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Le « dinar or » de l'EIIL est sans valeur, affirment les experts

Par Waleed Abu al-Khair au Caire

Des raffineries de pétrole primitives (brûleurs) à al-Hasakeh sont utilisées pour filtrer le pétrole que « l'État islamique en Irak et au Levant » vend aux commerçants locaux. [Photo fournie par Mohammed al-Beik]

Des raffineries de pétrole primitives (brûleurs) à al-Hasakeh sont utilisées pour filtrer le pétrole que « l'État islamique en Irak et au Levant » vend aux commerçants locaux. [Photo fournie par Mohammed al-Beik]

« L'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) a commencé à imposer l'utilisation de sa propre devise pour certaines transactions, comme la vente de pétrole, mais des experts indiquent que cette mesure n'est qu'une tentative pour compenser ses pertes financières continues.

Cette devise, le « dinar or », comme l'appelle le groupe, est actuellement utilisée dans certaines zones de Syrie et d'Irak, mais elle n'a d'autre valeur que celle du métal employé pour la fabriquer, ont affirmé des experts à Diyaruna.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a publié le 9 juillet un rapport indiquant que l'EIIL avait imposé l'utilisation du dinar or pour toutes les transactions avec les négociants pétroliers.

Selon ce rapport, l'EIIL vend chaque dinar, qui pèse environ 4,5 g, à des boutiques de change pour 190 USD.

L'EIIL avait annoncé en novembre 2014 qu'il frappait sa propre monnaie – plusieurs valeurs en or, argent et cuivre – destinée à être utilisée dans les zones sous son contrôle en Syrie et en Irak, mais les pièces n'ont été réellement utilisées que récemment.

Cette monnaie « n'a pas de véritable valeur marchande, car les devises mondiales reconnues sont soumises à des normes financières et bancaires spécifiques du système financier mondial », et elle n'a donc pas d'autre valeur que celle du métal utilisé pour la frapper, a expliqué Nasser al-Assiouty, professeur d'économie internationale à l'université du Caire.

L'EIIL oblige les commerçants à utiliser cette monnaie principalement « pour en tirer autant de liquidités financières que possible après que beaucoup de ses sources de financement, tant externes que provenant du commerce illicite, ont été coupées », a-t-il précisé.

Ce faisant, le groupe « cherche en fait à appauvrir les zones sous son contrôle, car l'or et les autres métaux utilisés pour la fabrication de cette monnaie ont été obtenus par le pillage de [...] banques privées et publiques qui détenaient une grande quantité de lingots d'or, en plus des métaux précieux pris aux citoyens par différents moyens », a indiqué al-Assiouty à Diyaruna.

L'EIIL perd le contrôle

En imposant cette monnaie sur les transactions, l'EIIL cherche à « donner l'impression qu'il n'est pas ébranlé par les revers militaires qu'il subit en Syrie et en Irak et à envoyer un message à ses partisans [...] affirmant qu'il a toujours le contrôle en mettant en place ce qu'il avait promis, c'est-à-dire le remplacement des devises mondiales par un dinar islamique », a déclaré Sami Gheit, chercheur au Centre al-Sharq d'études régionales et stratégiques.

Bien que l'EIIL eut annoncé qu'il comptait frapper sa propre monnaie il y a plus d'un an, le groupe n'avait pas pris les mesures nécessaires pour le faire jusqu'à il y a peu, après avoir perdu de vastes zones qui étaient sous son contrôle, a indiqué Gheit à Diyaruna.

Une autre raison à la mise en place de cette devise pour l'EIIL à ce moment, a-t-il expliqué, est d'obtenir de l'argent liquide pour payer les salaires, qu'il a réduit de moitié il y a plusieurs mois, lorsque ses ressources financières ont commencé à décliner.

Forcer les négociants pétroliers à utiliser le dinar or maintenant « n'est qu'un prélude à ce que le groupe fera bientôt, c'est-à-dire obliger tous les citoyens à se servir de sa monnaie, ce qui rapporterait d'énormes sommes à [l'EIIL] et resserrerait son étreinte sur toutes les transactions commerciales et financières menées dans ses zones », a-t-il conclu.

Exploitation du commerce pétrolier

Le « diwan » du trésor de l'EIIL « a indiqué à tous les propriétaires de boutiques de change et de transfert d'argent qu'ils doivent se procurer des dinars or de l'EIIL pour les distribuer aux négociants pétroliers, comme cela s'est passé dans la ville de Deir Ezzor et ses zones rurales », a relaté Wael Mustafa, entrepreneur natif d'al-Raqa qui a préféré utiliser un pseudonyme par sécurité.

Il a expliqué à Diyaruna que ces commerces achètent le dinar pour 190 USD et le revendent aux négociants pétroliers pour 191 à 197 USD, profitant de leur besoin de ce dinar et de sa disponibilité limitée.

L'EIIL « a informé les négociants pétroliers qu'ils doivent acquérir le dinar auprès de bureaux de change, et leur a interdit d'en acheter directement au groupe, afin d'encourager les citoyens à en acheter, créant une source supplémentaire de profit », a-t-il indiqué.

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