuer à entretenir des liens forts avec certaines des tribus locales de l'est de la Syrie et de l'ouest de l'Irak », a-t-il expliqué.

Alors que le régime et les forces appuyées par les États-Unis traquent les cellules dormantes de l'EIIS en fuite, les autorités kurdes dans le nord-est de la Syrie doivent relever un autre défi.

Des milliers de combattants extrémistes présumés, parmi lesquels des centaines d'étrangers, sont maintenant détenus dans les prisons sous administration kurde, tandis que leurs proches attendent dans des camps de déplacés surpeuplés.

Ces chiffres préoccupent l'administration semi-autonome kurde, qui souhaite maintenant juger les extrémistes présumés.

« Nous avons demandé que soit mis en place un tribunal international pour juger ces terroristes », a expliqué à l'AFP Abdel Karim Omar, haut responsable des affaires étrangères.

« Notre priorité est de juger les criminels », a-t-il ajouté.

Depuis 2014, les combattants de l'EIIS ont été accusés de procéder à des décapitations et à des exécutions de masse, de commettre des viols, de perpétuer des enlèvements et de se livrer à nettoyage ethnique.

Ils sont par ailleurs accusés d'avoir lapidé à mort des femmes soupçonnées d'adultère, et d'avoir précipité des homosexuels depuis le toit de bâtiments élevés.

Si de nombreux extrémistes sont aujourd'hui en prison, ils constituent encore une menace, affirment des experts.

« Ces centres de détention deviennent des terreaux fertiles de la radicalisation », a indiqué le Centre Soufan dans un rapport rendu public le 12 avril.

« Il existe un risque majeur d'assister à des tentatives d'évasion organisées par l'EIIS », a déclaré cet organisme spécialisé dans les analyses de sécurité.

Hamming a poursuivi en expliquant que « ni la Syrie ni l'Irak n'ont les moyens ni la stabilité politique pour gérer correctement un nombre aussi grand de prisonniers ».

« De futurs terroristes » ?

Les autorités kurdes appellent la communauté internationale à l'aider à construire et à assurer la garde de centres de détention de haute sécurité, après que plusieurs États occidentaux eurent refusé de rapatrier leurs ressortissants.

Faisant figure d'exception, le Kosovo a rapatrié samedi quatre hommes soupçonnés d'avoir combattu dans les rangs de l'EIIS en Syrie, sur 110 de ses ressortissants.

Les Kurdes de Syrie demandent aussi un soutien bien plus important pour les camps de déplacés, où s'entassent des dizaines de milliers de personnes qui avaient fui les combats contre l'EIIS.

Ces camps abritent quelque 12 000 étrangers, 4 000 femmes et 8 000 enfants, qui y sont gardés sous surveillance, selon Omar.

Le plus grand de ces camps, al-Hol, a vu sa population gonfler à plus de 73 000 personnes, et les conditions s'y dégradent en raison de cet afflux massif.

L'International Rescue Committee a fait état de plusieurs cas de malnutrition aiguë, de pneumonie et de déshydratation parmi les enfants de ce camp.

Selon les Nations unies, 211 enfants âgés de moins de cinq ans sont morts en chemin vers al-Hol ou peu après leur arrivée depuis décembre.

Le Centre Soufan a mis en garde que cette crise humanitaire pouvait être utilisée comme un outil de recrutement.

« Les combattants [de l'EIIS] cherchent des moyens pour capitaliser sur la souffrance dans ces camps pour rajeunir leur organisation », a-t-il précisé.

Quant aux enfants de ces combattants étrangers présumés, a conclu Omar, « s'ils ne sont pas renvoyés dans leurs pays, rééduqués et réintégrés dans la société, ils deviendront de futurs terroristes ».

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