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Des artistes irakiens révèlent la souffrance et l'espoir de Mossoul

Khalid al-Taie

Sur cette peinture, l'artiste Sheelan Namiq, qui avait été contrainte de quitter Mossoul après l'invasion de l'EIIS, peint la joie de la libération de la ville en 2017. [Photo fournie par Sheelan Namiq]

Sur cette peinture, l'artiste Sheelan Namiq, qui avait été contrainte de quitter Mossoul après l'invasion de l'EIIS, peint la joie de la libération de la ville en 2017. [Photo fournie par Sheelan Namiq]

Les artistes irakiens ont utilisé leurs toiles pour peindre à la fois les années difficiles de Mossoul, lorsque « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) contrôlait la ville, et des sujets de transcendance et de renouveau.

Depuis que les forces irakiennes ont repris Mossoul des mains de l'EIIS, qui avait imposé son joug sur la ville entre 2014 et 2017, celle-ci a vu une recrudescence d'événements culturels et le retour d'une scène artistique vibrante.

Les artistes locaux rencontrés par Diyaruna ont expliqué que leur travail faisait office de documentation artistique des crimes commis par l'EIIS et de la résilience de la ville.

L'artiste Ali Abdoul Jabbar a expliqué à Diyaruna qu'il avait exposé une cinquantaine d'œuvres dans le cadre de plusieurs expositions locales représentant les souffrances de sa ville au travers de lignes fondues et de la calligraphie arabe.

L'artiste irakienne Sheelan Namiq présente une peinture de sa ville natale, Mossoul. [Photo fournie par Sheelan Namiq]

L'artiste irakienne Sheelan Namiq présente une peinture de sa ville natale, Mossoul. [Photo fournie par Sheelan Namiq]

Ce détail d'une peinture de l'artiste irakien Ali Abdoul Jabbar est une représentation symbolique des événements survenus à Mossoul sous le règne de l'EIIS. [Photo fournie par Ali Abdoul Jabbar]

Ce détail d'une peinture de l'artiste irakien Ali Abdoul Jabbar est une représentation symbolique des événements survenus à Mossoul sous le règne de l'EIIS. [Photo fournie par Ali Abdoul Jabbar]

Ses peintures sont pleines de symbolisme et traitent de sujets liés à l'état de Mossoul après la mainmise de l'EIIS et les destructions que le groupe avait laissées derrière lui, a-t-il indiqué.

Au travers de ses peintures, a-t-il poursuivi, lui et d'autres artistes souhaitent créer une nouvelle mémoire culturelle de leur cité.

« Ce qui s'est produit a été effrayant et douloureux », a-t-il ajouté. « Le terrorisme a détruit des bâtiments et des monuments anciens, dans l'intention d'effacer une civilisation vieille de plusieurs milliers d'années. »

« Nous tentons aujourd'hui de faire la lumière sur cette période sombre de l'histoire de notre ville, avec ses douleurs et ses souffrances, par le biais de notre art », a-t-il expliqué. « Nos peintures documentent les événements qui s'y sont déroulés, afin que les prochaines générations puissent le voir. »

Mais outre le fait d'être une chronique de cette ère de destruction, Abdoul Jabbar a poursuivi en expliquant que son art trace également le renouveau d'une ville de ses cendres et sa persistance à suivre le chemin de la reconstruction.

Histoires de souffrance et d'espoir

La récente et plus importante exposition d'art depuis la libération de la ville, « Retour à Mossoul, un combat pour la vie », a été organisée dans le hall de réception royale du Musée de Mossoul le 29 janvier, en présence de 29 artistes participants.

Ce musée, qui avait été vandalisé et détruit par l'EIIS, a récemment rouvert ses portes.

L'une des artistes présentées, Sheelan Namiq, avait été contrainte de quitter sa ville après l'invasion de l'EIIS. Elle a expliqué à Diyaruna qu'elle utilisait ses pinceaux comme une arme pour exprimer sa rage contre les crimes commis par le groupe extrémiste.

« J'ai organisé trois expositions privées depuis que j'avais été déplacée vers la région kurde, et je possède maintenant une centaine de peintures proposant divers thèmes relatifs à la tragédie survenue dans ma ville », a-t-il ajouté.

« Dans ces peintures, j'ai documenté les actes de ces terroristes, comme par exemple la destruction des vieilles mosquées et des églises, des artefacts et des musées », a-t-elle ajouté. « Mes peintures racontent également les souffrances des gens contraints de fuir Mossoul. »

Namiq a ajouté que ses peintures « montrent également la libération de la ville, et présentent des visions de la joie indicible que les Irakiens de toutes confessions ont ressentie après la libération de Mossoul ».

Elles montrent « comment les habitants de Mossoul se sont unis et ont apporté leur soutien aux forces de sécurité et aux efforts de reconstruction », a-t-elle poursuivi.

« Mossoul est le berceau de l'histoire, de l'art et de la civilisation », a indiqué Namiq. « Cette ville a commencé à prendre les premières mesures pour regagner son lustre d'antan, en organisant des expositions et des manifestations artistiques et en reconstruisant des bâtiments historiques et culturels. »

Documenter une ère sombre de Mossoul

Khalaf al-Hadidi, membre du conseil provincial de Ninive, a expliqué à Diyaruna qu'il avait assisté à plusieurs récentes expositions d'art à Mossoul, notamment certaines qui accueillaient des artistes provenant d'autres pays arabes.

« Les artistes ont présenté des peintures dénonçant l'extrémisme », a-t-il ajouté.

« L'EIIS avait tenté de répandre [l'extrémisme] dans la ville au travers de son hostilité envers l'art, le patrimoine et les monuments, et ses tentatives pour faire reculer les valeurs de tolérance, de coexistence et d'ouverture », a-t-il poursuivi.

« Ces expositions et toutes les autres activités culturelles consacrées à l'ère sombre de l'EIIS ont une dimension documentaire », a-t-il expliqué, soulignant que « chaque œuvre d'art est comme une archive condamnant artistiquement les actes horribles de l'EIIS ».

« L'art est le miroir de la réalité », a encore indiqué al-Hadidi, ajoutant que « les événements qui se sont produits à Mossoul et dans d'autres villes irakiennes doivent être documentés par l'art, le théâtre et la littérature, afin qu'ils soient gravés dans l'esprit des générations futures ».

Cela sera comme « une marque indélébile apposée sur le front des terroristes, et une incitation à la cohésion et à l'avancement de la société dans notre pays », a-t-il conclu.

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