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La visite d'une délégation syrienne en Irak crée des inquiétudes sur la « route de la soie iranienne »

Par Khalid al-Taie

Une délégation du ministère syrien de la Défense a rencontré des responsables du ministère irakien de la Défense à Bagdad le 13 juin. Cette première visite « officielle » entre les deux parties depuis des années a prouvé l'inquiétude de certains. [Images tirées d'une vidéo du site internet du ministère irakien de la Défense]

Une délégation du ministère syrien de la Défense a rencontré des responsables du ministère irakien de la Défense à Bagdad le 13 juin. Cette première visite « officielle » entre les deux parties depuis des années a prouvé l'inquiétude de certains. [Images tirées d'une vidéo du site internet du ministère irakien de la Défense]

Une délégation du ministère syrien de la Défense s'est récemment rendue à Bagdad pour parler de « coordination et de coopération de sécurité » avec l'Irak lors de la « première visite déclarée » de responsables militaires syriens dans le pays depuis des années.

Bien que le but déclaré de la visite ait été de discuter de coopération aux frontières et de « l'État islamique » (Daech), certains ont soulevé des inquiétudes quant aux intentions sous-jacentes des partisans régionaux du régime syrien.

Ils voient cette visite comme une tentative par l'Iran, soutien important du régime syrien actuellement attaqué, pour renforcer son influence en Irak et ouvrir un passage vers la Syrie et la mer Méditerranée, à travers lequel il pourra faire transiter des combattants et des armes, et améliorer son commerce.

Dans une déclaration du 13 juin, le ministère irakien de la Défense a annoncé que le chef de cabinet du général Othman al-Ghanmi avait rencontré une délégation de haut rang du ministère syrien de la Défense.

Le communiqué n'a pas dévoilé de détails sur la délégation syrienne.

Le chef de la délégation, qui n'a pas été nommé, a souligné « la force des relations entre les deux pays et des opérations en cours dans l'armée et d'autres domaines », a ajouté le communiqué irakien.

Pendant la réunion, des responsables ont examiné des moyens d'éliminer Daech, ce qui « requiert davantage de coopération et de coordination dans les domaines de l'échange de renseignements et du contrôle des frontières » par les forces irakiennes et syriennes.

Les délégations ont discuté « de la création d'un centre commun d'opérations grâce auquel les deux parties peuvent se coordonner », ainsi que « des derniers événements militaires à Mossoul, ainsi que du côté syrien ».

Le député irakien Faleh al-Khazali, membre du comité parlementaire sur la défense et la sécurité, a déclaré que cette visite se déroulait après une « visite à Damas par [Faleh al-Fayad], conseiller en sécurité nationale pour l'Irak au début du mois ».

Elle fait « partie de la coopération bilatérale entre les deux pays dans le cadre du comité de coordination créé il y a deux ans », a-t-il fait savoir.

« Pas sans dimension politique »

La visite de la délégation syrienne a été précédée de visites et de rencontres entre les Irakiens et les Syriens, a indiqué à Diyaruna Essam al-Faily, professeur de sciences politiques à l'université Mustansiriya.

Mais elle est considérée comme « la première visite déclarée de responsables militaires syriens en Irak depuis plusieurs années », a-t-il précisé.

Les nouvelles discussions « indiquent le désir des deux pays de renforcer encore plus leurs liens militaires grâce à la création d'un organisme bilatéral d'opérations afin de sécuriser la frontière et d'y traquer les cellules de Daech », a expliqué al-Faily.

Mais il a noté que la visite n'est pas sans dimension politique.

« L'Irak devrait faire partie de l'axe Iran-Syrie-Russie », a-t-il déclaré, faisant référence à la crise actuelle du Golfe.

« Le gouvernement irakien a confirmé à plusieurs occasions son refus d'appartenir à un axe, ne souhaitant pas compromettre son alliance proche avec les puissances majeures », a indiqué al-Faily.

Cependant, « les relations entre Bagdad et Damas n'ont pas été rompues depuis au moins 2011 », a précisé Yahya al-Kubaisi, chercheur au Centre irakien d'études stratégiques.

« Depuis, l'Iran s'est efforcé d'attirer l'Irak dans son alliance historique avec la Syrie contre le camp de l'opposition de la région, dirigé par l'Arabie Saoudite », a-t-il expliqué à Diyaruna.

La visite de la délégation syrienne « ne diverge pas de ce contexte », a-t-il ajouté.

Des signes de ces intentions incluent l'annonce de la fin 2015 de créer un « organisme de coordination de renseignements, ou ce qui a été appelé l'alliance des quatre camps », comprenant l'Iran, la Syrie, la Russie et l'Irak, a-t-il poursuivi.

Passage iranien à travers l'Irak

Fin mai, des unités des Forces de mobilisation populaire (FMP), certaines ayant reçu un soutien de l'Iran, ont pris le contrôle d'une bande d'environ 40 km le long de la frontière avec la Syrie.

De l'autre côté de la frontière, l'armée syrienne et des milices alliées ont progressé la semaine dernière dans le désert du sud -est de la Syrie et ont atteint la frontière irakienne.

Les mouvements récents des FMP et la progression de l'armée du régime syrien vers la frontière avec l'Irak « ont été un élément majeur ayant mené à cette visite » de la délégation militaire syrienne, a indiqué al-Kubaisi.

Les deux parties ont « discuté d'une amélioration de la coordination conjointe au vu de ce qu'il se passe sur le terrain », a-t-il ajouté.

Mais la réunion a des implications plus vastes pour la région, a-t-il expliqué, soulignant que l'Iran cherche « à faire de l'Irak un passage vital pour fournir des combattants et des armes » au régime syrien.

« Ce que j'appelle la route de la soie iranienne à travers l'Irak a été clairement révélée, après que la zone d'influence des FMP se soit déplacée vers la frontière avec la Syrie », a-t-il déclaré.

L'ouverture d'une route de l'Iran vers la Méditerranée et passant par l'Irak est un « projet iranien stratégique dont le but n'est pas seulement militaire, mais aussi économique », a-t-il affirmé.

« Après l'échec de négociations sur la construction d'une ligne d'exportation de gaz entre la Turquie et l'Iran, ce dernier cherche un passage sûr pour la ligne qui va jusqu'à la Méditerranée », a-t-il indiqué, notant que l'Iran pense sur le long terme.

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