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Terrorisme

L'identification des restes des victimes de Daech en Irak est difficile

Par Alaa Hussain à Bagdad

L'officier irakien Abou Bakr al-Samaraie lève haut la tête avant que « l'État islamique » le décapite en février 2017. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

L'officier irakien Abou Bakr al-Samaraie lève haut la tête avant que « l'État islamique » le décapite en février 2017. [Photo diffusée sur les réseaux sociaux]

Ces trois dernières années, « l'État islamique » (Daech) a exécuté des centaines d'Irakiens dans les régions qu'il contrôlait et jeté leurs corps dans des charniers, rendant leur localisation et la récupération de leurs restes difficile pour les familles.

Issam al-Taie, habitant de Mossoul, a expliqué à Diyaruna avoir vu des images de l'exécution de son frère dans une vidéo de Daech, et que la tragédie de cette mort violente et prématurée avait été rendue encore plus insupportable par la difficulté à retrouver le corps.

Daech transportait les corps de ses victimes dans les morgues de plusieurs hôpitaux de Mossoul avec une absence totale de respect pour les défunts, a-t-il ajouté.

Ces corps étaient ensuite enfouis dans des charniers « sans se préoccuper du fait que le corps et la tête soient bien enterrés au même endroit », a-t-il ajouté. « Voir Daech désacraliser ainsi les corps des victimes a été très douloureux. »

Fadel al-Gharawi, membre de la Haute Commission indépendante irakienne pour les droits de l'homme, a expliqué à Diyaruna que selon des estimations officielles provenant des agences sanitaires de Ninive, 741 corps décapités ont été retrouvés dans la province.

« Ce chiffre ne reflète pas le nombre effectif des victimes de Daech, car selon des rapports officiels, le nombre de victimes de la machine de mort du groupe s'élève à 1 723 », a-t-il précisé.

Cela vient s'ajouter aux centaines de personnes dont le sort reste inconnu et qui semblent avoir été enterrées par dizaines dans des charniers dans la province de Ninive, a indiqué al-Gharawi.

Charniers non identifiés

Des rapports de témoins oculaires et des preuves anecdotiques fournies par des membres des forces irakiennes font état de l'existence d'autres charniers contenant les restes non identifiés de victimes de Daech décapitées ou démembrées, a-t-il ajouté.

« L'identification de charniers s'effectue selon un cadre juridique qui comprend la collecte d'informations et l'ouverture d'une enquête », a-t-il expliqué.

Une fois cette enquête ouverte, les autorités peuvent entamer le processus d'exhumation des corps et d'identification des victimes, afin que leurs restes puissent être rendus à leurs familles, a-t-il poursuivi.

L'exhumation d'un charnier s'effectue par étapes, a expliqué à Diyaruna le porte-parole du ministère de la Santé, Ahmed al-Rudaini.

« Tout d'abord, un rapport officiel concernant l'existence d'un tel charnier [doit être présenté], ce qui déclenche la mise en place d'une commission conjointe des ministères de la Santé, de l'Intérieur et de la Défense », a-t-il indiqué.

Cette commission est chargée d'identifier l'emplacement du charnier, a-t-il ajouté.

Une équipe de la police scientifique est ensuite chargée « de déterrer les corps et de les nettoyer de manière professionnelle, afin qu'ils puissent être transportés au Service de médecine scientifique à Bagdad », a-t-il poursuivi.

Une analyse ADN y est alors effectuée, a-t-il indiqué.

« Un défi pour le gouvernement »

La localisation des charniers, l'exhumation et l'identification des corps qu'ils contiennent « représentent un défi pour le gouvernement », a expliqué Hosam Eddin al-Abbar, membre de la commission des services du conseil provincial de Ninive.

Il n'existe en effet aucune législation récente concernant les personnes portées disparues et non identifiées, a-t-il expliqué à Diyaruna.

« L'unique cadre légal en place est une ancienne législation qui permet aux familles d'obtenir un certificat de décès pour leurs disparus si leur sort reste inconnu et si leurs corps sont toujours manquants quatre ans après le signalement de leur disparition», a-t-il précisé.

Al-Abbar a souhaité un soutien international pour aider l'Irak à entreprendre et accélérer le processus d'exhumation des charniers, soulignant qu'il s'agit là d'une question humanitaire.

De nombreuses victimes attendent encore d'être découvertes dans des charniers répartis dans toute la province de Ninive, a-t-il continué.

Parmi ceux-ci, un site situé non loin de Mossoul appelé al-Khafsa, où Daech aurait exécuté et jeté les corps de centaines de ses prisonniers, selon Human Rights Watch.

Dans un rapport daté de mars 2017, HRW a indiqué avoir appris de plusieurs témoins que les corps des personnes exécutées, y compris ceux de soldats irakiens, avaient été jetés dans un puits naturel à environ huit kilomètres au sud de Mossoul.

Les habitants de la région ont expliqué qu'avant de se retirer de la zone mi-février, Daech a placé des engins explosifs improvisés (EEI) sur les lieux.

« Ce charnier est un symbole grotesque de la cruauté et de la dépravation de Daech – un crime à échelle monumentale », a estimé Lama Fakih, vice-directrice de HRW pour le Moyen-Orient.

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