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Criminalité et Justice

D'anciens prisonniers confirment les allégations du crématorium de Saydnaya

Par Tamer Abou Zeid à Beyrouth

Une image tirée du film « Tadmor » montre les mauvais traitements dans les prisons du régime syrien. Les acteurs de ce film, sorti en 2016, étaient d'anciens détenus. [Photo tirée du film Tadmor]

Une image tirée du film « Tadmor » montre les mauvais traitements dans les prisons du régime syrien. Les acteurs de ce film, sorti en 2016, étaient d'anciens détenus. [Photo tirée du film Tadmor]

Bien que le régime syrien ait nié des allégations l'accusant d'avoir mis en place un crématorium pour éliminer les corps des détenus morts à la prison militaire de Saydnaya, d'anciens prisonniers indiquent à Diyaruna que leur expérience suggère qu'il en est bien coupable.

A la mi-mai, les Etats-Unis a dévoilé des images satellites prises au début de 2015 semblant montrer que le régime syrien a construit un crématorium dans la plus grande prison de Syrie.

Les images montraient de la neige fondant sur un toit et des systèmes de ventilation industriels attachés au complexe à l'extérieur de Damas, confirmant apparemment des allégations faites par des groupes de défense des droits selon lesquelles Saydnaya est un centre d'exécution, a rapporté l'AFP.

« Depuis 2013, le régime syrien a modifié l'un des bâtiments de la prison militaire de Saydnaya pour contenir ce qui semble être un crématorium », a déclaré Stuart Jones, secrétaire d'Etat adjoint américain aux affaires du proche-orient.

Cela pourrait être une « tentative de cacher les assassinats en masse qui ont lieu à Saydnaya », a-t-il indiqué.

Amnesty International a accusé le régime de mener une « politique d'extermination » dans cette prison.

Le rapport de l'organisation, intitulé « Abattoir humain : pendaisons et extermination en masse à la prison de Saydnaya », détaille les pendaisons rituelles en masse entre 2011 et 2015.

Au moins une fois par semaine, jusqu'à 50 prisonniers étaient sortis de leur cellule pour des procès arbitraires, étaient battus puis pendus « au milieu de la nuit et dans le plus grand secret », a affirmé le rapport.

Selon l'organisation, a ajouté Jones, entre 5 000 et 11 000 personnes ont été tuées entre 2011 et 2015 rien que dans la prison de Saydnaya.

« Une entrée vers l'enfer »

Les accusations d'Amnesty sont corroborées par les témoignages d'anciens détenus libanais des prisons de Saydnaya, Tadmor (Palmyre) et al-Mazzeh, qui disent à Diyaruna ne pas être surpris des accusations portées contre le régime.

« La détention en Syrie n'est pas une partie de plaisir, mais plutôt une entrée vers l'enfer et le monde de l'inconnu », a déclaré Raymond Sweidan, membre de l'Association des détenus libanais dans les prisons syriennes, ayant lui-même été emprisonné pendant cinq ans au centre d'al-Mazzeh (de 1993 à 1998) avec son frère Michel pour « incitation » contre le régime.

« Les méthodes de torture sont inconcevables pour n'importe quel être humain », a-t-il déclaré. « Les gardiens inventent ces tortures pendant leur sommeil, incluant les suspensions à des chaînes, le tapis volant et la chaise électrique. »

« Pouvez-vous nous imaginer être réveillés au milieu de la nuit, appelés par nos noms complets, et le nom de nos mères, puis avoir les yeux bandés avec une serviette avant d'être amenés tous ensemble dans la cour d'exécution avec nos mains sur la tête, comme si nous étions au Colisée romain », a-t-il demandé.

« J'ai entendu parler d'un crématorium dans la prison de Saydnaya, mais ce qui est plus important c'est que les politiciens en [Syrie] et en dehors entendent parler de ce crématorium », a déclaré Sweidan.

« Formes de violence immondes »

Le traitement des prisonniers par le régime syrien est « extrêmement cruel et inhumain », a déclaré Ali Abou Dehn, président de l'Association des détenus libanais dans les prisons syriennes.

« Les prisonniers et les détenus sont soumis aux plus immondes formes de violence », a-t-il affirmé à Diyaruna, comprenant « des passages à tabac, de la torture, des insultes, de l'humiliation et des privations de sommeil et de nourriture».

« Les gardiens de prison syriens sont des monstres sans pitié qui utilisent les passages à tabac, l'assassinat, la torture, et les privations d'eau et de nourriture», a-t-il poursuivi.

« La torture commence avec le "pneu" », a expliqué Abou Dehn. « Le prisonnier reçoit 300 coups de fouet sur ses pieds nus. Il est ensuite placé sur la "chaise allemande". »

« Le siège de la chaise est mis contre son dos, un bâton est placé sous ses aisselles, et la chaise est serrée [avec de la corde contre son dos], puis remise dans sa position normale », a-t-il décrit. « Cela risque de briser sa colonne vertébrale ou de blesser ses poumons. »

Dans d'autres cas, le prisonnier « est contraint de monter sur une échelle tenue debout, qui est ensuite jetée au sol, écrasant ses genoux ou ses coudes », a-t-il fait savoir.

Parfois, un détenu est attaché et un chat est placé dans ses vêtements, causant des blessures alors qu'il tente de s'échapper, a-t-il ajouté. Dans certains cas, un prisonnier est pendu la tête en bas à une chaîne et parfois ses poignets sont déboîtés.

Les détenus pendus tête en bas peuvent « souffrir d'une rupture des vaisseaux sanguins », a-t-il indiqué, ajoutant que certains prisonniers ont été pendus au plafond par les mains pendant de longues périodes, causant une paralysie des mains.

Comme autres actes de torture, certains prisonniers ont été forcés à avaler une souris morte, des oiseaux ou des cafards morts, a-t-il précisé, ou à boire de l'urine les yeux bandés.

Certains gardiens forcent les prisonniers à écouter les voix d'enfants ou de femmes pleurant pour leur faire croire que des membres de leur famille sont interrogés et pour leur faire avouer quelque chose, a déclaré Abou Dahan.

Mais malgré les images satellites, les rapports crédibles, les cicatrices infligées et les histoires de torture et de mort dans la prison racontées par d'anciens détenus, le régime a déclaré que les allégations concernant le crématorium sont « complètement sans fondement ».

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