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La Russie et l'Iran en route vers un conflit inévitable en Syrie

Waleed Abou al-Khair au Caire

Des soldats irakiens discutent près d'une affiche représentant les leaders russes et syriens au carrefour d'Abou al-Duhur, alors que les familles de déplacés reviennent des zones tenues par l'opposition dans la province d'Idlib vers leurs villages dans le territoire repris par le régime, le 4 avril. [George Ourfalian/AFP]

Des soldats irakiens discutent près d'une affiche représentant les leaders russes et syriens au carrefour d'Abou al-Duhur, alors que les familles de déplacés reviennent des zones tenues par l'opposition dans la province d'Idlib vers leurs villages dans le territoire repris par le régime, le 4 avril. [George Ourfalian/AFP]

Les ambitions post-conflit de la Russie poussent le pays à prolonger sa présence militaire en Syrie et à étendre son influence politique et économique, expliquent des spécialistes à Diyaruna.

Cela devrait entraîner des frictions avec l'Iran, dont le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) cherche également à consolider sa présence en Syrie, ont-ils ajouté.

Le 7 juin, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que les forces russes resteront en Syrie aussi longtemps que cela sera dans l'intérêt de Moscou, bien qu'il a annoncé plus tôt que la mission de la Russie en Syrie était en grande partie terminée, a fait savoir l'AFP.

« Nos forces armées sont là-bas pour garantir les intérêts de la Russie dans une région importante du monde », a déclaré Poutine lors d'un entretien télévisé annuel avec le public russe russe.

Des soldats russes attendent à l'entrée du camp de Wafideen l'arrivée de bus transportant des combattants de Jaish al-Islam et leurs familles évacués de la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, le 12 avril. [Youssef Karwashan/AFP]

Des soldats russes attendent à l'entrée du camp de Wafideen l'arrivée de bus transportant des combattants de Jaish al-Islam et leurs familles évacués de la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, le 12 avril. [Youssef Karwashan/AFP]

Des soldats russes sur la base aérienne de Hmeimim dans la province syrienne de Latakia. Cette base est actuellement utilisée par la Russie. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Des soldats russes sur la base aérienne de Hmeimim dans la province syrienne de Latakia. Cette base est actuellement utilisée par la Russie. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

« Elles y resteront aussi longtemps que cela sera bénéfique à la Russie et pour assurer nos obligations internationales. Nous n'envisageons pas encore de nous retirer », a-t-il poursuivi.

Promesses et retards

« La Russie a passé les deux dernières années à tenter de gagner du temps pour mettre en œuvre son plan visant à contrôler de grandes parties de la Syrie », a expliqué à Diyaruna l'avocat syrien Bashir al-Bassam.

Malgré des promesses répétées et des annonces de retrait prochain des forces russes, « nous voyons que toutes ces déclarations et toutes ces promesses n'étaient que des mots, parce que ses forces militaires sont aujourd'hui déployées plus largement en Syrie », a-t-il indiqué.

Parallèlement, a poursuivi al-Bassam, la Russie tente d'établir une hégémonie politique en signant des accords bilatéraux avec le régime syrien pour insuffler une légitimité à long terme à sa présence en Syrie.

Sur le front politique, la Russie a supervisé le processus de désescalade et a instigué des accords entre le régime syrien et les groupes de l'opposition, a-t-il ajouté, marginalisant ainsi l'influence de l'Iran dans plusieurs régions.

« La Russie prend le contrôle de l'armée syrienne et de la formation [et du soutien] des forces de combat gouvernementales et non gouvernementales », a-t-il expliqué, comme le Groupe Wagner et la force d'élite Tigre de l'armée syrienne (la force al-Nimr).

La Syrie va « indubitablement être le théâtre d'un conflit russo-iranien dans un avenir proche », a-t-il prédit, « et les richesses et les ressources du peuple syrien continuent d'être vandalisées par la Russie et l'Iran sous couvert d'aide à la Syrie et pour préparer la phase de l'après-guerre ».

La phase de l'après-guerre

« La Russie a apporté son soutien au régime syrien dans le but d'instaurer une hégémonie politique, économique et militaire durant la phase de l'après-guerre », a expliqué à Diyaruna Shaher Abdoullah, économiste et professeur à l'université d'Aïn Shams.

Cette phase verra les efforts de reconstruction et une course pour contrôler les réserves de pétrole et de gaz de la Syrie, en particulier dans la région [désertique] syrienne de Badiya.

La Russie a agrandi sa base militaire de Tartous, a déployé ses troupes sur presque tout le littoral, et a pris le contrôle de la base aérienne de Hmeimim, a précisé Abdoullah.

Sur le front économique, les accords de la Russie comprennent un important appel d'offres – depuis lors suspendu, mais que les compagnies énergétiques russes sont bien déterminées à réactiver – visant à exploiter les réserves de gaz au large de la Syrie dans le Bloc 12.

Durant la seule année 2016, la Russie a signé pour près d'un milliard de dollars de contrats d'infrastructures et autres. En décembre de cette même année, la société russe Evro Polis a signé un accord avec le régime pour protéger les puits de pétrole en échange d'une part de 25% de la production.

L'entreprise russe Stroytransgaz a débuté les travaux de maintenance des mines et du matériel d'extraction dans les mines de phosphate en Syrie dans la région de Palmyre, a poursuivi Abdoullah.

« La Russie s'est également imposée comme un grand exportateur de blé vers la Syrie, plaçant ainsi la sécurité alimentaire syrienne entre ses propres mains », a-t-il ajouté.

Ambitions économiques

« Un conflit couve actuellement entre Téhéran et Moscou sur la Syrie, car les deux pays veulent la plus grande part des gains [post-conflit] », a expliqué pour sa part le major général Yahya Mohammed Ali, officier en retraite de l'armée égyptienne.

Les deux pays ont de grandes ambitions économiques en Syrie, a-t-il poursuivi pour Diyaruna, « d'abord pour compenser le coût de leur intervention dans la guerre en Syrie, ensuite pour en tirer des profits dans les années qui viendront ».

Tous deux ont ainsi formé des partenariats bilatéraux et signé des accords de long terme avec le régime syrien, a-t-il souligné.

L'Iran veut que la Syrie fasse partie de sa sphère d'influence, a-t-il expliqué, soulignant qu'elle fait partie intégrante du projet visant à mettre en place un corridor terrestre reliant Téhéran à la Méditerranée.

Pour sa part, a-t-il ajouté, « la Russie profite de sa présence en Syrie et de sa participation directe à la guerre pour faire étalage de son armement », a-t-il conclu, précisant que plus de 160 nouveaux systèmes d'armes ont ainsi été testés sur les champs de bataille de Syrie.

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