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Une génération d'enfants syriens traumatisés par la guerre

Par Waleed Abou al-Khair au Caire

Une jeune Syrienne devant sa tente à al-Marj, à Ghouta, dans l'est de la province de Damas. Dans un rapport publié le 6 mars, Save the Children a montré le prix de la guerre sur la santé mentale des enfants syriens. [Photo fournie par Adham al-Sherif, militant des médias]

Une jeune Syrienne devant sa tente à al-Marj, à Ghouta, dans l'est de la province de Damas. Dans un rapport publié le 6 mars, Save the Children a montré le prix de la guerre sur la santé mentale des enfants syriens. [Photo fournie par Adham al-Sherif, militant des médias]

Les enfants syriens sont confrontés à des problèmes de santé mentale de plus en plus graves à cause de la guerre en cours, comme le démontre un nouveau rapport , des experts mettant en garde sur le fait que les effets psychologiques du conflit pourraient être impossibles à effacer.

Ce rapport de Save the Children, intitulé « Blessures invisibles » et publié le 6 mars, se base sur une étude qui comporte des entretiens avec 450 enfants syriens dans sept provinces.

Selon ses conclusions, 78 % des enfants syriens éprouvent un sentiment de souffrance et de profonde tristesse de manière épisodique ou en permanence, et presque tous les adultes ont indiqué que les enfants sont devenus plus nerveux ou craintifs avec la poursuite de la guerre.

« La moitié des enfants interrogés ne se sentent pas en sécurité à l'école ou lorsqu'ils jouent à l'extérieur », a expliqué ce rapport.

« La tension psychologique constante sur les enfants se manifeste par des problèmes d'incontinence au lit, une incontinence involontaire en public, des problèmes d'élocution et la perte de capacité qu'éprouvent certains à parler de manière construite, ou encore une toxicomanie », a ajouté le rapport.

De plus, les communautés et les professionnels font état d'une hausse des automutilations et des tentatives de suicide chez des enfants âgés d'à peine douze ans.

Enas al-Jamal, pédopsychologue enseignante à l'université égyptienne d'Aïn Shams, a expliqué à Diyaruna que l'on pouvait s'attendre à de telles conclusions, « au vu des souffrances que les enfants syriens ont connues durant toutes les années précédentes ».

Ces conclusions sont « catastrophiques » à la fois pour le présent et pour l'avenir, a-t-elle ajouté, soulignant que les traumatismes psychologiques ne guérissent ni facilement ni rapidement.

Ces blessures peuvent s'atténuer ou devenir moins douloureuses si les enfants bénéficient d'une thérapie loin de cet environnement traumatisant, a-t-elle précisé, mais elles peuvent encore être annonciatrices de comportements déviants, d'un attrait pour la violence, d'un état de stress constant ou d'une addiction à la drogue.

Le développement intellectuel peut lui aussi être affecté, a-t-elle poursuivi, tandis que l'impact physique des traumatismes peut se manifester sous forme de migraines et peut même entraîner des problèmes cardiaques.

Selon al-Jamal, il est encore temps d'éviter un désastre, comme l'a indiqué le rapport, en mettant fin aux sièges, en faisant en sorte que toutes les parties épargnent les écoles et les hôpitaux dans les combats et en permettant aux organisations humanitaires de mener à bien leur travail sans entraves.

La peur éprouvée par les enfants

Mohammed Shaker, militant des médias originaire de Harasta, dans la partie orientale de Ghouta de la province de Damas, a expliqué à Diyaruna qu'il travaillait avec des enfants comme volontaire du réseau Hourras (les Gardiens de l'enfance).

Le principal but de ce réseau est de permettre aux enfants de la région de sortir de l'atmosphère qu'ils connaissent en les engageant dans des activités de loisir et éducatives, a-t-il rapporté.

« Au départ, la plupart des enfants n'ont pas répondu, certains estimant qu'ils étaient trop vieux pour participer à ce type d'activités, se considérant comme des adultes trop grands pour de telles choses », a-t-il indiqué.

« La majorité des enfants avaient peur en permanence, et le son d'un coup de fusil ou d'un obus, quelle qu'en soit la distance, distrayait sérieusement leur attention », a-t-il souligné. « Certains courraient même se mettre à l'abri, craignant une frappe aérienne. »

Les conversations des enfants tournaient principalement autour des combats en cours et des signalements sur les derniers événements qu'ils entendaient dans la bouche des adultes, a expliqué Shaker.

Les groupes armés dans l'est de Ghouta « exploitent la santé mentale des enfants pour les recruter, et sont rétifs à toute tentative de traiter les symptômes dont souffrent ces enfants », a-t-il poursuivi.

Ces groupes « ont en fait suspendu les opérations du réseau Hourras », a-t-il ajouté.

Traumatisme psychologique

Mahmoud Abdel Nour, employé du gouvernement à la retraite originaire de Saraqeb, dans la province d'Idlib, a expliqué à Diyaruna être parfaitement conscient des effets psychologiques sérieux que la guerre a eus sur ses deux fils âgés maintenant de 14 et 8 ans.

« L'état de mon fils aîné est sérieux, parce qu'il est parfaitement conscient de tout ce qui s'est passé depuis le déclenchement de la guerre en Syrie », a-t-il expliqué.

Son fils cadet est en meilleure santé, a-t-il poursuivi, car il est trop jeune pour comprendre tout ce qui se passe.

Abdel Nour a indiqué que lui et sa femme avaient suivi un plan qui avait commencé « par mettre en place un horaire d'étude qui ne pouvait être interrompu sous aucun prétexte ».

Ils impliquent leurs enfants dans de nombreuses activités intellectuelles adaptées à leur âge, et parlent avec eux de la situation actuelle « d'une manière qui la rend simple à comprendre ou à expliquer, sans instiller la peur dans leurs cœurs », a-t-il précisé.

« Les enfants qui ont [plus] de mal sont ceux qui n'ont reçu aucune aide de leurs parents », a-t-il poursuivi, ajoutant que ces enfants sont au bord d'un véritable désastre.

Abdel Nour a fait part de son espoir de voir la guerre en Syrie, se terminer bientôt, « afin que la crise que connaissent les enfants syriens se termine ».

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