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Les finances de l'EIIL s'effondrent alors que la contrebande de pétrole est désormais « impossible »

Par Waleed Abou al-Khaïr au Caire

Un convoi de camions-citernes de « l'État islamique en Irak et au Levant » a été stoppé par des factions de l'opposition près de Marea, dans la province syrienne d'Alep, en janvier dernier. [Photo fournie par Azzam al-Hussein]

Un convoi de camions-citernes de « l'État islamique en Irak et au Levant » a été stoppé par des factions de l'opposition près de Marea, dans la province syrienne d'Alep, en janvier dernier. [Photo fournie par Azzam al-Hussein]

Les revenus de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) ont fortement chuté depuis octobre 2015, lorsque la coalition internationale a commencé à lancer une vague de frappes visant les transports, les installations et les infrastructures pétrolières du groupe, ont expliqué des experts à Diyaruna.

L'impact de l'Opération raz-de-marée est mis en évidence par la réduction des salaires des combattants de l'EIIL et sa campagne plus agressive pour imposer des taxes aux populations encore sous son contrôle, ont-ils fait savoir.

Un autre signe des ennuis financiers du groupe, ont-ils ajouté, est que ses combattants tentent de se débarrasser de la monnaie frappée par l'EIIL, l'échangeant contre des monnaies reconnues internationalement.

De récentes opérations militaires ont rendu « impossible » pour l'EIIL de faire passer du pétrole en contrebande par-delà la frontière, a déclaré Mohammed al-Abdoullah, journaliste syrien résidant au Caire.

« La plupart des passages frontaliers, légaux et illégaux, sont maintenant surveillés par les forces de la coalition internationale », a-t-il expliqué à Diyaruna.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont mené des opérations terrestres contre les convois de pétrole de l'EIIL, a-t-il ajouté, et les avions de la coalition et les équipements de surveillance détectent tout mouvement dans ces zones.

« Ceci a laissé le groupe avec seulement une poignée de passages vers des zones contrôlées par le régime, qui deviennent elles aussi rares, et les convois de camions-citernes qui s'y dirigent peuvent être repérés à tout moment », a expliqué al-Abdoullah.

La contrebande de pétrole prise pour cible

« Traquer les activités de contrebande de pétrole a été l'une des priorités de la guerre contre l'EIIL, car ses ressources financières dépendent principalement des revenus générés par ces opérations », a indiqué al-Abdoullah.

Il était nécessaire de couper cette artère financière pour saper les forces du groupe, poursuivre la guerre contre lui et resserrer l'étau sur les zones qu'ils contrôle, a-t-il poursuivi.

« Ces efforts ont apparemment porté leurs fruits, et les résultats commencent à se faire sentir sur le terrain », a annoncé al-Abdoullah.

La situation financière actuelle de l'EIIL est « désastreuse », a affirmé Jamil al-Khatib, un habitant de Deir Ezzor utilisant un pseudonyme par peur pour sa sécurité.

Cela se reflète dans le pouvoir d'achat des combattants de l'EIIL, dont les importantes dépenses sur les marchés d'al-Raqqa appartiennent maintenant au passé, a-t-il rapporté.

Ceci a été confirmé par les nombreuses personnes qui collaboraient avec l'EIIL et qui étaient payées pour les services rendus, a-t-il ajouté.

Plusieurs habitants dont les proches ont été recrutés par le groupe ont déclaré qu'ils « ont reçu des salaires allant jusqu'à 400 $, et certains 500 $ par mois en 2014 ».

À cela venaient s'ajouter les 100 dollars d'allocation au conjoint, l'aide alimentaire distribuée deux fois par mois et une part du butin et des revenus des taxes, a indiqué al-Khatib.

Cette situation s'est poursuivie jusqu'en mi-2016, lorsque les salaires ont été réduits de moitié, a-t-il fait savoir.

« Le salaire n'est désormais plus que de 100 dollars par mois, avec un maximum de 140 $ pour les combattants syriens, sans partage du butin », a-t-il précisé.

La monnaie de l'EIIL ne vaut rien

« Depuis la fin de l'année dernière, certains éléments du groupe payent leurs achats avec la monnaie en cuivre, argent et or de l'EIIL », a rapporté Wael Moustafa, un marchand d'al-Raqqa témoignant sous couvert de l'anonymat par peur pour sa sécurité.

Ceci pose un réel problème aux bureaux de change, a-t-il indiqué à Diyaruna, car les éléments de l'EIIL échangent cet argent contre des dollars américains, et parfois contre des livres syriennes.

De nombreux agents de change ont décidé de quitter leur métier, a-t-il déclaré, car ils savent que cela n'est autre que du vol.

« Le fait que le groupe ait eu recours à sa propre monnaie et qu'il l'échange contre d'autres devises est apparemment dû à l'énorme manque de financement et à l'incapacité du groupe à payer les salaires de ses éléments », a expliqué Moustafa.

Selon lui, la décision de l'EIIL de permettre à ses combattants d'échanger leur argent contre des devises reconnues internationalement est « un stratagème pour les faire taire ».

La monnaie de l'EIIL, introduite il y a deux ans, a d'abord été imposée aux marchands de pétrole et de carburant, qui ont été contraints de l'utiliser pour leurs transactions, et ont dû échanger pour cela leurs dollars contre cette devise, a fait savoir Moustafa.

« C'est du vol pur et simple, parce que chacun sait que les métaux utilisés par le groupe pour frapper ses pièces ont été volés dans des banques et des usines en Syrie et en Irak », a-t-il affirmé.

Bien que la situation financière des habitants d'al-Raqqa, de Deir Ezzor et d'al-Tabqa se soit fortement dégradée, les éléments de l'EIIL continuent de prélever agressivement des taxes, a-t-il rapporté.

Des éléments de l'EIIL ont saisi les maisons de ceux qui ne peuvent pas payer, a-t-il indiqué, ainsi que d'autres objets revendables comme des réfrigérateurs, des machines à laver, des gazinières « et tout ce qui peut être vendu rapidement sur les marchés ».

L'EIIL assiégé financièrement

« L'argent est l'un des piliers qui ont aidé l'EIIL à s'étendre et à prendre le contrôle de nombreuses régions en Syrie et en Irak », a déclaré Fakhrouddin Awadallah, professeur d'économie à l'université Ain Shams.

Le groupe a utilisé l'argent et d'autres motivations financières, comme des voitures et des munitions, pour recruter des milliers de combattants étrangers, a-t-il expliqué à Diyaruna.

Il n'est donc pas possible d'éliminer le groupe « sans couper son artère financière », a-t-il affirmé.

« Depuis sa création, l'EIIL a accumulé des richesses grâce à un plan calculé incluant le cambriolage de banques et la saisies d'usines, de puits et de raffineries de pétrole », a-t-il ajouté.

« Or, ce plan a été contrecarré par un contre-plan lancé par la coalition internationale, accompagné d'un siège financier international qui a privé le groupe des dons en espèces qu'il recevait », a-t-il indiqué.

Les revenus quotidiens de l'EIIL ont chuté à leur niveau le plus bas, a-t-il poursuivi, et le groupe se sert sans doute de ses réserves d'argent liquide qu'il avait constituées afin de continuer à fonctionner.

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