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Société

Des librairies dans la rue de Mossoul où Daech procédait à ses exécutions

Par Alaa Hussain à Bagdad

Les habitants de Mossoul consultent quelques-uns des plus de 4 000 ouvrages proposés dans le cadre d'un marché-exposition culturel récemment un vendredi. Cet événement hebdomadaire a débuté le 17 novembre. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Les habitants de Mossoul consultent quelques-uns des plus de 4 000 ouvrages proposés dans le cadre d'un marché-exposition culturel récemment un vendredi. Cet événement hebdomadaire a débuté le 17 novembre. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Sur les mêmes trottoirs de Mossoul où « l'État islamique » (Daech) commettait jadis ses exécutions publiques, un marché public proposant des livres et des activités culturelles, comme des lectures de poésie et de la musique, a désormais investi les lieux.

Cette initiative culturelle est un signe de l'évolution rapide de la situation depuis que les forces irakiennes sont parvenues à libérer les deux parties de la ville le 10 juin, après une bataille de huit mois qui aura mis un terme à trois années de règne de Daech, ont expliqué ses organisateurs.

Chaque vendredi, vendeurs et artistes se rassemblent dans la rue qui jouxte l'université de Mossoul dans la partie est de la ville, attirant des foules très variées.

La décision d'organiser une exposition et un marché culturel de plein air chaque semaine à Mossoul répond à une forte demande du public, a expliqué Ibrahim Abdoullah al-Taie, directeur des médias au comité d'organisation de cette initiative.

Une exposition de rue hebdomadaire qui a débuté le 17 novembre devant l'université de Mossoul propose des livres et d'autres activités culturelles. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Une exposition de rue hebdomadaire qui a débuté le 17 novembre devant l'université de Mossoul propose des livres et d'autres activités culturelles. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Un artiste dessine lors d'une manifestation culturelle qui se tient chaque vendredi dans une rue de l'est de Mossoul où « l'État islamique » procédait jadis à ses exécutions. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Un artiste dessine lors d'une manifestation culturelle qui se tient chaque vendredi dans une rue de l'est de Mossoul où « l'État islamique » procédait jadis à ses exécutions. [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Un musicien joue du luth lors d'une récente manifestation culturelle organisée les vendredis près de l'université de Mossoul. La musique était jadis interdite, lorsque la ville vivait sous le joug de « l'État islamique ». [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Un musicien joue du luth lors d'une récente manifestation culturelle organisée les vendredis près de l'université de Mossoul. La musique était jadis interdite, lorsque la ville vivait sous le joug de « l'État islamique ». [Photo extraite du site web d'Aïn Mossoul]

Après la destruction par un incendie de la rue al-Najafi dans l'ouest de Mossoul, principal lieu de vente de livres de la ville, les habitants avaient besoin d'un nouvel endroit pour acheter des livres et participer à des activités culturelles, a-t-il expliqué à Diyaruna.

Un groupe d'auteurs, de libraires et d'intellectuels ont alors décidé d'utiliser cet emplacement situé à proximité de l'université de Mossoul comme une plateforme d'accueil des événements culturels.

« À cet endroit même avaient lieu des exécutions et des décapitations durant le règne de Daech », a-t-il ajouté, soulignant que le quartier avait également servi de quartier général de la machine de propagande du groupe.

Renaissance culturelle

Cette exposition de rue a ouvert ses portes le 17 novembre après deux mois de préparation qui ont inclus le nettoyage de la rue et l'obtention des autorisations de l'autorité régionale, a poursuivi al-Taie, et elle se tient désormais tous les vendredis.

Le jour de l'inauguration a attiré un très grand nombre de jeunes, d'intellectuels et d'autres personnes, et plus de 4 000 titres y ont été proposés, allant des romans à des textes satiriques, politiques et religieux qui favorisent un islam éclairé et modéré, a-t-il poursuivi.

« Aucun des livres proposés ne faisait la promotion de l'extrémisme religieux, susceptible de créer un terreau fertile à l'idéologie de Daech », a-t-il indiqué, soulignant le fait que « Mossoul restera une ville de tolérance et de coexistence en raison de sa population très diversifiée ».

En plus de la vente de livres, les visiteurs ont pu assister à des récitals de poésie en plein air animés par plusieurs poètes locaux, ainsi qu'à des spectacles musicaux d'un groupe de musique local jouant du violon, du qanun, du luth et du piano.

« Les gens n'avaient même pas le droit de mentionner la musique lorsque Daech contrôlait la ville », a-t-il poursuivi. « Le groupe utilisait la rue comme une plateforme médiatique à ses propres fins, interdisant la pensée progressiste, la culture et toutes les formes de musique. »

Cette initiative de rue continuera à s'améliorer et à se développer, a déclaré al-Taie, car c'est actuellement la seule de ce type dans la ville.

Il est prévu de rebâtir la rue al-Najafi dans l'ouest de Mossoul, afin que les livres puissent de nouveau y être vendus, a-t-il indiqué.

Al-Taie a appelé les autorités locales de Ninive à apporter leur soutien à ce projet, afin qu'il puisse continuer à s'épanouir, demandant comme première mesure que la rue soit désignée comme plateforme de la culture et que les autres instances gouvernementales soient informées de cette décision.

L'autorité provinciale devrait mettre à disposition un auvent pour protéger les vendeurs des intempéries, a-t-il suggéré, car les conditions météo pourraient contraindre cette manifestation à fermer les vendredis de pluie.

Le patrimoine culturel de Mossoul

Il est important de soutenir cette initiative, car elle est un moyen de répondre à cette idéologie extrémiste, a insisté al-Taie, soulignant que « les balles ne sont pas la seule manière de lutter contre Daech ».

« Il faut les combattre avec la bonne idéologie et la culture », a-t-il poursuivi.

« Il n'y a rien d'étonnant à ce que la rue que Daech s'efforçait de transformer en un symbole de tyrannie et de mort soit devenue un lieu de culture et d'innovation », a déclaré à Diyaruna Hussam al-Sabaawi, membre du conseil provincial de Ninive.

Mossoul est une ville connue pour ses intellectuels, ses auteurs, ses docteurs, ses politiciens et ses leaders, a-t-il ajouté.

Al-Sabaawi a demandé que les livres proposés fassent l'objet d'un contrôle afin que ceux qui incitent à une idéologie extrémiste et takfiriste ne tombent jamais entre les mains des acheteurs.

Les organisations de la société civile de la province doivent poursuivre leur projet culturel sans attendre pour l'heure de l'aide des autorités locales, a-t-il affirmé, car celles-ci se consacrent actuellement entièrement au maintien de la sécurité et au rétablissement des services.

Pour sa part, Hiyam Abdoul, membre du conseil provincial de Ninive, a déclaré à Diyaruna que les autorités locales se sont engagées à soutenir les institutions culturelles de la province, notamment la remise sur pied des institutions culturelles de l'État.

Dans cette optique, plusieurs activités culturelles ont été parrainées par l'État et par le secteur privé à Mossoul, a-t-elle précisé.

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