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Syrie: une « attaque au gaz » mortelle déclenche l'indignation mondiale

Article de l'AFP et Diyaruna

Des enfants syriens sont soignés dans un petit hôpital dans la ville de Maaret al-Noman suite à une attaque au gaz toxique suspectée sur Khan Sheikhoun le 4 avril. [Mohamed al-Bakour/AFP]

Des enfants syriens sont soignés dans un petit hôpital dans la ville de Maaret al-Noman suite à une attaque au gaz toxique suspectée sur Khan Sheikhoun le 4 avril. [Mohamed al-Bakour/AFP]

Une attaque au gaz suspectée sur une ville de la province syrienne d'Idlib, qui a tué mardi 4 avril au moins 58 civils, dont des enfants, a déclenché l'indignation mondiale et des demandes d'enquête.

Si elle est confirmée, cette attaque serait l'une des pires attaques chimiques depuis le début de la guerre en Syrie.

Mardi, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé qu'elle « rassemblait et analysait des informations de toutes les sources disponibles » sur l'attaque au gaz suspectée.

L'OIAC « est extrêmement préoccupé par l'attaque chimique suspectée signalée par les médias ce matin dans la région de Khan Sheikhoun, dans le sud d'Idlib », a fait savoir cet organisme de veille contre les armes chimiques dans une déclaration.

Le 4 avril, des enfants syriens en attente de traitement dans une clinique improvisée suite à des frappes aériennes signalées des forces du régime dans la ville de Douma, contrôlée par l'opposition et située dans les faubourgs est de Damas. [Abd Doumany/AFP]

Le 4 avril, des enfants syriens en attente de traitement dans une clinique improvisée suite à des frappes aériennes signalées des forces du régime dans la ville de Douma, contrôlée par l'opposition et située dans les faubourgs est de Damas. [Abd Doumany/AFP]

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, l'attaque sur une zone résidentielle de Khan Sheikhoun s'est produite mardi au petit matin lorsqu'un avion de chasse a mené des frappes ayant libéré « du gaz toxique ».

Il a ajouté que onze enfants faisaient partie des victimes, avec au moins 160 blessés, et que de nombreuses personnes décédaient même après leur arrivée dans les centres médicaux.

En plus des morts, des dizaines de personnes ont eu des difficultés à respirer après l'incident, ce qui a déclenché des symptômes comme des vomissements, des évanouissements et de l'écume à la bouche, a précisé l'observatoire.

L'observatoire n'a pas pu confirmer la nature du gaz ni qui était responsable des frappes.

Un hôpital touché par d'autres frappes

Un hôpital où des médecins soignaient des victimes de l'attaque a été touché par deux frappes aériennes suivant la première, causant un effondrement partiel sur les médecins.

L'observatoire a indiqué qu'un avion militaire avait touché l'hôpital, mais n'a pas pu confirmer s'il y a eu des morts ou des blessés.

Un centre de secours des Casques blancs voisin a également été atteint par ces frappes.

Après l'attaque initiale, « des ambulances sont parties dès qu'elles ont reçu des signalements de victimes », a fait savoir à Diyaruna Wassim Jounaid, membre des Casques blancs. « Les équipes ont été surprises par la forte odeur du gaz».

Jounaid a déclaré qu'il était « avec les premières équipes à arriver sur le site et ayant vu des dizaines de personnes souffrir de suffocation et de difficultés à respirer, avec les yeux et les visages rouges ».

« La plupart des blessés étaient des civils, dont des femmes et des enfants », a-t-il rapporté.

« En raison des moyens disponibles limités, des mesures rapides ont été prises, incluant la pulvérisation d'eau potable sur les blessés avec des tuyaux pour retirer toute trace du gaz, ainsi que le fait de retirer leurs vêtements et les laver nus pour s'assurer que toutes les traces de gaz ont été supprimées », a-t-il décrit.

Plusieurs personnes en difficulté respiratoire grave ont bénéficié de mesures de respiration artificielle, a-t-il ajouté.

Salah Othman, résident de Khan Sheikhoun âgé de 50 ans, a déclaré à Diyaruna qu'il s'était « précipité comme les autres vers l'endroit qui avait été touché par les raids aériens ».

« La scène était douloureuse au-delà de l'imagination, des corps gisant partout et l'air étant empli de cris des blessés », a-t-il raconté.

« Je ne pourrais peut-être jamais oublier les scènes que j'ai vues, surtout les cris des enfants », a-t-il poursuivi.

Demandes d'enquête

Cette ville de la province d'Idlib est principalement contrôlée par une alliance de l'opposition et a régulièrement été la cible de frappes aériennes du régime et de ses alliés.

Le groupe leader de l'opposition syrienne, la Coalition nationale, a accusé le régime d'être derrière cette attaque et a appelé le conseil de sécurité de l'ONU à organiser une session d'urgence et « d'ouvrir immédiatement une enquête » sur l'attaque.

Le conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir mercredi pour discuter de l'attaque.

Une source haut placée de la sécurité syrienne a démenti les affirmations d'implication du régime, les qualifiant de « fausses accusations », déclarant à l'AFP que les forces d'opposition essaient « d'obtenir dans les médias ce qu'ils n'ont pas pu obtenir sur le terrain ».

Le ministre français des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a qualifié l'attaque de « monstrueuse ».

Mardi, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a affirmé que le régime syrien portait « la responsabilité principale » de cette attaque.

« Les nouvelles sont horribles aujourd'hui », a déploré Mogherini à Bruxelles, en marge d'une conférence entre l'Union européenne et l'ONU qui devait porter sur la situation en Syrie après le conflit.

« Il y a de toute évidence une responsabilité principale du régime, car il a pour responsabilité de protéger son peuple et non pas de l'attaquer », a-t-elle ajouté.

La Russie, alliée du régime, a nié toute responsabilité dans l'attaque, le ministre russe de la Défense déclarant mardi que le pays n'avait mené aucune frappe près de Khan Sheikhoun.

Dans une conversation téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine, le président turc Recep Tayyip Erdogan a condamné l'attaque en la qualifiant de frappe « inhumaine » qui pourrait mettre en danger les pourparlers de paix en cours dans la capitale kazakhe.

Allégations répétées sur les armes toxiques

Le régime syrien a officiellement rejoint la Convention sur l'interdiction des armes chimiques et a remis son arsenal chimique en 2013, dans le cadre d'un accord pour éviter les actions militaires.

Mais il y a eu des allégations répétées sur l'utilisation d'armes chimiques par le régime depuis lors, une enquête de l'ONU dénonçant le régime pour au moins trois attaques au chlore en 2014 et 2015 .

Le régime nie l'utilisation d'armes chimiques et a à son tour accusé les combattants de l'opposition d'avoir utilisé des armes interdites.

L'attaque de mardi intervient quelques jours seulement après que les forces du régime ont été accusées d'avoir utilisé des armes chimiques lors d'une contre-offensive dans la province voisine d'Hama.

Créée en 1997 pour éliminer les armes chimiques, l'OIAC a déployé plusieurs missions en Syrie en 2014 pour vérifier les allégations sur l'utilisation d'armes toxiques.

Dans un rapport remis en mars au conseil de sécurité de l'ONU, le directeur général de l'OIAC Ahmet Uzumcu a signalé que « huit incidents d'utilisation présumée d'armes chimiques ont été constatés depuis début 2017 et sont actuellement en cours d'analyse ».

Des missions de recherche de preuves enquêtaient déjà sur des incidents dans l'ouest rural de la ville d'Alep, dans le sud d'Homs, dans le nord d'Hama, dans la partie rurale de Damas et à Idlib, a précisé le rapport.

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