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Le Groupe Wagner : « l'armée secrète » de Poutine en Syrie

AFP

Une photo prise le 3 février montre de la fumée s'élevant du site du crash d'un avion de chasse Sukhoi-25 à Idlib, province du nord-ouest de la Syrie. Des combattants de l'opposition ont abattu l'avion russe et ont capturé son pilote. [Omar Haj Kadour/AFP]

Une photo prise le 3 février montre de la fumée s'élevant du site du crash d'un avion de chasse Sukhoi-25 à Idlib, province du nord-ouest de la Syrie. Des combattants de l'opposition ont abattu l'avion russe et ont capturé son pilote. [Omar Haj Kadour/AFP]

La mort d'environ 200 membres du « Groupe Wagner » le mois dernier en Syrie a mis en lumière la mystérieuse armée privée utilisée dans le pays par le président russe Vladimir Poutine.

Des questions avaient déjà été posées sur le rôle de ce groupe dans le conflit syrien, et elles se sont intensifiées lorsque les Etats-Unis ont déclaré le 7 février avoir tué au moins 100 soldats favorables au régime à Deir Ezzor.

Les Forces démocratiques syriennes appuyées par les Etats-Unis ont soudainement été attaquées par les forces pro-régime, et d'intenses frappes aériennes et tirs d'artillerie des Etats-Unis ont repoussé l'assaut.

Après plusieurs jours de silence, Moscou a reconnu que cinq ressortissants russes avaient été tués et que des « dizaines » avaient été blessés dans cette attaque, indiquant qu'ils s'étaient tous rendus en Syrie « de leur propre initiative ».

Une photo prise le 17 mars montre les portraits du président russe Vladimir Poutine et de son homologue syrien Bashar el-Assad dans la ville d'Alep, dans le nord de la Syrie. [George Ourfalian/AFP]

Une photo prise le 17 mars montre les portraits du président russe Vladimir Poutine et de son homologue syrien Bashar el-Assad dans la ville d'Alep, dans le nord de la Syrie. [George Ourfalian/AFP]

Au moment de l'attaque à Deir Ezzor, le ministère russe de la Défense a insisté sur le fait qu'aucun soldat russe ne se trouvait dans cette province de l'est de la Syrie.

Cependant, plusieurs signalements ont confirmé que de nombreux citoyens russes combattaient en Syrie en tant que mercenaires travaillant pour le Groupe Wagner.

Différents organes de presse ont signalé jusqu'à 200 morts dans la bataille de Deir Ezzor. Le groupe indépendant de blogueurs russes d'investigation appelé Conflict Intelligence Team (CIT) a établi l'identité de dizaines d'entre eux, tous membres du Groupe Wagner.

« L'armée secrète de la Russie en Syrie »

« Le Groupe Wagner doit être considéré comme l'armée secrète de la Russie en Syrie, car elle fournit le composant de ligne de front essentiel aux opérations russes à Latakia et dans l'est de la Syrie », a rapporté à l'AFP Kirill Mikhailov, du CIT.

Pavel Baev, chargé de recherche associé à l'Institut français des relations internationales, a expliqué que le recours de la Russie à des « armées secrètes [...] présente le double avantage de pouvoir nier et d'ignorer les pertes ».

Mais « le problème avec des ressources comme le Groupe Wagner est qu'elles ne sont jamais entièrement contrôlables et qu'elles peuvent suivre leurs propres plans », a-t-il précisé.

Le Groupe Wagner a été créé par l'ancien officier de renseignement militaire russe Dmitry Utkin, qui faisait partie du premier convoi de mercenaires russes envoyés à l'automne 2013 en Syrie.

Mais leur mission mal équipée, qui ne bénéficiait pas du soutien des autorités russes, s'est terminée en fiasco.

Ils ont combattu contre « l'Etat islamique en Irak et en Syrie » (EIIS) mais sont rapidement revenus en Russie, où deux commanditaires de l'opération ont été condamnés à trois ans de prison pour activités mercenaires.

