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Droits de la Femme

Par nécessité ou par envie, les Irakiennes créent des sociétés à Mossoul

AFP

Sous le règne de l'EIIS, les femmes ne pouvaient rien faire sans la permission de leur père ou de leur mari ; aujourd'hui, elles créent des entreprises à Mossoul.

Durant le règne des extrémistes, elles étaient considérées comme des mineures, dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit sans la permission de leur père ou de leur mari, mais désormais, à Mossoul, les femmes créent des entreprises.

Inscrit en lettres rouges, « Umm Mustafa et Fils » trône au-dessus d'une modeste épicerie, détonnant sur une mer de façades de magasins affichant les noms de leurs propriétaires masculins.

« Au début, certains me lançaient des regards noirs, mais je n'ai aucune retraite et je n'avais d'autre choix que d'ouvrir mon propre magasin », a expliqué Umm Mustafa, toute de noir vêtue, à l'AFP.

À 27 ans à peine, elle était déjà veuve, son mari avait été exécuté par « l'État islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) durant les trois années de son occupation brutale de la ville.

Umm Mustapha, une veuve de 27 ans, en compagnie de ses fils dans son épicerie à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 28 novembre 2018. Sous le joug de l'EIIS, les femmes étaient considérées comme des mineures, incapables de faire quoi que ce soit sans la permission de leur père ou de leur mari. Aujourd'hui, elles créent des entreprises dans la ville. [Zaid al-Obeidi/AFP]

Umm Mustapha, une veuve de 27 ans, en compagnie de ses fils dans son épicerie à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 28 novembre 2018. Sous le joug de l'EIIS, les femmes étaient considérées comme des mineures, incapables de faire quoi que ce soit sans la permission de leur père ou de leur mari. Aujourd'hui, elles créent des entreprises dans la ville. [Zaid al-Obeidi/AFP]

Une Irakienne travaille dans sa boutique d'accessoires décoratifs à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 20 décembre 2018. [Zaid al-Obeidi/AFP]

Une Irakienne travaille dans sa boutique d'accessoires décoratifs à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 20 décembre 2018. [Zaid al-Obeidi/AFP]

Les extrémistes avaient pris le contrôle de Mossoul en 2014, et la métropole en ruine n'a été reprise par l'armée appuyée par la coalition internationale qu'il y a seulement un an et demi, au prix de durs combats.

Habitant le district populaire d'al-Faruq, Umm Mustafa a besoin du revenu de la boutique pour nourrir ses fils, âgés de six et quatre ans.

Et en dépit de l'étonnement initial des locaux, nés dans une culture conservatrice qui a précédé de beaucoup cet intermède extrémiste, l'esprit d'entreprise d'Umm Mustafa a conquis et gagné la fidélité de la clientèle.

Le califat autoproclamé de l'EIIS avait relégué Umm Mustafa et ses semblables féminines au rang d'ombres, empêchées ne serait-ce que de sortir de chez elles dans cette capitale de la province de Ninive, et encore moins de prendre la parole dans des lieux publics.

Des enseignes comme celle d'Umm Mustafa n'auraient jamais été vues comme elles le sont aujourd'hui.

Cheffe de famille

Près des deux tiers des jeunes en Irak se disent favorables au droit des femmes à travailler, contre seulement 42 % des personnes plus âgées, selon une enquête des Nations unies.

Cette même étude a montré que seuls 14 % des femmes travaillent ou cherchent activement un emploi, contre 73 % des hommes, et que dans le secteur privé, les femmes ne représentent que 2 % des employés.

Le chômage, qui s'établit officiellement à 10,8 % au niveau national, est supérieur à Ninive et dans les autres provinces qui étaient il y a encore peu de temps le théâtre de combats ou étaient sous le joug de l'EIIS.

Les conflits sanglants qui ravagent le pays pendant près de 40 ans, à partir de la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988, ont tué et mutilé des centaines de milliers de personnes, et ont par ailleurs été la cause de nombreux divorces.

En conséquence, un foyer irakien sur dix est aujourd'hui dirigé par une femme, selon les Nations unies.

« L'autonomie d'Umm Mustafa devrait être un exemple », a estimé Adel Zaki, un voisin qui fréquente régulièrement sa boutique pour venir y acheter des chocolats ou une bouteille de jus de fruits.

Sa compatriote de Mossoul Dania Salem n'avait pas un besoin pressant de gagner de l'argent.

Mais après s'être enfuie de sa maison avec sa famille pour échapper à l'avance des extrémistes, elle a découvert sa passion à Erbil, la capitale de la région kurde d'Irak.

Cette diplômée en économie de 23 ans y travaillait comme fleuriste, et a appris à créer des bouquets de fleurs fraîches et à créer des couronnes de fleurs synthétiques.

Après son retour à Mossoul en août 2018, elle a ouvert un étal de fleurs qui est aujourd'hui en plein épanouissement.

« C'était pour moi une sorte de défi, une manière d'améliorer la place des femmes dans la société, qui a beaucoup évolué », a-t-elle expliqué.

« Un premier pas »

Depuis la défaite de l'EIIS à Mossoul, qui fut pendant longtemps un important centre de commerce au Moyen-Orient, la ville a connu un véritable essor culturel.

De plus en plus de femmes occupent désormais une place dans la sphère publique, que ce soit en travaillant aux côtés de leurs homologues masculins ou en créant leurs propres affaires.

« Ce magasin est un premier pas, j'ai d'autres plans pour l'avenir », a déclaré Salem avant de retourner composer ses bouquets.

Pour Rim Mohammed, militante des droits des femmes, il est essentiel que l'État soutienne les femmes afin qu'elles créent leurs propres entreprises.

« Leurs droits sociaux doivent être garantis, des emplois créés et leur place assurée dans la vie culturelle et politique », a-t-elle poursuivi.

Khalaf al-Hadidi, directeur des services de la planification dans la province de Ninive, a affirmé qu'il approuve ce message.

Il a précisé que des microcrédits de 5 à 10 millions de dinars (4 200 à 8 400 USD) seront accordés par priorité aux femmes et aux jeunes.

Il a promis que cela se ferait rapidement, dès que la province aura reçu le milliard de dollars alloués sur le budget fédéral irakien, sans toutefois préciser à quel moment.

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