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Un artiste irakien a enregistré en secret la brutalité de Daech

Par l'AFP

Le peintre amateur irakien Moustafa al-Ta'i a travaillé la nuit, en secret, utilisant ses crayons et ses pinceaux pour enregistrer les violences dont il a été témoin sous le règne brutal de « l'État islamique » en Irak. Les 240 tableaux et dessins de Ta'i sont une exposition artistique de l'horreur. [Simon Valmary/AFP]

Le peintre amateur irakien Moustafa al-Ta'i a travaillé la nuit, en secret, utilisant ses crayons et ses pinceaux pour enregistrer les violences dont il a été témoin sous le règne brutal de « l'État islamique » en Irak. Les 240 tableaux et dessins de Ta'i sont une exposition artistique de l'horreur. [Simon Valmary/AFP]

Moustafa al-Ta'i a travaillé en secret, de nuit, utilisant ses crayons et ses pinceaux pour enregistrer les violences dont il a été témoin sous le règne brutal de « l'État islamique » (Daech) en Irak.

Le corps ensanglanté d'un homme suspendu par un pied, un autre gisant dans une flaque de sang avec sa tête coupée posée sur son dos, une femme au visage brûlé par l'acide ; ce ne sont là que quelques-unes des scènes capturées par Ta'i.

Les 240 tableaux et dessins, que Ta'i a composés entre la capture de sa ville natale d'Hammam al-Alil, au sud de Mossoul en 2014 et sa libération par les forces irakiennes fin 2016, sont une exposition de l'horreur.

« Daech est l'ennemi des arts, l'ennemi de la vie, alors je me suis dit que partout où je verrais l'un de leurs crimes ou quelque chose qu'ils ont fait, cela me toucherait », a-t-il fait savoir.

« Il n'y avait pas de journaliste, et ils n'autorisaient pas les photos, alors j'enregistrais l'image dans ma tête, et le soir venu, chez moi, je peignais », a déclaré l'homme de 58 ans, réparateur de fours et de chaudières, « accro » au dessin depuis l'enfance.

« L'armée lutte contre Daech avec des armes. Moi, je le fais avec mon pinceau, mes couleurs, mes dessins, mes tableaux », a indiqué Ta'i, assis en tailleur dans son salon, une planche à dessin sur ses genoux.

À une époque où l'art avait été interdit par les djihadistes – qui considèrent les représentations de personnes comme contraires à l'islam – et où les fournitures de dessin n'étaient pas trouvables, Ta'i a dessiné avec son vieux stock de peintures, de papiers et de crayons pour « résister ».

Ces œuvres sont simples et colorées, et chacune raconte une histoire.

« Cet enfant est un chrétien », a-t-il expliqué, montrant le portrait d'une fille en pleurs.

« Ils l'ont prise alors qu'elle avait 12 ans. Elle a été mariée à l'un d'entre eux, qui l'a laissée à un autre, lequel l'a épousée » – quelque chose qui s'est produit « quatre ou cinq fois », a raconté Ta'i.

« C'est mon addiction »

« Je l'ai rencontrée quand j'étais à l'hôpital. Elle pleurait et avait des contusions sur le visage et des blessures aux mains et sur le corps. J'ai pris une feuille de mon dossier médical et j'ai dessiné dessus. »

Un autre dessin montre un homme attaché à un poteau, les yeux bandés.

Ta'i a expliqué que cet homme avait été arrêté après avoir tiré sur les djihadistes.

« Ils l'ont attaché à un pylône électrique et l'ont exécuté après l'avoir torturé. »

Ta'i ne gardait pas ses œuvres chez lui, mais il les laissait chez un ami qui les cachait derrière le siège arrière de sa voiture.

Mais il pense avoir été dénoncé à Daech, surtout lorsqu'il dessinait au travail pendant la journée.

Daech « est venu chez moi plusieurs fois, mais ils n'ont rien trouvé », a-t-il déclaré.

La police religieuse est venue une nuit. « Ils m'ont dit qu'ils voulaient mes tableaux et mes calligraphies. Ils m'ont emmené dans le désert. »

Les djihadistes l'ont fouetté, et l'ont traîné derrière une voiture à laquelle il était attaché par les jambes.

« Je récitais le Coran à voix haute. [...] Ensuite, ils m'ont attaché les mains et les pieds, m'ont ramené et m'ont jeté devant chez moi. J'ai été trouvé au matin suivant », a-t-il raconté.

Ta'i a raconté avoir été emprisonné pendant 45 jours au total à cause de ses dessins, et condamné deux fois à la flagellation.

Mais chaque fois, ce grand-père de sept petits-enfants continuait à dessiner.

« Je ne peux pas arrêter de dessiner. C'est mon addiction, cela me calme. Je ne fume pas – je dessine », a expliqué Ta'i.

Lors d'un séjour en prison, il a ouvert une pile et a utilisé son contenu pour dessiner sur un mur. Un garde l'a forcé à le nettoyer en le léchant.

Aujourd'hui, il garde ses œuvres dans des boîtes, comme témoignage de ce qu'il a vu, et peint « ce qui se trouve devant moi, ce que je trouve beau ».

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