Utkin est revenu en Syrie à l'automne 2015, lorsque la Russie a lancé une intervention en faveur du régime de Bachar el-Assad, allié du Kremlin.

En décembre 2016, l'ancien officier de renseignement est apparu lors d'une cérémonie télévisée au Kremlin rendant hommage aux « héros de la patrie », et il a été pris en photo le même jour aux côtés de Poutine.

Des médias russes et américains ont fait savoir que le Groupe Wagner est financé par l'un des alliés de Poutine, Evgeny Prigozhin, homme d'entreprise de Saint-Pétersbourg ayant fait fortune dans l'hôtellerie avant de signer des contrats lucratifs avec l'armée et le gouvernement russes.

« Pas de période de deuil »

Malgré les tentatives de garder les activités du groupe en Syrie secrètes, des détails ont été dévoilés de manière embarrassante.

L'année dernière, par exemple, l'EIIS a publié une vidéo qui prétendait montrer des citoyens russes capturés, lesquels ont plus tard été reliés au Groupe Wagner, a rapporté le Washington Post le 23 février.

Des enregistrements audio comportent des membres du groupe parlant de l'attaque du 7 février à Deir Ezzor. Ils ont utilisé un langage grossier pour décrire l'incident, déclarant que leur gouvernement les a abandonnés.

La mort des mercenaires russes a provoqué encore plus de peine et de colère, car le gouvernement russe ne reconnaît pas leurs sacrifices.

« Ils les ont jetés au combat comme des porcs », a déploré Yelena Matveyeva, veuve de Stanislav Matveyev, un mercenaire de 38 ans originaire d'Asbest et qui serait décédé.

« Où qu'ils les aient envoyés, ils n'avaient aucune protection », a déclaré Matveyeva à RFE/RL, selon The Guardian.

Elle a indiqué que les autorités russes doivent reconnaître les citoyens qui meurent en Syrie, et rapatrier les corps lorsque c'est possible.

Ce mois-ci, lors d'une conférence de presse quotidienne, un journaliste a demandé à Dmitry Peskov, porte-parole du Kremlin, s'il y aurait un jour de deuil pour les Russes tués dans la frappe aérienne du 7 février.

« Pour quelle raison ? Je ne vois pas pourquoi une période de deuil devrait être déclarée », a répondu Peskov.

Anciens prisonniers

Le nombre de combattants du Groupe Wagner en Syrie a provoqué un débat parmi les analystes et les médias, le magazine en ligne Republic.ru signalant la présence de 2 500 mercenaires en mars 2016.

Il a ajouté que 350 millions de dollars avaient été dépensés pour les mercenaires depuis le début de l'opération.

La mission du groupe « est pour ainsi dire un échec », a affirmé un de ses anciens membres à l'hebdomadaire russe Sovershenno Sekretno.

Celui-ci a déclaré que 40% des recrues avaient été emprisonnées pour des crimes graves avant de rejoindre le Groupe Wagner, et ils s'appelaient entre eux les « malchanceux ».

Ces recrues de « basse qualité », ainsi que l'idée que le groupe fonctionnait comme une armée autonome et acceptait des missions de la part de groupes non russes, ont mené à l'escalade des tensions avec des responsables sur le terrain en Syrie et au sein du pouvoir à Moscou.

Début 2016, le groupe a perdu la confiance et le financement du ministère de la Défense, selon plusieurs sources.

Cela a conduit « Prigozhin à chercher d'autres contrats, comme celui avec Damas en vertu duquel le Groupe Wagner doit libérer les champs et les infrastructures de pétrole et de gaz en échange de 25% de production », a-t-il ajouté.

Pour ce faire, il a créé une entreprise appelée Evro Polis, qui a signé le contrat avec le gouvernement d'Assad en décembre 2016 et est désormais chargée de payer les salaires des mercenaires du Groupe Wagner, estimés entre 3 500 et 5 000 dollars par mois.

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