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Jeunesse

« Soura wa Hikaya » crée des liens sociaux entre les jeunes du Levant

Par Nohad Topalian à Beyrouth

Le réfugié irakien Fayd Bakhos Keryo, qui a participé à l'atelier « Soura wa Hikaya », a pris cette photo d'enfants réfugiés syriens au Liban. [Photo fournie par Fayd Bakhos Keryo]

Le réfugié irakien Fayd Bakhos Keryo, qui a participé à l'atelier « Soura wa Hikaya », a pris cette photo d'enfants réfugiés syriens au Liban. [Photo fournie par Fayd Bakhos Keryo]

Soixante-dix adolescents venus de Syrie, d'Irak, de Palestine et du Liban ont récemment passé trois mois ensemble à Beyrouth pour y apprendre comment surmonter leurs différences lors d'un atelier de photographie et d'écriture.

Ce projet, baptisé « Soura wa Hikaya » (une photo et une histoire), a été conçu pour des jeunes âgés de 14 à 18 ans. Ces adolescents ont révélé ce qu'ils avaient appris lors d'une exposition d'une semaine de leurs travaux au théâtre al-Madina dans la rue Hamra à Beyrouth, qui s'est achevée le 9 février.

Au travers de cet atelier, l'organisation libanaise à but non lucratif Zakira et l'UNICEF ont cherché à tisser des liens sociaux entre les communautés de réfugiés et d'accueil, et à aider les participants à reconnaître le caractère destructeur du sectarisme.

Lors de l'exposition de clôture, les adolescents ont présenté des photographies et des histoires montrant la réalité de leurs vies, certaines mettant en lumière leur expérience de réfugiés et les tragédies qu'ils ont connues et dont ils ont été les témoins.

Aya al-Khalaf, 16 ans, réfugiée d'Alep, a ainsi présenté des photographies d'enfants syriens devant travailler pour subvenir aux besoins de leur famille au lieu d'aller à l'école.

Elle a photographié et écrit au sujet de Salam, 13 ans, qui travaille sur un chantier à porter de lourds sacs de ciment et de pierres ; d'Ahmed, 12 ans, travailleur sur un marché populaire ; et de Yamen, 10 ans, qui travaille dans un bar à narguilé.

Al-Khalaf a expliqué à Al-Mashareq qu'elle avait mis à profit les compétences apprises pour « mettre en lumière des enfants syriens qui travaillent et présenter une image vraie de la souffrance des réfugiés ».

« Je voulais que chacun sache qu'ils sont les principales victimes de la guerre », a-t-elle déclaré. « Comme Yamen, qui travaille dans un bar à narguilé, ils sont pris entre le marteau du déplacement et l'enclume de la pauvreté et du travail des enfants. »

Surmonter les préjugés

Al-Khalaf a indiqué qu'elle avait participé à ce projet parce qu'elle était déterminée « à assimiler et à m'intégrer dans mon environnement libanais et apprendre à connaître les autres ».

« Ma famille et moi vivons dans le camp de Burj al-Barajneh depuis notre déplacement d'Alep », a-t-elle précisé. « Je ne m'étais pas mélangée avec les Libanais parce que je pensais qu'ils étaient racistes. »

Ce projet l'a aidée à s'apercevoir « qu'ils ne sont pas racistes, ils ne connaissent simplement pas la réalité de notre situation », a-t-elle affirmé, ajoutant que « nous avons appris à nous connaître et nous sommes aperçus que nous sommes semblables, jusque dans nos préoccupations ».

Fayd Bakhos Keryo, réfugié irakien de 18 ans, dont l'objectif a saisi des images d'enfants syriens, a expliqué à Al-Mashareq que ce projet lui avait donné la possibilité de s'ouvrir aux autres.

Keryo a raconté être arrivé au Liban après que « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) l'eut contraint à fuir son village de Qaraqosh, dans le nord de l'Irak, avec beaucoup d'autres personnes.

« Je suis resté renfermé sur moi-même pendant deux ans, avec la peur d'interagir avec les autres », a-t-il confié.

« Ce projet m'a permis de rencontrer des gens de ma génération, et j'ai fini par devenir quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, j'accepte les autres et des opinions différentes. Je me suis libéré l'esprit, qui était emprisonné, comme je l'ai décrit dans cette exposition. »

Hadi Mgharbel, participant libanais de 18 ans, montre des photos du camp de réfugiés palestiniens de Jal al-Bahr dans la ville libanaise de Tyr.

« Nous pensions que [les réfugiés palestiniens] étaient une source de terrorisme et d'extrémisme, et ils nous voyaient comme des racistes », a-t-il rapporté à Al-Mashareq, ajoutant que par sa présentation, il avait cherché à dissiper cette perception.

« Il existait un gouffre entre nous », a-t-il déclaré. « Mais aujourd'hui, nous nous sommes réunis et avons tissé des liens, et nous avons réalisé que nous sommes tous semblables. »

Investir dans la jeunesse arabe

« Nous savons tous qu'investir dans la jeunesse dans le monde arabe est une priorité urgente pour poser les fondements durables de la stabilité », a affirmé Tanya Chapuisat, représentante de l'UNICEF au Liban.

« Nous devrions noter ce qu'ils prennent en photo, ce qui les inquiète, et ce dont ils parlent lorsqu'ils écrivent. Parce que c'est là que nous trouverons les réponses », a-t-elle déclaré à l'ouverture de cette exposition le 3 février.

Soura wa Hikaya avait pour but de tirer parti du potentiel des adolescents et de répondre à leurs préoccupations par le biais du dialogue et de la communication, pour les empêcher de tomber dans les pièges du terrorisme et de l'extrémisme, a expliqué le président de Zakira, le photographe Ramzi Haïdar.

« Il a été prouvé que ce groupe d'âge est pris pour cible pour être trompé, notamment parce que certains d'entre eux ne sont pas allés à l'école et n'ont pas reçu de bons conseils », a-t-il déclaré à Al Mashareq. « Nous leur avons donné un espace d'espoir, de joie et de confiance en soi pour se découvrir eux-mêmes. »

Les ateliers mis en place dans le cadre de ce projet ont appris aux participants comment utiliser un appareil photo, les techniques de la photographie, la rédaction et l'édition d'informations, et comment utiliser les médias sociaux, a-t-il détaillé.

« Ils ont rencontré des personnes de différentes origines sociales et ont bâti des relations basées sur des préoccupations communes qui concernent leur génération », a-t-il ajouté.

Soura wa Hikaya a été lancée l'année dernière pour renforcer les compétences des jeunes marginalisés et développer les liens entre les réfugiés et les communautés d'accueil, a expliqué Haïdar.

Depuis lors, a-t-il poursuivi, plus de 70 jeunes hommes et femmes ont pu devenir des journalistes locaux en apprenant comment préparer des articles et prendre des photos.

Ces ateliers ont révélé l'étendue de leurs ambitions, de leur conscience sociale et politique et de leur capacité à insuffler des changements positifs dans leurs communautés, a-t-il indiqué.

« Notre projet a été une réussite, et ils ont transcendé les différences sociales et de classe », a-t-il affirmé.

« Nous leur avons donné une possibilité de parler de diversité, d'intégration et de défis, pour qu'ils puissent les relever par le biais du dialogue, et nous continuerons à donner les mêmes chances à d'autres vivant dans des situations similaires », a-t-il conclu.

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1 COMMENTAIRE (S)
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Très important.

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