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Terrorisme

«Le jeu est terminé», déclare un combattant de l'EIIS capturé

Par Hassan al-Obaidi à Bagdad

Les membres des forces irakiennes avancent dans une zone au sud d'Anah dans la vaste province occidentale de l'Anbar limitrophe de la Syrie, le 20 septembre, alors qu'ils poursuivent l'opération pour capturer les derniers bastions du groupede «l'Etat islamique en Irak et en Syrie» dans la province. [Stringer / AFP]

Les membres des forces irakiennes avancent dans une zone au sud d'Anah dans la vaste province occidentale de l'Anbar limitrophe de la Syrie, le 20 septembre, alors qu'ils poursuivent l'opération pour capturer les derniers bastions du groupede «l'Etat islamique en Irak et en Syrie» dans la province. [Stringer / AFP]

Trois ans après avoir rejoint les rangs de "l'Etat islamique en Irak et en Syrie" (EIIS) dans la province de l'Anbar, un combattant récemment capturé révèle dans une interview exclusive avec Diyaruna sa désillusion vis-à-vis du groupe.

Barakat Hussein Mahmoud, 24 ans, a été arrêté il y a environ deux mois dans la zone désertique de Kilo 160, à l'ouest de Ramadi, à la suite d'une attaque menée par des troupes irakiennes sur un site de l'EIIS.

Les autres combattants de l'EIIS ont laissé Mahmoud derrière eux après avoir subi une blessure à la jambe lors de l'attaque.

Après avoir reçu des soins, il a été transféré dans une prison de Ramadi où il attend son verdict.

De sa cellule hautement sécurisé à Ramadi, Mahmoud dit à Diyaruna qu'il a commis de nombreux crimes pendant son séjour auprès de l'EIIS et qu'il mérite la peine qu'il obtiendra, car il a détruit de nombreuses familles irakiennes.

Il révèle également que l'EIIS a perdu sa base de partisans et qu'il est incapable de recruter de nouveaux membres.

Diyaruna: Parlez-nous de vous.

Barakat Hussein Mahmoud: J'ai 24 ans, de Ramadi. J'étais étudiant au département de physique au collège des sciences de [l'Université de l'Anbar] jusqu'en 2014 et je me préparais à obtenir mon diplôme.

Ma vie était bonne dans tous les sens, mais le diable, la stupidité et la naïveté se sont réunis contre moi et m'ont amené là où je suis aujourd'hui.

Diyaruna: Comment êtes-vous retrouvé ici?

Mahmoud:C'est à travers des mauvais amis qui m'ont convaincus que prendre les armes est la seule solution pour mettre fin à l'injustice [...].

Je me suis enrôlé dans une formation connue sous le nom de 'Ahrar al-Hawz', ne sachant pas qu'il faisait partie de l'EIIS.

C'était au début de février 2014 et à partir de ce moment-là, j'ai gravi les échelons au sein du groupe jusqu'à ce que j'ai commencé à toucher un salaire attractif de l'EIIS.

J'ai été impliqué dans le meurtre de personnes innocentes, toutes sous des slogans révolutionnaires d'abord, qui se sont ensuite transformés en slogans religieux appelant les autres comme des infidèles [kuffars], appelant finalement les sunnites eux-mêmes infidèles.

Diyaruna: Qui était votre superviseur?

Mahmoud:Il y en avait plusieurs, tous des criminels. J'étais le seul avec une formation universitaire . Les autres [...] avaient beaucoup de problèmes psychologiques. Ils se sentaient inférieurs, même aux autres combattants, et quiconque les voyait entre eux ne croirait certainement pas les films qu'ils font.

Certains d'entre eux ont tué leur propre père ou leur frère sous prétexte d'Al-Walaa Wal-Baraa [la loyauté et le désaveu], et d'autres ont consommé du cannabis et ne se sont occupés que du pouvoir, des meurtres, des femmes et de l'argent.

Diyaruna: Avez-vous déjà vu Al-Baghdadi?

Mahmoud:Non, pas une seule fois. Mais nous avons de temps en temps reçu ses instructions à travers nos superviseurs, qui nous ont tous demandé de continuer à nous battre et à tuer, ce qu'i voyait comme la clé de la victoire.

La chose la plus importante à [al-Baghdadi] est d'instiller la peur du groupe dans le cœur des gens, et donc il a mis l'accent sur l'exécution de ceux qui sont désobéissants dans des places publiques pour terroriser les autres.

Diyaruna: Quels crimes avez-vous commis?

Mahmoud:Il y a eu beaucoup de crimes que j'ai commis collectivement avec d'autres qui étaient avec moi. Nous avons tué des Irakiens sunnites - que l'EIIS prétendait protéger - plus que nous n'en avons tué d'autres.

Ils nous disaient qu'il est plus utile de tuer les sunnites qui désobéissent ou s'opposent au groupe que de tuer nos ennemis, car ils constituent un risque interne menaçant le califat.

Nous avons tué des familles entières.

Diyaruna: Croyez-vous au califat auto-décrit par l'EIIS?

Mahmoud:Initialement, oui. Je considérais que c'était la meilleure option pour mettre fin au statu quo et à nos problèmes avec le gouvernement à Bagdad. Mais après j'ai découvert le vrai visage de l'EIIS.

Ils étaient des menteurs et rien de plus. Ce n'était que des slogans. Ils voulaient le pouvoir plus que tout autre chose, et ils ont caché une chose en montrant la piété et la dévotion.

Mais ils ne peuvent juger personne, parce qu'ils sont des sauvages impitoyables et j'étais l'un d'eux. Je suis devenu ainsi, sans pitié ni sentiment humain.

Diyaruna: Avez-vous essayé de fuir le groupe?

Mahmoud:J'ai essayé plusieurs fois, mais j'avais déjà coulé trop profondément, les abandonner signifiait donc que je serais arrêté ou même tué, par les troupes irakiennes, sinon par la population locale qui est en colère contre nous.

J'ai donc tenté de m'échapper en Syrie puis en Turquie, mais je n'ai pas réussi avant d'être arrêté par l'armée irakienne à cause de la blessure à la jambe, qui a été amputée comme vous pouvez le voir maintenant.

Diyaruna: L'un de vos proches vous a-t-il rendu visite en prison?

Mahmoud:Non. Même s'ils savent tous que j'ai été arrêté, ils ne veulent pas que quelqu'un sache que ce criminel est leur proche.

Par conséquent, je n'ai demandé à personne de leur envoyer de message ou de nouvelles.

Je crois en effet, je suis sûr, qu'ils ne trouveraient aucun honneur en moi maintenant, surtout mes frères, car l'un d'entre eux travaille comme policier.

Diyaruna: As-tu des regrets?

Mahmoud:Il est trop tard maintenant pour parler de regret. J'attends d'être exécuté. Je pense que c'est très juste à cause de ce que j'ai fait. [...]

Nous diminuons et nous nous disparaîtrons, et les éléments du groupe se font tuer ou fuir.

Il n'y a plus de volontaires ou de recrus qui viennent chez nous.

Personnellement, j'ai tout avoué et j'attends ma punition.

J'espère que ma punition dans ce monde sera un moyen pour moi d'éviter d'aller en enfer le Jour de la Résurrection.

Diyaruna: Avez-vous des derniers mots pour ceux qui suivent encore le chemin de l'EIIS?

Mahmoud:Le jeu est terminé et nous avons perdu, et nous devons payer le prix.

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