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L'émission satirique Wilayat Batikh suscite les rires du public et la colère de l'EIIL

Par Alaa Hussain à Bagdad

Les acteurs de Wilayat Batikh posent pour la photo. Cette émission comique irakienne très populaire utilise la satire pour parler des groupes terroristes et de la corruption publique. [Photo fournie par Wilayat Batikh]

Les acteurs de Wilayat Batikh posent pour la photo. Cette émission comique irakienne très populaire utilise la satire pour parler des groupes terroristes et de la corruption publique. [Photo fournie par Wilayat Batikh]

L'émission comique irakienne Wilayat Batikh (Ville melon) fait rire des millions d'Irakiens avec la satire qu'elle fait des maux de la société très répandus, de la corruption politique au terrorisme.

Cette émission hebdomadaire, diffusée sur la chaîne satellitaire Hona Bagdad, attire des millions de téléspectateurs et des milliers de commentaires sur les réseaux sociaux.

Chaque épisode présente un sketch satirique mettant en scène des policiers corrompus, des fils ingrats, des voisins bruyants et des terroristes alcooliques.

Un sketch sur des coups de feu de célébration a été vu quatre millions de fois sur YouTube, tandis qu'un autre, dans lequel trois militants de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) pleurent la mort de leur commandant, l'a été plus de 1,4 million de fois en deux semaines.

Ce sketch sur l'EIIL et d'autres comme lui, qui montrent l'état de décrépitude morale au sein du groupe et comment certains de ses éléments sont dépendants à l'alcool et à la drogue, ont suscité la colère du groupe.

Le présentateur de Wilayat Batikh, Ali Fadhil, a déclaré à Diyaruna qu'un jeune homme de Mossoul avait été fouetté en public par l'al-hesba (la « police religieuse ») de l'EIIL, après que le groupe l'eut surpris en train de regarder l'émission.

Il a expliqué avoir appris que les habitants de Mossoul regardent en secret des épisodes de l'émission sur leurs smartphones.

Une approche différente et innovante

Le succès de cette émission dans tout le pays, y compris dans les villes encore sous le contrôle de l'EIIL, peut être attribué à deux années de recherche soignée avant son lancement, a expliqué Fadhil.

Selon lui, « cette équipe de seize personnes, dont neuf acteurs, est essentiellement composée de jeunes amateurs, ce qui explique pour une bonne part le succès de l'émission ».

Cette équipe a adopté une approche différente et innovante, a-t-il poursuivi, créant une nouvelle forme de comédie sans avoir recours à la copie de sketches comiques tirés d'internet, comme d'autres l'ont fait.

Parallèlement, a-t-il ajouté, leurs sketches ne transgressent aucune limite morale ni traditionnelle, mais présentent plutôt des vérités que chacun peut connaître.

Dans l'un de ces sketches, a-t-il décrit, une députée mange des bonbons et joue sur son téléphone mobile lors d'une séance parlementaire consacrée à la corruption, sans se rendre compte qu'elle est filmée.

« Cette scène et les commentaires humoristiques qui l'accompagnent ne visent pas la personne de la députée, mais plutôt le manque de diligence des responsables politiques en général », a-t-il expliqué.

Pour Atheer Kashkoul, l'un des acteurs de Wilayat Batikh, le grand nombre de vues est dû au fait que les gens reconnaissent la simplicité et la spontanéité de l'émission, qui présente les mauvais comportements sous une lumière comique mais constructive, sans aucune sorte de vulgarité.

« Notre émission est produite pour les familles irakiennes, et personne ne la regarde sans remarquer des personnages qu'ils peuvent identifier dans la société », a-t-il expliqué à Diyaruna.

Menaces et actes de violence

Les créateurs de l'émission ont été à plusieurs reprises menacés par des sources inconnues après la diffusion de certains épisodes montrant les défauts des responsables politiques et la violence des groupes terroristes, a poursuivi Fadhil.

Ils se sont habitués à de telles menaces, a-t-il dit, ajoutant qu'elles n'ont plus d'effet.

La maison de Fadhil, proche du parc al-Saadoun dans le centre de Bagdad, a été prise pour cible par des tirs de membres d'une tribu le 21 février, en réponse à un sketch qu'ils considéraient insultant pour leur clan.

Des sources proches de la police avaient alors révélé que les membres de la famille de Fadhil avaient été terrifiés, mais n'avaient eu à souffrir que de dommages matériels à leur maison.

« Cet incident avait été réglé légalement avec le clan en question, sans avoir à faire de compromis », a poursuivi Fadhil, soulignant que toute tentative de faire chanter des artistes serait vaine.

Le député irakien Mohammed al-Sayhud a souligné que les tribus irakiennes n'approuvent pas le fait de s'en prendre à des journalistes et des personnalités des médias, soulignant que ce crime avait été le fait de membres de tribus agissant indépendamment.

« L'attaque contre le présentateur de Wilayat Batikh, ainsi que le fait de s'en prendre à des responsables de la sécurité et à des journalistes, est inacceptable », a-t-il déclaré à Diyaruna.

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